Disons le tout court: les chefs d'entreprise ne savent pas combien il coûte de produire. Vous ne me croyez pas ? Fort bien, que des journalistes aillent leur demander et ils auront soit des moyennes annuelles, des arrondis, des à-peu-près ou des fourchettes de prix. Mais, ils n’obtiendront jamais un chiffre précis et clair, jamais. Heureusement, les journalistes ne le demandent pas et l'on peut débattre, encore et encore, de la TVA sociale.
Comment je le sais ? Parce-que mon travail, c'est d'optimiser les chaînes de production. Et quand vous écrivez des modèles mathématiques, il arrive toujours un moment où il faut des données, des chiffres. Alors vous allez voir les responsables de l'usine pour leur réclamer ces fameux chiffres, - combien ça coûte de produire ? Combien ça coûte de stocker ? Les heures sup' ? Les capacités de production ? Combien de temps pour démarrer une ligne ? - et, faute de réponses claires, vous repartez avec des données en vrac, pleines d'erreurs, de trous et dans 10 formats différents. En général, ils vous donnent ce qu'ils ont, pas vraiment ce que vous voulez, parce-que, bon, les chiffres c'est votre domaine et que vous vous démerderez bien avec ça. Non?
Si cela ce passe comme ça, ce n'est pas que patrons sont ignares ou fainéants ou pas consciencieux, c'est parce-que c'est vraiment difficile de savoir combien coûtent les choses . Les fournisseurs ne sont pas toujours les mêmes, la même opération ne prend pas toujours le même temps, les réglementations ne sont pas toujours claires, il peut y avoir des accidents, des malfaçons, des retards, il est difficile de savoir quel coût va à quelles actions, ou les données sont mal reportées, etc. Petit exemple, supposons que les cotisations sociales baissent, mais que le coût de l'énergie augmente ainsi que celui du transport, comment sera impacté le coût de production unitaire ? À la hausse ? À la baisse ? De combien ?
Mais les délocalisations alors ? Elles ne sont pas le simple fait des coûts de production, mais d'une organisation de la production. Les constructeurs automobiles peuvent choisir de se rapprocher des marchés émergents (Europe de l'Est, Asie, Amérique du Sud). Ils poussent alors leurs fournisseurs à les suivre. C'est toujours mieux d'avoir ses fournisseurs sous la main, question de réactivité. D'ailleurs, à coûts de production égaux, c'est moins d'investissement de déplacer une vieille machine moins productive à l'Est et de compenser la perte de productivité par les bas salaires que d'investir dans de meilleures machine à l'Ouest. En plus les réglementations sont moins contraignantes. De toute façon, le sous-traitant n'a pas franchement le choix, ce client représente 65% de son chiffre d'affaire.
Au final, la baisse des cotisations arrange les patrons - c'est toujours ça de moins à payer – mais n'ont que très peu de chance d'aider au maintien des industries. À la fin de l'année, le chef d'entreprise peut être tout à fait content d'avoir économiser quelques pour-cent et son entreprise être en difficulté. On se souvient encore de l'exemple de l'usine Continental de Clairoix.