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Billet de blog 15 novembre 2010

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Re(ma)niement.

Reniement. Fait de désavouer ce que l'on considérait jusque là comme une vérité, comme une valeur sûre. En ce dimanche, jour banalisé depuis qu'un hurluberlu élu Président se mit en tête de régler les problèmes de son pays, au premier rang desquels les horaires d'ouverture des commerces de proximité de l'avenue des Champs-Elysées (la preuve en images), le dérèglement des institutions vérolées de la Vème République a connu un climax. La formation d'un nouveau gouvernement, plusieurs mois après l'annonce d'un remaniement, venant consacrer la fin d'une "séquence" (ah, ce vocable cinématographique adopté par le commentaire politique...) marquée par une sévère défaite électorale et un mouvement social intense, renseigne sur la dérive du pouvoir.

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Reniement. Fait de désavouer ce que l'on considérait jusque là comme une vérité, comme une valeur sûre.

En ce dimanche, jour banalisé depuis qu'un hurluberlu élu Président se mit en tête de régler les problèmes de son pays, au premier rang desquels les horaires d'ouverture des commerces de proximité de l'avenue des Champs-Elysées (la preuve en images), le dérèglement des institutions vérolées de la Vème République a connu un climax. La formation d'un nouveau gouvernement, plusieurs mois après l'annonce d'un remaniement, venant consacrer la fin d'une "séquence" (ah, ce vocable cinématographique adopté par le commentaire politique...) marquée par une sévère défaite électorale et un mouvement social intense, renseigne sur la dérive du pouvoir. Un pouvoir qui a perdu le contact avec la réalité sociale vécue par ses concitoyens, refusant de reconnaître que le chômage est toujours là, que la précarité et la pauvreté progresse, et que la persistance de ces fractures nécessite un changement de cap. Un pouvoir qui a perdu ses repères et dénigre par cette recomposition à effectif quasi-constant quelques-unes des bases de son action qu'il voulait réformatrice, au nom de ce qu'il baptisait sans ironie une République irréprochable.

Ce remaniement signe l'épilogue d'un long dimanche de fiançailles entre la droite... et la droite. La droite dure, avec l'arrivée de Thierry Mariani, co-fondateur du groupe de la Droite Populaire, aux côtés de MM. Vanneste et Luca. Où sont donc les promesses d'une ouverture politique de la majorité, garante d'un pouvoir qui ne représente pas un clan ? Les prises de guerre Kouchner et Amara sont passées par pertes et profits, démontrant, s'il était encore nécessaire de le faire, que leur promotion ministérielle n'avait pour seul but que de décontenancer un peu plus l'adversaire après la défaite de 2007, et non pas d'influer sur la ligne politique mise en œuvre. Les membres d'une sensibilité centriste sont de la même manière renvoyés à leurs chères études, ayant péché par excès de naïveté. Ils pensaient benoîtement que l'existence du groupuscule du Nouveau Centre ou du Parti Radical aux côtés de l'UMP servait à équilibrer la majorité présidentielle. Faisaient-ils donc mine d'ignorer que le Guide ne souhaite voir dépasser aucune tête à part la sienne, ce qui réclame une génuflexion parfaitement maîtrisée, au risque de voir tonner la sentence de la Reine de Cœur. Et des têtes ont bien été tranchées ce soir de remaniement...

La grande promesse de voir l'intégralité des politiques publiques mesurées à l'aune du développement durable a elle aussi volé en éclat ce soir. Plus que l'ancien Ministre de l'Ecologie, c'est bel et bien le Ministère de l'Ecologie le grand perdant de ce soir. Perdant le rang de Ministère d'Etat, oubliant ainsi de la promesse contractée par la signature du Pacte Ecologique de faire de ce poste le numéro deux du gouvernement. Perdant la compétence sur l'énergie, confiée à Eric Besson, sur l'aménagement du territoire, rattaché au ministère de l'agriculture mené par Bruno Le Maire. Qui peut croire que les questions énergétiques ne sont pas liées aux problématiques environnementales, que l'objectif du facteur 4 (visant à diviser la consommation énergétique par quatre d'ici 2050) sera maintenu si l'énergie est rattaché au secteur industriel ? Qui peut penser que l'urbanisme, et la lutte contre l'étalement urbain, l'adéquation des réseaux avec les activités économiques et la péréquation territoriale afférente ne sont pas des enjeux cruciaux dans le cadre du combat pour la défense de l'environnement et la lutte contre tous les types de pollutions ? L'ancien grand ministère voit sa voilure réduite, le nombre de secrétaires d'Etat passant de quatre à deux. Bref, la sentence tombée lors du dernier Salon de l'Agriculture, "l'environnement, ça commence à bien faire" se concrétise avec toute sa brutalité.

Enfin, si l'on a compris que ce remaniement ne signerait en rien un virage social et une inflexion de la politique menée, on pouvait au moins en attendre des signes vis-à-vis d'une respiration démocratique, faisant la place à toute la société dans sa grande diversité. Or la parité n'est toujours pas d'actualité, avec onze femmes pour un total de trente membres. La formation d'un gouvernement resserré, à l'heure des coupures budgétaires, semble avoir été aussi étonnemment oubliée. La présence de ministres issus de la société civile est rejetée au profit de vieux routiers de la vie partisane, qui ne brillent pas spécialement par leur compétence technique ; qu'on en juge par exemple par l'arrivée de Frédéric Lefebvre, ancien porte-parole de l'UMP et porte-flingue du Président, au poste de secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation (ouf!). Mesdames et messieurs, dormez sur vos deux oreilles, du commerce à la consommation, des PME au tourisme, Fredo veille !

Il n'est qu'un reniement qui puisse ravir certains ce soir, c'est la disparition du monstrueux Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale. Mais il est à craindre que le "gros rouge qui tâche" convoqué sur injonction présidentielle pour endiguer la montée des eaux frontistes ne soit pas pour autant rangé au placard, pas plus que l'injustice de la politique fiscale, la complaisance vis-à-vis des conflits d'intérêts, le mépris exprimé face à la fonction publique, le refus de traiter de la grande pauvreté à l'approche de l'hiver, le renoncement d'une diplomatie des droits de l'Homme, l'aveuglement face à la colère de la jeunesse... Il est des reniements plus coûteux que d'autres : tout dépend qui règle l'addition.

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