Nous avions pourtant expliqué notre démarche aux employés municipaux rencontrés dans les rues mais ceux-ci nous ont opposé des ordres formels émanant de leur hiérarchie : l’espace public doit rester neutre et immaculé. Masques et pancartes ne sont donc restés en place qu’une demi-heure.
Nous considérons cependant notre opération comme réussie. Des photos ont été prises et elles circulent avec succès sur les réseaux sociaux. Peu importe qu’il s’agisse d’une censure municipale ou d’un excès de zèle des agents municipaux, nous n’en faisons pas une affaire d’État et nous n’en tiendrons pas rancune.
Cette anecdote est néanmoins significative de deux choses.
Elle est d’abord significative du comportement des pouvoirs qui traitent toujours les mobilisations populaires par le mépris. Convaincus de dégager ainsi une image de fermeté (« ce n’est pas la rue qui gouverne » et « les rues de ma ville resteront propre »), ces pouvoirs capitalisent en fait du mécontentement qui se traduira en différé dans les urnes. Ils poussent ensuite certains activistes à radicaliser leurs actions. C’est pourtant un engrenage que nous ne souhaitons pas.
Elle est ensuite significative de l’état d’esprit dans lequel s’illustrent aussi bien notables locaux que responsables politiques nationaux. Les uns comme les autres veulent bien faire (ou faire semblant) en matière d’écologie mais supportent mal le moindre débordement. Les citoyens sont sommés d’adopter des comportements responsables individuels et de laisser élus et grandes entreprises décider des orientations politiques et économiques favorable, à leur sens, au climat et à la biodiversité. En somme : « ne nous dérangez pas, restez chez vous, on s’occupe de tout ! » Penser ainsi ce n’est pas prendre la mesure de l’ampleur de la mobilisation civile nécessaire. C’est croire que la transition écologique indispensable pour supporter les bouleversements climatiques qui vont arriver pourra se faire en bougeant simplement quelques curseurs. Le texte d’appel des soixante-dix-sept organisations participant à la grève mondiale pour le climat du 24 mai en France ne laisse aucune illusion à l’égard d’une telle pensée. Réduire les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025, arrêter la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres et engager leur restauration écologique à la mesure des dégâts causés imposent une mobilisation générale comparable à celles déployées en temps de guerre. Or, poursuit le texte d’appel et nous partageons ce constat : « les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années, aveuglés par une logique de croissance et de court terme, ont montré leur incapacité à s’occuper sérieusement de ses questions. Nous voulons donc que le pouvoir soit rendu aux citoyens. Au niveau local et régional, une démocratie plus vigoureuse et inclusive doit être mise en place. Au niveau national, nous demandons la création d’une assemblée citoyenne souveraine et adaptée à ce changement de société ».
Telle est ainsi l’alternative qui s’offrent aux élus : changer de politique ou nous changerons les politiques… et tant pis si quelques innocentes statues sont bâillonnées le temps d’une matinée.