L'Estivada était un événement phare de la ville de Rodez. Lancée en 1995, c'était le plus grand festival de musiques, chansons et spectacles en langue occitane. « C'était », car la majorité municipale de Rodez a décidé le 27 janvier dernier d'y mettre fin au profit d'un spectacle composé... « d'autre chose » d'après les mots mêmes du maire Christian Teyssèdre. Nous reviendrons plus loin sur cet « autre chose ».
Le monde occitaniste se mobilise pour tenter de revenir sur cette décision. Une pétition est en ligne. Des nombreux arguments avancés pour son maintient que l'on peut trouver dans l'appel Gardarem l'Estivada, il en manque à mon avis un, important dans le contexte politique contemporain.
L'Estivada telle que pratiquée à Rodez pendant vingt-sept ans n'était pas neutre. Elle avait un angle. Celle de l'ouverture culturelle. Les groupes folkloriques côtoyaient les slammeurs ou les groupes de punk-rock. On y découvrait également d'autres cultures vivantes, berbères, bretonnes... Ainsi à Rodez, durant une semaine d'été, on pratiquait la mescladis, ce joyeux bordel occitan qui pousse au métissage. Tel était le choix des équipes animatrices de l’Estivada et pas « autre chose ».
Or, un spectacle « d’autre chose » sera composé d’artistes certainement talentueux, qui intégreront Rodez dans leurs tournées, après Lille et Poitiers. Cette uniformisation culturelle est déjà un problème en soi. Elle tue tout ce qui ne rentre pas dans les standards commerciaux, tout ce qui est différent, minoritaire, en marge, pas rentable… mais ce n’est pas le seul problème.
La nature politique a horreur du vide, et il n’est jamais bon d’abandonner un terrain. Celui-ci sera très vite réoccupé par quelqu’un d’autre. Imaginons que le créneau de l’Estivada soit récupéré par des villes comme Beziers ou Perpignan, avec les équipes municipales que l’on connaît. On peut craindre que notre mescladis ne soit remplacée par une foire saucisson-pinard servie par quelques crânes rasés déguisés en chevaliers croisés. Abonner l’Estivada c’est prendre le risque de faire de la culture occitane une nouvelle proie dans la stratégie de bataille culturelle de l’extrême-droite. A l’heure où le Puy du Fou s’exporte dans les salles de cinéma, distillant un discours révisionniste et antirépublicain, il serait primordial de ne pas baisser la garde et de défendre une culture offrant un visage fraternel, tolérant, respectueux et invitant au bonheur.
N’est-ce pas un enjeu que devraient défendre nos élus ?