Après quelques jours de silence sur le sujet, de retour sur ce thème. Conflit d'intérêts, la presse s'en empare, il y a du buzz autour, combien de temps est-ce que çà va tenir, attention à ce que ce thème, essentiel, ne finisse pas par tomber dans l'oubli après une médiatisation excessive et moussante; non, ce thème doit faire l'objet d'un travail journalistique de fond, rationnel, continu sans attendre le prochain scandale. Interessons nous vite aux modes de prévention des conflits d'intérêts sans attendre le prochain scandale où on découvrira ces liaisons dangereuses qui ont conduit à la corruption ou à la prise d'intérêts, ou encore à l'enrichissement personnel, stade ultime du conflit d'intérêt. Alerter et interpeller en permanence jusqu'à ce que le dispositif déontologique ad hoc soit mis en place aux différents niveaux de l'Etat, des collectivités, de la représentation nationale. Donnons nous les moyens que çà n'arrive pas plutôt que de nous focaliser exclusivement sur le traitement conjoncturel et émotionnel de ce qui est arrivé.
Mais d'abord, de quoi parlons nous ?
Entre 2003 et 2005, l'OCDE a publié des recommandations dont "OECD Guidelinesfor managing conflict of interes in the public service" qui dit l'essentiel en termes de principes. En une décennie, on aurait pu trouver le temps de s'en inspirer et de lancer les chantiers correspondants. Mais les freins semblent être puissants, sournois et insidieux. Et puis nous avons ce que Martin Hirsch a appelé la mythologie française de l'honnêteté, dont les élites bénéficient naturellement, chez eux évidemment, "la vertu et la morale sont innées" ce qui a pour effet d'écraser le thème du conflit d'intérêt en le réduisant à une question d'honnêteté.
Justement, parlons de Martin Hirsch, travailleur infatigable de cette cause, qui a produit en octobre 2010 un ouvrage intitulé: "Pour en finir avec les conflits d'intérêts". A lire absolument. Qui commence par un quiz, éclairant, dont les réponses vous font dresser les cheveux sur la tête. Pauvre France, si petite, si frileuse, si protectrice des intérêts de quelques uns, si donneuse de leçons aux autres, où la transparence est un slogan alors que celà devrait être un comportement et une pratique. Car comment expliquer autrement qu'entre le 12 juillet 2010 où Monsieur Sarkozy s'est rendu compte qu'il y avait là un vrai sujet (je reste toujours admiratif de la capacité de cet homme visionnaire à anticiper et à détecter les vrais sujets, en fait à enfoncer avec une mauvaise foi et un opportunisme nauséabond sans pareils les portes ouvertes - les exilés/expatriés fiscaux, le taux effectif d'impôt des sociétés multinationales et Schengen), septembre 2010 où une commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique a été installée, 26 janvier 2011 où cette commission a déposé son rapport "Pour une nouvelle déontologie de la vie publique" et ce jour, 14 mars 2012, ce rapport et les bonnes intentions qui y figurent se sont enlisés dans les sables du travail législatif. C'est donc bien une absence de volonté politique. On se fait fort de sanctionner des pays d'Europe sur le thème de l'immigration (on se demande encore comment) mais on est incapable de porter une réforme de salubrité publique française qui est à notre seule main et dont le cadre méthodologique, celui de l'OCDE, existe depuis près de 10 ans. C'est donc bien qu'elle dérange "les petits et grands arrangements". C'est aussi, une fois de plus, la démonstration cinglante qu'en France, le plus sûr moyen d'enterrer un sujet est de créer une commission.
Autre lecture à recommander "Une démocratie corruptible" de Pierre Lascoumes, Collection République des Idées, en soi un gage de qualité.
La question était : de quoi parlons nous? Un conflit d'intérêts, quels intérêts? Tout simplement et même si les réponses sont plus complexes, un intérêt général et un intérêt particulier d'un individu ou d'un petit groupe d'individus. En s'en tenant à cette définition , on voit bien que ce thème concerne au premier chef la vie publique qui est l'expression de l'intérêt général mais doit s'étendre aussi à la sphère privée. C'est d'ailleurs dans ce domaine que des réglementations spécifiques ont été élaborées, sous la pression de la force publique sans que pour autant cette force publique commence par faire le ménage chez elle. Ah l'exemplarité, tant citée, si peu appliquée, et pourtant c'est probablement un des principes majeurs de la vie publique mais aussi du mangement dans les entreprises.
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, çà se poursuit à un rythme hebdomadaire, avec chaque fois que c'est possible, un exemple, qui est le meilleur moyen de comprendre toutes les dimensions du conflit d'intérêts.
Soyons vigilants, ensemble.