Deux films récents témoignent que les experts et les universitaires ne sont pas à l'abri des conflits d'intérêts: "Inside Job" et "Les nouveaux chiens de garde". A regarder d'urgence. Où l'on voit que des universitaires s'érigent en experts, en oracles en apportant leur caution scientifique et donc d'indépendance aux pratiques alors (et toujours?) en cours sur l'activité " instrumentsdérivés" (pour faire simple), celle qui a conduit à la crise financière démarrée en 2007, l'absence de risques, la maîtrise des risques par les établissements, la robustesse des modèles utilisés par les institutions financières. Dormez braves gens, nous veillons. Et où l'on apprend aussi que ces mêmes experts/universitaires ont été somptueusement payés ou couverts de cadeaux par les institutions financières pour des conférences, des débats, des formations où le discours ambiant était conforté.
Questions :
- est-on en droit d'attendre d'un universitaire/expert dit indépendant qu'il s'interroge sur la compatibilité entre des conférences grassement payées par une institution financière et un discours de validation des pratiques de cette même institution?
- est-on en droit d'attendre d'un universitaire/expert dit indépendant qu'il fasse preuve de scepticisme professionnel dans son expression publique en général et en particulier lorsqu'une question comme celle des risques inhérents aux activités de gré à gré sur instruments dérivés est déjà fortement controversée dans la communauté scientifique ?
- quel est le rôle de l'universitaire/expert? Trois composantes: la compétence, l'indépendance, la transparence. Etaient-elles réunies?
- est-ce de la naïveté, de l'ignorance, de l'incompétence, .... ou un appât forcené du gain ?
A l'occasion de ces films, une question a été posée: l'attaque ad nominem est-elle un mal nécessaire ? De mon point de vue, oui, la crise n'est pas un évènement sui generis, "une critique qui ne cible personne épargne tout le monde", les mécanismes qui ont conduit à cette crise ont été actionnés par des individus au profit de groupes sociaux, relayés et confortés notamment par les experts et...la presse. Peut-on avancer dans une réforme si les mécanismes, les personnes qui les ont actionnés et les bénéficiaires de cette crise ne sont pas identifiés ? Quels contre-pouvoirs faut-il mettre en place d'urgence pour, notamment, tailler en pièce l'idéologie sous-jacente à ces pratiques ? Faute de faire cet exercice, je crains qu'on ne revienne à la case départ....en attendant la prochaine crise, les numéros d'indignation et d'amnésie. Dans cet exercice, le conflit d'intérêt est, à nouveau, une composante essentielle à traiter. On observera qu'aux Etats-Unis, peut-être paradoxalement, le débat sur les responsabilités n'a pas été enterré. En France, circulez, il n'y a rien à voir.