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Billet de blog 29 juin 2023

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La création de nouveaux sports : méthode

Rien, en ce monde, n'est le fruit du hasard. Les sports se nourrissent les uns des autres, si bien qu’après une étude approfondie, on distingue des complémentarités logiques qui offrent de nouvelles orientations. Après avoir précédemment identifié les créateurs dans le sport, nous allons désormais dévoiler une méthode qui va permettre de créer de nouvelles activités.

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En suivant à la lettre les nouvelles directives proposées par ce système en voie d’élaboration, nous verrons qu'il est possible d’offrir une dimension supplémentaire à ces sports illustres souvent figés dans leur propre convention. Si les ingrédients qui composent la recette sont correctement dosés, le sport peut avoir une nouvelle saveur.

Toutes les disciplines existantes conservent en elles une ossature principale constituée de plusieurs organes qui fonctionnent et interagissent entre eux. Si on décompose tous les segments de cet appareil physique complexe et qu’on les extrait de leur siège, ces segments deviennent autonomes et peuvent, après une analyse rigoureuse, se recombiner, se restructurer d’une nouvelle manière et développer des embranchements infinis. Pour permettre ces élargissements, ces expérimentations qui font surgir le nouveau, il convient de saisir pleinement ce recodage théorique. Le procédé est, en soit, assez simple, l'application, quant à elle, demande une révision, un remaniement à chaque étape de sa construction. Comme un chimiste dans l’espace exigu de son laboratoire, nous devons séparer et dissocier tous les constituants des sports, isoler ses plus minces particules puis produire à partir de celles-ci, des nouveaux composants capables de changer en substance le domaine.

Dans un premier temps, nous devons réaliser un travail de dissociation, de séparation des composants puis, saisir quels sont les outils (autrement désignés comme instruments ou équipements) nécessaires à la pratique du sport, et enfin discerner les supports ou les surfaces (le terrain, l’air de jeu) car ils déterminent la direction qu'on souhaite donner à la discipline. Continuons ce procédé en décomposant toutes les parties qui régissent son cadre intellectuel (c’est-à-dire les formalités, les règles et les contraintes). Après cette tâche menée à bien, nous pourrons déterminer dans cette discipline ce qui relève d’un côté du sport en tant que tel puis identifier de l’autre le ou les autres domaines d'activité subordonnés à elle. En procédant de la même façon qu’un jeu de mot à relier, des combinaisons inattendues se modèlent sous nos yeux. A travers ce kaléidoscope, le sport va s'enrichir de divers matériaux et modes d'expressions originaux. Ce creuset inédit dans cette nouvelle géographie permet ainsi un renouvellement global car par la dissociation accomplie, une mécanique se dévoile et par la recombinaison de ces entités internes, on augmente le potentiel de ces activités. Le sport se retrouve ainsi transféré dans une sorte d’espace riemannien dans lequel les variétés métriques et les cordonnées agencés entre eux permettent de composer n'importe quelle structure dans un temps et un espace indéfini.

Le dispositif proposé s’oriente autour de six phases distinctes : dans la première phase, il convient d’expliquer ce travail d'identification et de dissociation des supports et des équipements. Dans la deuxième phase, on éclaire le lecteur en développant, à partir de cette séparation, de nouvelles compositions. La troisième phase est celle du perfectionnement de ces données et des variations induites. Viens, en quatrième phase, l'assemblage conçu à partir de sports existants et déjà caractérisés. La cinquième phase met en avant les éventuelles transformations du seul cadre intellectuel et théorique compris dans le sport. Enfin, la sixième et dernière phase propose une extension composite de l’activité physique, comme une sorte de déploiement du modèle, élaboré à partir des divers domaines d'expression comme l'art, la science, la technologie etc.

I – Phase de de dissociation

Quels sont les éléments constitutifs d'un sport ? la question mérite d’être posé car elle va servir de base de lancement à l’intégralité de notre propos. En décomposant la structure d’un sport, on peut déterminer quatre piliers essentiels soutenant sa colonne vertébrale. Tout d'abord, on retrouve l'acteur même de l’activité, ici l'espèce humaine (l’homme en fil conducteur, aidé parfois de l'espèce animale qui servira de d'appui à certaines disciplines comme l’équitation, les sauts d’obstacles, le polo ou le rodéo etc.). Ensuite, nous avons l'instrument, (nommé aussi outillage ou équipement), qui sert à prolonger et améliorer l’effort humain (comme le ballon, la raquette, l’épée, le disque, la perche, les gants de boxe etc.). Après cela, nous devons déterminer quel est le support ou la surface/environnement (constitué d’une matière soit solide comme le sable, la terre, le gazon, le bitume, soit liquide comme l’eau, la neige, soit une matière gazeuse comme le l’air, le vent – avec le deltaplane par exemple). En dernier point, le cadre intellectuel est la dernière variable qui permet d'affiner les règles du jeu, de définir des principes, d'activer des contraintes afin qu'il y ait un peu d’enjeu.

Illustration 1
la pratique du sky surf

Si l'on arrive à classer toutes les mécaniques essentielles au bon fonctionnement du sport, il sera possible de multiplier ces combinaisons. Pour donner un exemple, certains sports de glisse ont connu, au cours de leur histoire, des extensions de support (le snowboard est en réalité un dérivé du surf mais sur la neige et le récent skysurf est un dérivé dans les airs, à l'aide d'un parachute. Au moyen d’une bonne classification et en recomposant ces deux armatures que sont le support et l'outillage, il devient plus simple de créer des activités : on peut très bien imaginer la planche à voile sur la neige, la danse acrobatique ou le basket dans les airs (en utilisant un vent artificiel), le baseball, le badminton ou la boxe dans l'eau etc. Concernant plus spécifiquement l'équipement, on pourrait imaginer un lancer de pierre à la place du javelot, du marteau ou du poids ; un lancer de roue (à la manière des épreuves de forces). Dans les sports mécaniques, l’équipement peut aussi évoluer (comme une trottinette électrique ou une gyroroue sur piste). Si l'instrument provient du règne animal, on pourrait suggérer qu’il existe d'autres espèces capables de nous aider à performer. Des animaux, que l’on peut notamment dresser, aiguiller ou interagir comme, par exemple, le chien, le dromadaire, le singe, le dauphin (dans un sport proche du waterpolo comme  dans certains spectacles du Marineland)[1].

II - le développement d’autres combinaisons à partir de cas précis

Prenons le tennis et isolons son équipement et plus particulièrement la balle de tennis. Si on recontextualise cette balle et qu’on la place dans un autre environnement, dans une autre situation, nous voyons qu’il est possible de créer des intersections inédites. Cette balle, sans sa raquette, dérive de sa fonction première. Il n’est qu’à utiliser nos mains et lancer cette dernière pour que le tennis devienne un lancer de balle, avec d’ailleurs, pourquoi pas, les mêmes règles d’origine. Cette même balle peut également être utilisée dans le cadre d’une partie de volley-ball (comme on le voit d’ailleurs dans ce sport en vogue qu’est le Spikeball). Comme dans le football freestyle, on pourrait employer cette balle de tennis pour faire du jonglage, un genre de tennis freestyle avec la raquette, le pied etc. Concernant le support, la surface, un terrain de basket en parquet avec un panier plus étroit pourrait être élaboré de façon à accueillir cette même balle de tennis. Et dans l'eau, encore, pratiquer une sorte de tennis aquatique, de ping-pong aquatique ou un aqua-volley (en perfectionnant bien entendu l’adaptabilité de la balle). Aussi, si on repart du jeu de tennis classique, on pourrait déplacer les matchs dans la rue et imaginer un street-tennis avec les contraintes liées aux voiries et habitations de la ville. On pourrait très bien voir apparaître un tennis dans l'eau, un volley ball ou un ping pong aquatique, du baseball sur sable etc.

D’autres extensions se forment en mélangeant le support et l’équipement. La pratique du frisbee, né dans les années 40, en soi assez ordinaire, n'a pas beaucoup évolué avec le temps. Pourquoi alors ne pas concevoir des compétitions d’acqua-frisbee dans un bassin, comme on l'expérimente d’ailleurs parfois lors de nos vacances à la mer. Reprenons ce frisbee et adaptons-le au sport du lancer : il faudra alors pouvoir envoyer le frisbee le plus loin possible avec la contrainte qu’il reste droit, malgré le vent. Ce frisbee peut encore se combiner au handball, avec des règles ainsi modifiées comme une équipe constituée de quatre joueur, un terrain plus vaste, une cage de but en hauteurs et/ou de formes diverses etc.

III – Perfectionnement et variations des données

Comme le marteau est en quelque sorte le prolongement de la main, les outils qui se perfectionnent continûment donnent de la densité à l’emploi élémentaire de l’activité originelle. Nous aborderons la phase dite de perfectionnement : ces petites retouches qui s’appuient sur toutes les ressources technologiques, physiques et intellectuelles dont l'homme dispose.

L'amélioration de l'acquis, de l'existant, se divise en deux parties distinctes. Celle, d'une part, du secteur de l'innovation technique et technologique et celle, d’autre part, liée à l'intelligence et au savoir humain. En résumé, le perfectionnement du sport s’élabore aussi bien sur le plan matériel que sur le plan intellectuel. Sur le plan matériel, la modification d'un équipement augmente la performance ou transforme le jeu. Certains exemples le confirment : une raquette de tennis qui serait profilée différemment ou connectée[2] optimise la réussite ; dans l’eau, les maillots de bain high-tech composés de nouvelles matières sont des correcteurs qui permettent d’augmenter la vitesse dans l'eau. Du premier ballon de football en peau d'animal jusqu'à ceux en cuir, puis en polyuréthane, on a pu constater une meilleure expérience de l’utilisateur. Sur le plan intellectuel ou mental, l'élaboration des différentes stratégies, des différentes tactiques, la création de gestes purement athlétiques, la conception même du jeu à des fins performatives ont permis de moderniser le sport concerné. A titre d’illustrations, citons les stratégies de composition dans le football moderne (comme le 4-4-2 défensif) ou dans le basket-ball, le contrôle de jeu basé sur le rendement avec les paniers à trois points qui prédominent actuellement.

La phase de perfectionnement peut également induire d’infimes variations sur l'activité, notamment en transformant à minima l'équipement afin que le jeu puisse revêtir une dimension plus spectaculaire. Un ballon de football peut évoluer et être plus léger ou même plus lourd, plus petit ou plus grand ; un filet de tennis peut être raccourci afin de forcer les joueurs à se surpasser individuellement ; le cadre du panier de basket-ball pourrait être réduit afin que le ballon soit encore plus justement tiré. On pourrait assister à de combats de boxe au cours duquel les athlètes porteraient des gants plus lourds, plus fermes, entraînant alors une plus grande capacité de résistance aux coups portés. Dans le golf, les parcours pourraient être plus vallonnés, assemblés sur un seul et même terrain, les pré-rough plus grands, les greens plus petits etc.

IV – L’assemblage des sports existants

De façon plus directe, un mélange des sports actuels, contemporains peut être envisagé sans trop de complexité. En assemblant comme un jeu de lego les supports et les outillages présentés, de nouvelles formulations deviennent possibles. Les exemples sont pléthores (réalisables selon les règles nouvellement mises en place). Voici un petit échantillon de ces cas possibles : un 100 mètres avec le ballon aux pieds, un ski-hockey avec des skis adaptés, du basket polo (à cheval) ou en patins à roulettes, du hand-football (en utilisant les pieds et les mains) du patinage volley-ball etc.

V – Transformation du cadre théorique

Illustration 2
La pratique de l'Ultimate

Outre ce dernier alliage évoqué qui, d'ailleurs, commence déjà à se répandre dans nos sociétés friandes de nouveautés (on le remarque avec le disc golf, l'ultimate – mélange de frisbee avec le rugby), la transformation abstraite – dite réflexive –, peut pareillement favoriser l'émergence de nouvelles activités. Au-delà du cadre purement physique et matérielle, la sphère intellectuelle prend une grande part dans l'évolution et la rénovation des sports. Il suffirait, notamment, de développer de nouvelles contraintes, ou à l'inverse, de nouvelles libertés, pour que la nature du jeu se métamorphose. Prenons par exemple l'épreuve du 1500 mètres et agrémentons-le de diverses servitudes telles l'ajout de poids au pied (à partir des premiers 500 mètres), d'une course à pas chassés (sur les 300 mètres suivant) et pour les derniers 100 mètres, le sprint que tout le monde connaît. A partir de petits ajustements de principes, les épreuves connus peuvent muter. On pourrait même imaginer qu'une réflexion stratégique prenne une place non-négligeable lors d'un exercice physique. L'athlète utiliserait alors son cerveau, au bout de l'effort pour gagner (en prenant la forme d'un exercice intellectuel tel un calcul mathématique, algébrique etc.)

V – L’extension aux domaines d’expression

En dernier lieu, le propos se dirige vers une expansion du domaine sportif à d’autres secteurs à priori éloigné de sa seule sphère d'influence. Le champ de toutes les spécialités du savoir humain peut ainsi desserrer l'étau des disciplines sportives. Les domaines scientifiques, technologiques (comme la virtualité - exemple de l'e-sport), artistique, créent un écho supplémentaire au sport.

Illustration 3
The International, un tournoi e-sport annuel du jeu vidéo

Mais concentrons nos efforts sur l'expression artistique, terrain favorable et facile à identifier. L'alliance entre le sport et l'art est certes déjà connue[3] mais nous pouvons aller plus loin… Comme une mosaïque à assembler afin de former un motif harmonieux, certains fragments perçus dans les pratiques artistiques peuvent compléter et même engendrer des nouveaux sports.

La danse, le théâtre, les arts circassiens, sont autant de disciplines qu'il est aisé de réunir. Appuyons une fois encore notre idée en dévoilant quelques exemples : le judo ou encore le football pourrait, par exemple, au cours d’une compétition ou d’un match, intégrer de façon ponctuelle, des actes dramatiques ou comiques joués par nos athlètes. On utiliserait toutes les ressources laissées vacantes dans le sport pour renforcer l'attrait du spectacle, devenu spectacle vivant avec les sportifs comme interprètes et les coachs comme metteurs en scène. Après le théâtre, pourquoi ne pas insérer la photographie ou encore la musique dans un sport ? Les concours dans ces arts sont, en ce sens, déjà des sortes de préquels de compétition. Il est tout à fait concevable de favoriser ces différentes formes de rivalité en repensant des championnats scindés en plusieurs parties (comme cela existe dans le biathlon) et lors desquelles il faudrait capter le meilleur cliché dans un temps imparti. D'autres pratiques sportives pourraient, en outre, utiliser le rythme de la musique pour conjuguer performance et émotion. Le sportif, par exemple, devrait s'adapter au mieux aux percussions, aux cuivres joués à un moment décidé à l’avance pour atteindre l’objectif fixé (tirer dans la balle, sauter en longueur à un instant T etc.) Aussi fou que cela puisse paraître, une évolution en ce sens, dans un monde en quête de nouveauté, n’est pas impossible.

Illustration 4
Fig.1 - Schéma des sections associés

Nous voilà au terme de la méthode qui comme chaque système en gestation doit se perfectionner au contact d'autres spécialistes. La faisabilité de telles ou telles combinaisons où créations est une autre des étapes qu’il serait fastidieux de décrire dans le cadre du présent article. Dans tous les cas, cette formule, révisée et vérifiée, donnera l'occasion à certains producteurs de loisir d'exploiter ces mécaniques afin de parfaire notre propos et de suggérer d’autres pistes menant à la création de nouvelles activités. Une recherche soutenue est indispensable à qui veut aller au fond des choses. Nous lançons la balle dans un sens dans l’espoir qu'un chercheur, un passionné la rattrape et la renvoie, dans une direction innovante. C’est le vœu que forme ce travail : contribuer à éveiller la curiosité et à ouvrir un vaste champ d’action et d’application.  

[1] Cette éventualité ne rentre aucunement dans le débat sur la captivité ou les conditions de vie des espèces.
[2] Par exemple, des matières intégrant des composants technologiques permettant de connaître ses statistiques directement sur la raquette.
[3] A l’exemple de la natation synchronisée avec cette fusion entre le sport aquatique et la danse.

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