GuillaumePostel (avatar)

GuillaumePostel

Idiot utile, forcément

Abonné·e de Mediapart

18 Billets

0 Édition

Billet de blog 25 juillet 2016

GuillaumePostel (avatar)

GuillaumePostel

Idiot utile, forcément

Abonné·e de Mediapart

Espoirs et désespoirs dans la presse turque

Quelques réactions piochées aujourd’hui dans les journaux turcs d’opposition (non, ils ne sont pas tous fermés) et pro-gouvernement, après un dimanche marqué par le meeting du parti kémaliste (non, la rue n’appartient pas aux “islamistes“) auquel ont participé des centaines de milliers de personnes (non, les opposants ne sont pas tous en prison).

GuillaumePostel (avatar)

GuillaumePostel

Idiot utile, forcément

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans Sozcü, journal ultra-kémaliste à l’ancienne et opposant farouche à Tayyip Erdogan, un édito intitulé : "Le but, c’est la république islamique". [ http://www.sozcu.com.tr/2016/yazarlar/rahmi-turan/hedef-islam-cumhuriyesi-1328687/ ]
De qui Rahmi Turan parle-t-il ? Des projets d’Erdogan et de l’APK ? Non, de ce qui serait arrivé à la Turquie si les réseaux gülenistes étaient arrivés au pouvoir après un putsch réussi… Fethullah Gülen y est carrément comparé à Khomeini. Pour lui, les islamistes ce sont ces réseaux, non Erdogan.
Dans Hürriyet, journal "libéral" (au sens anglais), l’édito d’Ahmet Hakan (tabassé le 1er novembre 2015 devant chez lui par des membres de l’AKP) a pour titre : "Comme si il se passait des choses très nouvelles, très différentes, et très belles". [ http://sosyal.hurriyet.com.tr/yazar/ahmet-hakan_131/cok-yeni-cok-degisik-cok-guzel-seyler-oluyor-gibi_40167543 ]
Eh oui, c’est bien de la situation politique en Turquie dont il traite… "Le paradigme d’avant le 15 juillet est ouvertement et officiellement au bord de la faillite." Soulignant que l’ancien ton de haine entre l’opposition et le pouvoir est en train de radicalement changer, que ceux qui sont contre l’état d’urgence ne sont même pas traités de "traitres à la patrie", il constate :  "On dirait que la Turquie, plutôt que de se bagarrer dans tous les sens, est en train de réussir à maintenir une attitude commune devant la catastrophe" et que "sur les lèvres de ceux qui, hier encore, disaient "je veux quitter ce pays", un sourire d’optimisme se dessine."
Dans Star, journal populaire pro-gouvernement, si on trouve un article très menaçant contre le parti d’extrême-gauche pro-kurde, qui n’est toutefois pas désigné comme tel, on remarquera aussi un papier intitulé "Malgré le PKK, les Kurdes se sont dressés contre le coup d’Etat". [ http://haber.star.com.tr/yazar/pkkye-ragmen-kurtler-darbeye-karsi/yazi-1128266 ]
Ilhami Isik rappelle que les premières victimes du coup d’Etat de 1980 furent les démocrates kurdes. Et que la "structure élitiste" qui n’avait pas réagi aux putschs précédents a vu le 15 juillet "ceux qu’elle traitait d’intégristes, de vendeurs de macaroni ou de charbonniers faire le travail." "Même les électeurs du HDP - le parti pro-kurde - se sont dressés contre le putsch. Et malgré leurs explications emberlificotées, les dirigeants du HDP ont signé le document condamnant le putsch et le discours de leur représentant à la séance du Parlement était d’une importance significative."
Comme on essaye de le dire dans ce blog, il y aurait donc encore des raisons d’espérer, voire plus, en Turquie. Mais il semblerait aussi que, parmi les mauvaises nouvelles comme les mandats d'arrêt contre les journalistes qui reprennent (42 aujourd’hui), il y ait aussi, pour bien des habitants de Turquie, une raison de désespérer : l’attitude des opinions occidentales face aux événements en Turquie. Halkan Aybarak, éditorialiste de Karar, un journal représentant la branche modérée et pro-UE de l’AKP, n’en revient pas des commentaires de la presse occidentale. [ http://www.karar.com/yazarlar/hakan-albayrak/erdoganin-terapisi-1678# ]
Le malheureux s’attendait en effet à des manchettes du type "Une épopée démocratique" qui auraient commenté la résistance populaire contre le putsch. "En théorie, poursuit-il, cette considérable résistance aurait dû réjouir au plus haut point les Occidentaux, mais, parce qu’il s’agit d'un peuple musulman indiscipliné, l’Ouest fait comme s'il n’avait rien vu de cette épopée. Ils ne se sont pratiquement pas interrogés sur la tentative de putsch, ont à peine évoqué la sauvagerie des putschistes, et ont immédiatement commencé à dire : Pas de décisions anti-démocratiques au prétexte de la tentative de putsch ! "Revenant lui aussi sur la passivité du peuple lors des coups d’Etat précédent, il veut souligner la nouvelle vitalité démocratique acquise désormais par la Turquie, qu’il attribue bien sûr à la politique de l’AKP depuis 2002, et ne peut s’empêcher de conclure que ce que l’Ouest attend de la Turquie, ce n’est pas la démocratie, mais la passivité.
La suite demain, pour essayer de comprendre quelle importance aura pu avoir la rencontre entre Tayyip Erdogan et deux des trois leaders de l’opposition, qui aura été suivie d’un conseil des ministres. Pour l’instant, dans la presse, le seul commentaire du leader kémaliste tient en une phrase : "Dans les démocraties, le compromis est une chose importante".

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.