Merci à Tardi pour avoir, avec une fascinante précision et subtilité, rapporté ce que fût la vie de milliers de prisonniers de guerre, au cours de la période 39/45.
Mon père fût l'un d'entre eux, et malgré les échanges que nous avons pu avoir de son vivant ; cette période est encore pour moi, en partie inaccessible.
Bravo à Tardi pour cette riche idée d'avoir fait témoigner son père René, par écrit sur cette épreuve de la captivité. Et même si de nombreuses questions restent en suspens sans doute ; la réalité est là, présente tout au long des pages. C'est ce qui compte.
Je reprends donc à mon compte ce témoignage qui m'éclaire sur cette période qui a bouleversé la vie de mon père, et celles de milliers de jeunes hommes : " Je me suis rendu compte à quel point ces moments dramatiques l'avaient marqué. J'ai compris, à quel point ces années terribles avaient compté pour lui, dont la jeunesse avait été confisquée, volée pourrait-on dire. Quatre ans et huit mois de captivité, le froid, la faim, la survie et surtout l'amertume" nous dit Tardi, jeune homme.
Et comme le complète très justement, Dominique Grange, fils de Jean Grange, médecin auxiliaire au Stalag VB, lui aussi prisonnier de guerre, dans la préface du livre :
"A son retour, Jean n'a pas pu prendre la parole, exprimer, rendre compte, raconter en détails les quatre sinistres années de privation de liberté. Pire, lorsqu'il lui arrivait de les évoquer, mon grand père maternel, qui avait fait la Première Guerre mondiale, lui clouait le bec, raillant cette armée de vaincus de mai-juin 1940...Sans doute comme des milliers d'autres qui, comme lui, n'avaient en effet ni exploit ni victoire magnifique à revendiquer, contrairement aux héros des tranchées...
A la libération, la révélation de la barbarie nazie à l'ouverture des camps de la mort, puis l'arrivée des survivants à l'hôtel Lutétia, ainsi que la célébration de l'héroïsme des résistants français sous l'occupation, éclipsèrent totalement le retour des prisonniers de guerre.
Il n'y eut pas d'espace pour la parole et leurs souffrances n'eurent pas le droit de cité.
Ils demeurèrent des victimes silencieuses et ignorées de cette guerre..."
Tardi fait donc oeuvre de mémoire, d'historien, en empruntant la voie de la Bande-dessinée il rejoint Art Spiegelman avec MAUS et redonne la parole à des oubliés.
PS : ci-après, quelques photos extraites de l'album familial
Les Héros de la Guerre 14 : Grand Père
Préparer la Guerre : Service Militaire 1932 - 1933
Drôle de Guerre : 1939 - 1940
La Capture : Mai 1940
La Captivité : Stalag XII A 1940 - 1945
La Consolation !