Au lendemain du nouveau drame qui a eu lieu au commissariat de Caen où une fonctionnaire de police a mis fin à ses jours avec son arme de service, à l'heure où les lanceurs d'alerte comme Laurent Cuenca sont harcelés par leur ministère (cf. l'article de Louise Fessard) et ne trouvent plus comme seul moyen d'enlever le bâillon qu'on leur impose au nom d'un sacro-saint devoir de réserve obsolète en complète contradiction avec l'article 40 du CPP, que d'entamer une grève de la faim, j'ai envoyé, à la demande de Laurent, le courrier ci-dessous à la députée de sa circonscription:
Madame la Députée,
Je me permets d'attirer votre attention sur la situation difficile que vit actuellement, tant au point de vue ressources que mal être psychologique, Laurent Cuenca demeurant à A...
Gardien de la paix à la CRS 24 de Bon Encontre, il a fait l'objet d'une suspension disciplinaire de six mois dont quatre avec sursis, (deux mois sans percevoir de salaire donc) pour manquement au devoir de réserve. Il avait créé Police Victimes, une association. Las de ne pouvoir se faire entendre, il a entamé une grève de la faim il y a quatre jours.
Une association, SOS fonctionnaire-victime, soutient Laurent Cuenca. Sa présidente ; Annie Jouan : « Nous avions demandé le report du conseil de discipline car c'est un dossier entièrement à charge qui a été monté contre lui. Il était jusqu'alors bien noté, ses qualités professionnelles étaient reconnues et appréciées".
Plusieurs policiers ont, ces dernières années, été mis en cause pour manquement au sacro-saint "devoir de réserve", la hiérarchie ne supportant pas la moindre remarque, fut-elle justifiée.
On pourra objecter que la chose est vraie dans plusieurs secteurs professionnels. Il n'est cependant pas inutile de faire remarquer que les forces de police, qu'on le veuille ou non, constituent un corps particulier puisque leur mission est de faire appliquer la loi auprès du public dans les domaines contraventionnels, correctionnels ou criminels, les éventuels manquements à la procédure pouvant être dramatiques pour les libertés individuelles.
Les récents événements nous ont enseigné qu'aucun citoyen n'était à l'abri d'une éventuelle bavure. Que des policiers, en mal avec leur conscience devant des faits de forfaitures portés à leur connaissance, ne puissent les dénoncer sous la pression d'une hiérarchie uniquement préoccupée à sauvegarder l'image de l'Institution, est dramatique pour l'ensemble de la population.
L’article 40 du CPP qui impose à tout officier public, tout fonctionnaire de dénoncer des faits délictueux dont il a eu connaissance (délits correctionnels voire crimes) est sans ambiguïté. Ne pas dénoncer ces faits au procureur, se dérober à ce devoir, c’est entrer dans l’illégalité.
Certes, il est des personnalités d’exception comme Sihem Souid, qui a eu le courage exemplaire de dénoncer des pratiques carrément illégales dans son livre « La suspendue de la République ».
La jeune policière affirme avoir été cambriolée, menacée de mort, ajoutant sur TV5 Monde
« la police m’a fait comprendre que ce sont des policiers ».
Au-delà de ce cas particulier, elle accuse toute une haute hiérarchie:"falsification de documents, caballe montée contre des fonctionnaires de police, affirmant que l'I.G.S.(N.D.A.Inpection Générale des Services) couvre ces faits illégaux",confirmant les déclarations de Daniel Vaillant, ancien ministre de l'Intérieur en janvier dernier: "la police qui enquête sur la police, ce n'est plus possible. Beaucoup de policiers partagent mon sentiment. Je pense qu'il y a eu dans la police nationale d'autres victimes des turpitudes de l’IGS. On ne le saura jamais ».
Au mois d'août dernier, ayant été personnellement affecté par cette situation, je m'en étais ouvert auprès de l'ancien ministre de l'Intérieur qui avait eu l'amabilité de me répondre:
« Monsieur
je vous remercie de votre message.
Je continue à plaider pour une suppression de l'IGS et une réforme profonde de l'IGPN.
J'ai eu l'occasion d'en discuter avec Manuel Valls et son cabinet.
cordialement
Daniel VAILLANT »
Je déplore le fait que le ministre de l'Intérieur Manuel Valls soit resté sourd aux propositions de M. Vaillant et qu'il ait simplement décidé de "remettre à plat" certains dysfontionnements dans ce qu'on appelle "la police des polices".
Le véritable problème étant que les garde-fous empêchant toute dérive ne soient pas mis en place, nous souhaitons donc que, comme dans la plupart des pays européens, soit instauré un véritable contrôle de cette institution par une autorité indépendante, les magistrats du siège apparaissant les plus à même d'exercer cette fonction comme le préconise le Syndicat de la Magistrature.
En vous remerciant pour m'avoir prêté attention, je vous prie de croire, Madame la Députée, en toute ma considération.
Guy Belloy
cc: "tguilbert@assemblee-nationale.fr" <tguilbert@assemblee-nationale.fr> ; "bbourguignon@assemblee-nationale.fr" <bbourguignon@assemblee-nationale.fr> ; "jjurvoas@assemblee-nationale.fr" <jjurvoas@assemblee-nationale.fr> ; "Parti de Gauche - Roland Delattre" <roland.delattre@lepartidegauche.fr>