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Billet de blog 18 octobre 2010

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La peur n'a pas d'avenir.

1. Des voix s'élèvent ici et là pour interroger l'intérêt soudain d'une partie de la jeunesse pour la question du financement de notre système de retraites par répartition. Ces lycéens, ces étudiants, ces jeunes actifs, n'ont-ils donc pas d'autres sujets de préoccupation plus pressants, plus urgents, dans leur besace de revendications ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1. Des voix s'élèvent ici et là pour interroger l'intérêt soudain d'une partie de la jeunesse pour la question du financement de notre système de retraites par répartition. Ces lycéens, ces étudiants, ces jeunes actifs, n'ont-ils donc pas d'autres sujets de préoccupation plus pressants, plus urgents, dans leur besace de revendications ? On pourrait estimer qu'à l'orée de la vie, à l'âge des premiers pas, des premières décisions mûries en son for intérieur, cette frontière dessinée par l'arrêt de la vie professionnelle soit bien trop lointaine pour être l'objet des attentions les plus vives. A cet âge plus qu'à d'autres, où l'on n'est pas encore irrémédiablement empêtrés dans les contingences du réel, où l'on peut s'ébattre à son aise sans craindre de se prendre dans les rets que d'autres jetteraient sur notre existence, on rêve, de marcher sur la Lune, de guérir le cancer, de découvrir la Patagonie ou le Grand Nord, de rencontrer l'amour, de s'engouffrer dans Balzac ou Rimbaud... Pourtant aujourd'hui, comme trop de leurs concitoyens plus expérimentés, les jeunes semblent tétanisés par ce qu'il leur adviendra après plus de quarante de labeurs incertains, et trop souvent insensés. En 2010, la France ne s'ennuie pas, elle déprime, sans perspectives, sans lueur d'espoir. Comme trop de ces concitoyens, les jeunes sont inquiets de voir les pistes qui se dégagent, celles qui s'obstruent, celles qui s'effacent.

2. La peur semble le seul gouvernail disponible. Ne parvenant pas, ne prétendant pas dessiner les voies qui dégageraient l'horizon, on maintient le troupeau des volontés fébriles en faisant grogner les chiens des alentours. Lorsque la société bout, que la foule descend dans les rues et répand son mécontentement, on jette l'opprobre sur ces mouvements d'humeur en surjouant l'air du désordre destructeur. Pourtant du hasard et du chaos naissent de si belles oeuvres... Alors pour contrer cette angoisse de l'inconnu qui émerge de l'entrechoc des hommes, on manie la peur avec outrance. Peur des manifestants, des casseurs et de la pénurie organisée, que d'autres temps baptisaient la chienlit. Peur du chômage, avatar ultime de la loi d'airain organisant la destruction de la solidarité. Peur du terrorisme alimenté par les plus insensibles des apprentis sorciers. Peur du voisin, peur de l'étranger qui ne peut qu'apporter dissonance là où l'altérité pourrait être exaltée comme promesse d'échange. Peur du déclassement et du regard porté par soi et par les autres. Peur de la grippe, des animaux de basse-cour, du steak dans notre assiette, des nuages et des volcans, de notre jeunesse et de la vieillesse... Peur de l'avenir.

3. Demain, ça vient quand ? Alors que nos chemins sont bornés de toutes parts par une peur omniprésente nous forçant à réduire d'autant nos utopies et nos rêves, alors que le présent semble si morose qu'il nous empêche de lever la tête, alors que le futur dans lequel nous nous projetons s'annonce pour le moins sinistre, alors que l'on se sent toujours plus seul, que l'avenir est long à venir ! Extirpons nos peurs, de celles qui asphyxient, qui empoisonnent une vie. Ouvrons la voie la plus large que nous pourrons creuser ensemble, et laissons se répandre l'homme dans son temps présent pour qu'il puisse sans entrave s'inventer un avenir à sa mesure. Ne sacrifions pas sur l'autel du réalisme inerte des comptables nos rêves, tranchons le cou aux Cerbères qui souhaiteraient nous garder captifs du royaume de la peur, et voyons alors jaillir le sang bouillonnant de l'inconnu, si désirable, où s'abreuvent les audacieux, celles et ceux qui gardent l'avenir en ligne de mire.

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