(Patrick Devedjian, le président UMP du Conseil Général des Hauts-de-Seine était l'invité de l'émission Témoins de Campagne sur Sciences Po TV le mercredi 28 septembre 2011. Il était revenu sur l'affaire Karachi). (Glisser le curseur à + 6 mn)

L’instance disciplinaire des magistrats devait se prononcer,ce mercredi 3 octobre, sur l’attitude de celui-ci à propos d’une très ancienne affaire liée au dossier "Clearstream".
Je suis indigné par cette procédure!", a lancé le juge mis en cause, en démontant longuement les "griefs" qui lui sont faits depuis six ans dénonçant des "tentatives de déstabilisation". Avant d'entrer dans la salle, il s'était dit "serein et déterminé". A l'audience, il s'est montré combatif, excédé qu'on lui "ressasse toujours ces mêmes histoires".
Le président de l’Union Syndicale des Magistrats, Christophe Reignard, n’avait pas manqué de s’exclamer : « Toute la magistrature attend qu’il soit relaxé ! ».
Indignation aussitôt relayée par le président du Syndicat de la Magistrature : « cette procédure disciplinaire est une vengeance du pouvoir exécutif contre un magistrat indépendant qui enquête sur des affaires gênantes ».
Aux dernières nouvelles, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, "ne demandera pas de sanction" contre Renaud Van Ruymbeke, a déclaré à l'audience la directrice des services judiciaires du ministère de la Justice, Véronique Malbec. Celle-ci n'a pas d'emblée expliqué pourquoi.
Ce juge d’instruction de 60 ans a effectivement instruit les affaires les plus « sensibles » : Boulin, Urba, Elf, Kerviel, frégates de Taïwan, Karachi, affaires qui lui ont valu la vindicte d’hommes politiques de tous bords.
Les multiples coups tordus n’ont pas, bien au contraire, ébranlé sa foi en une justice indépendante. Cette rectitude, il est en train de la payer, une promotion à la Cour d’Appel de Paris étant bloquée par cette procédure disciplinaire qui n’en finit pas….
Rappelons que le juge d’instruction est chargé de diligenter des enquêtes judiciaires. Il ne peut se saisir d'office et ne peut effectuer d'enquête que dans la stricte limite de sa saisine, cette limite étant fixée par le Procureur de la République, même si les poursuites interviennent à la demande de la victime (plainte avec constitution de partie civile).Il peut faire appel à des officiers de police judiciaire pour effectuer des actes d'enquête en leur délivrant des commissions rogatoires. Il effectue son enquête à charge et à décharge en concertation avec le procureur de la République et des services de police, médico-légal ou d'expertise judiciaire, et apprécie les demandes d'actes des avocats de la défense ou de la partie civile. Si son enquête aboutit à des charges suffisantes sur certains chefs de poursuites, il rend une ordonnance de renvoi devant les juridictions pénales. Sinon, il rend une ordonnance de non-lieu. La plupart des ordonnances sur des affaires complexes sont mixtes (renvoi partiel ou non-lieu partiel) et interviennent fréquemment au fur et à mesure de l'avancement de l'instruction. Source : Wikipédia.
Ce magistrat est libre d'enquêter comme il l'entend. Personne ne peut lui donner d'ordres et il est, théoriquement, libre de mener les investigations qu'il juge utiles. C’est en cela qu’on a pu parler de « la Grandeur et de la Solitude » du juge d’instruction.
Ce qui ne veut pas dire qu’il est à l’abri des pressions voire intimidations. De plus, il peut être soupçonné de faire preuve de partialité avérée. La Cour de cassation,unique instance habilitée à prononcer le dessaisissement du dossier d'un juge d'instruction, peut alors être saisie par le procureur général près la cour d'appel ou le procureur général près la Cour de cassation.
A noter que Renaud Van Ruymbeke avait, comme les principaux syndicats de la magistrature, critiqué fortement les conclusions du comité formé à la demande de Nicolas Sarkozy et présidé par l’ancien magistrat Philippe Léger, comité proposant, en août 2009, la suppression du juge d’instruction, ses pouvoirs devant être confiés au parquet (ministère public), magistrature "debout" restant aux ordres du Ministère de la Justice.

D'autre part, en juille 2012, il avait, avec son collègue Roger Loire, identifié de nombreux retraits en espèces, résultats d'une commission rogatoire internationale mettant en lumière les circuits de financement et les rôles joués par Thierry Gaubert, un proche d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy et l'homme d'affaires Takieddine.
Ajoutons que Lionel Jospin qui vient d’être chargé d’une commission de réflexion censée étudier les éventuelles possibilités de respecter les promesses du candidat F.Hollande(suppression de la CJR, Statut Pénal du Chef de l’Etat) avait connaissance en 1998, selon une note révélée par Médiapart, de ces « circuits de financement suspects » qui sont au coeur de l’affaire Karachi.
http://www.dailymotion.com/video/xqwqne_karachi-jospin-savait-itele_news
(désolé pour les 20s. de pub)
Renaud Van Ruymbeke, un des derniers « Chevaliers Blancs » au service de la Justice ?
N.B. : On ne pourra que conseiller, pour une meilleure compréhension de la mission de ce magistrat, véritable clef de voûte de l’institution judiciaire, de visionner le formidable film de Chabrol « L’Ivresse du Pouvoir » dans un rôle magnifiquement interprété par Isabelle Huppert.