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Billet de blog 18 novembre 2018

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Si Nuit Debout rencontrait les Gilets Jaunes

Je n’ai pas mis de gilet jaune mais je suis allé sur les points de blocage autour de Rodez. Pour une fois j’ai fermé ma grande gueule de gauchiste et j’ai écouté les participants.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’appel des gilets jaunes a d’abord suscité chez moi un agacement certain : comment des individus pouvaient-ils se mobiliser pour un produit polluant, le diesel, alors que les cortèges pour la défense des services publiques, le climat ou pour nos salaires sont trop souvent clairsemés ?

Une fois de plus, c’est le mépris affiché de certains de mes camarades envers l’objet plutôt que l’objet lui-même, qui m’a convaincu de modifier mon approche de cet événement.

Je n’ai pas mis de gilet jaune mais je suis allé sur les points de blocage autour de Rodez. Pour une fois j’ai fermé ma grande gueule de gauchiste et j’ai écouté les participants. Muni d’un micro, j’ai interviewé une douzaine de personnes, prises au hasard, pour le compte d’une radio locale.

J’ai pu parler avec des retraités, des artisans, des salariés d’entreprises privées, surtout des gens non engagés politiquement. C’est un public que je côtoie habituellement peu. Sur les quatre rond-points où je me suis rendu l’ambiance était bonne enfant. Les gilets jaunes laissaient passer les ambulances, les infirmières et les voitures avec de jeunes enfants à bord. Aucun signe politique ou syndical n’étaient visibles bien entendu mais des banderoles et pancartes dénonçaient l’injustice des taxes. J’ai vu un, peut-être deux drapeaux tricolores, j’ai perçu le début d’une Marseillaise mais j’ai aussi entendu dans des sonos On lâche rien d’HK et les Saltimbanks, Antisocial de Trust et Cayenne de Parabellum qui appartiennent clairement au folklore de gauche.

La première impression qui se dégage de ces entretiens, c’est un profond ressentiment d’injustice. Les manifestants ont l’impression, une fois de plus, de s’être fait arnaquer, cette fois-ci avec le diesel. On les a incité a acheter ce type de véhicule pour être ensuite taxés sur une dépense qui, pour beaucoup, est incompressible. Tous, et j’insiste bien là-dessus, tous les gens rencontrés, interrogés au hasard et que je ne connaissais pas avant, tous m’ont soutenu que les plus riches pouvaient être taxés avant eux. Les riches, individus ou entreprises, pas les immigrés ou les chômeurs, les riches. Certains reprenaient le slogan de François Ruffin « Rend l’ISF d’abord ». Personne n’était contre l’écologie. Si j’ai rencontré quelques climato-sceptiques, la plupart étaient d’accord d’agir pour la planète, mais pas en étant sanctionné.

Je suis conscient de n’avoir vu qu’un infime échantillon de la mobilisation. Je pense aussi que les gilets jaunes sont différents d’une région à l’autre, tant dans leur sociologie que dans la hiérarchie de leurs revendications prioritaires. Cependant je suis convaincu que c’est un public compatible avec les propositions qu’ont exprimé plusieurs syndicats et partis de gauche, résumé par l’appel des « gilets verts » : développement et gratuité des transports en commun, réouverture des petites lignes SNCF, taxation de marchandises aérien et maritime, développement des circuits courts, captation de l’évasion fiscale pour financer une transition sociale et écologique…

Ou quand Nuit Debout rencontrerait les Gilets Jaunes… à condition de ne mépriser personne.

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