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Billet de blog 21 septembre 2016

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Erdogan-Poutine : les blessés de l'Occident

Sur France Culture, deux connaisseurs de la vie politique russe expliquent le "durcissement" de Vladimir Poutine en des termes qu'on pourrait aussi appliquer au "durcissement" de Tayyip Erdogan.

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Lundi 19 septembre 2016, les Matinées de France Culture recevaient, entre autres, l'historienne Hélène Carrère d'Encausse, et l'ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev, Andreï Gratchev, sur le thème "Vladimir Poutine et les politiques occidentaux".
On a retranscrit ci-dessous deux échanges.
Hélène Carrère d'Encausse : "Ce qu'il faut comprendre c'est que Vladimir Poutine est parti avec une idée en 2000, il était européen. [On a] évoqué celui qui l'a poussé vers le pouvoir, l'ancien maire de Saint-Pétersbourg, qui était un homme remarquable, un des esprits les plus libéraux de la Russie et, quand Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir, il a pensé que la Russie pouvait rejoindre l'Europe, non pas institutionnellement, mais véritablement retrouver sa destinée d'Etat européen. Il n'aurait jamais eu l'idée d'aller jouer sur les partis extrémistes, populistes, etc. Ce n'était pas du tout son rêve. C'était plutôt de s'inscrire dans un processus politique européen. Et puis il a été déçu, il a rencontré, je dirais, suffisamment d'indifférence, sans aller plus loin, d'indifférence, d'erreurs, il y a eu des erreurs d'appréciation. Moi je tiens à dire que le monde occidental n'a pas compris ce qui s'était passé en 1991 en Russie, qu'il a sous-estimé l'élan qui avait conduit... [...] On n'a pas compris qu'il se passait quelque chose de fabuleux et une révolution de l'intérieur. Le résultat c'est que la déception de Poutine l'a poussé incontestablement... – au fond il n'avait pas les partenaires qu'il recherchait. Il se tourne alors en effet vers des appuis ou des réseaux qui ne sont pas du tout ce qui correspond aux besoins russes, et ce qu'il avait évalué comme les besoins russes, de la même façon qu'il se tourne vers la Chine, de la même façon que ne pouvant pas être accueilli comme le responsable d'un pays européen, ne pouvant pas prétendre que son pays était un grand pays d'Europe, eh bien, il va vers l'autre hypothèse. Je dirais que c'est l'hypothèse du désespoir, qui ne correspond en rien à la destinée russe, et aux espoirs des Russes."
Question : "On dit que Poutine est entouré de théoriciens de l'Eurasie, qui lisent Carl Schmidt l'ancien théoricien du droit nazi, est-ce que c'est fondé de dire ça ?"
Andrei Gratchev : "On ne comprendra pas Poutine, le phénomène Poutine, si on le prend pour un idéologue, un homme avec une conception structurée du monde ou même de son propre pays. Il s'agit avant tout d'un pragmatique, d'un pragmatique froid, qui a pu très logiquement commencer comme on vient de nous le rappeler en tant que Poutine l'Européen, et même Poutine l'Américain, plus américain que Sarkozy, à l'époque de ses débuts, mais suite à cela, j'ai évoqué tout à l'heure Poutine élève de l'école du KGB, mais je dirais un autre volet de Poutine, c'est l'élève de son expérience de ses relations avec l'Occident. Au bout de ses premières années de relation avec l'Occident, après avoir été traité en tant que chef d'un pays qui ne compte plus stratégiquement sur la scène internationale, face à l'Occident qui se comporte comme si la Russie avait disparu de ce monde avec l'Union soviétique, ce qui à mon avis était une erreur capitale, eh bien on voit le fruit de tout cela, avec le retour dans l'entourage de Poutine d'hommes qui lui fournissent la justification pour le durcissement de son régime, dans la forme des idéologies de l'eurasisme, d'une Russie qui, étant un endroit exceptionnel dans ce monde, peut réunir les avantages d'un pays qui est à la fois européen et asiatique, et peut-être quelque chose de supérieur à ces deux côtés, l'eurasien."
Remplaçons quelques expressions, par exemple eurasisme par ottomanisme, 2000 par 2002, Russie par Turquie, et, bien sûr, Poutine par Erdogan : cela ferait aussi une assez bonne analyse de la genèse du "durcissement" de Tayyip Erdogan.

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