Quand j'explique à mes amis norvégiens que le président français est social-démocrate, ils ont toujours un blanc. Président et social-démocratie, cela ne colle pour un scandinave.
Mettons nous tout de suite d'accords, les norvégiens sont socio-démocrates, tous, comme les français sont laïcs: personne n'a vraiment la même définition. Cependant, le narration est toujours la même: elle est un deal entre le parti issu des syndicats et les paysans. C'est un accord gagnant-gagnant avec des avancées sociales pour les uns et du protectionnisme pour les autres. En Norvège, les paysans votent à gauche.
Petit exemple, le gouvernement actuel est composé des travailliste (Ap), des socialistes (SV) et, pour la première fois dans un gouvernement de gauche, des agrariens (Sp). Le ministre Sp de l'agriculture, Trygve S. Vedum, a ainsi fortement augmenté les taxes à l'importation sous l'argument que "cela a un coût d'avoir une agriculture norvégienne". Dans le même genre, la production agricole est le monopole de 13 coopératives. En Norvège, vous ne trouverez qu'une marque de lait, de poulet, de viande, etc.
Clairement, les paysans n'ont pas été oublié par la sociale démocratie norvégienne et ils ont garanti la domination d'Ap pendant des décennies. Rien à voir donc avec la succession d'expériences de la gauche française, de la Commune au cartel des gauches en passant par 1981 ou la gauche plurielle.
Alors je rigole un peu quand le gouvernement français explique que la négociation syndicats-patronnât est le cœur de la social-démocratie. Non, parce que le syndicalisme français est juste l'antithèse du scandinave. Les chiffres d'abord, 25% des salariés sont encartés à Landsorganisasjonen (LO). Il faut dire que le syndicalisme est légèrement différent: les syndicats ont le monopole de la grève. Le norvégien qui monterai aux créneaux façon Xavier Mathieu, Jean-Pierre Mercier ou Édouard Martin serai viré dans la demi-heure. Seuls les centrales syndicales peuvent déclencher une grève, souvent pour des négociations de branches, et toute autre forme de grève est illégale. Pas de syndicalistes braillards et charismatiques en Norvège, mais des encartés tiré au sort qui vont déambuler dans les rues pour expliquer leurs revendications aux passants. Les assistantes maternelles ont fait grève l'année dernière et l'ouverture des jardins d'enfants ne dépendait que du tirage au sort. Deux tirés au sort et la crèche était obligée de fermer quelque soit les conditions de travail ou de salaire dans celle-ci. Voilà comment fonctionne le syndicalisme en Norvège et je vois rien de similaire, ni même possiblement similaire, en France.
Même en faisant abstraction de l'histoire et du syndicalisme norvégien, la sociale démocratie scandinave n'est pas franchement transposable en France, question de culture. Qui a entendu parler en France de la loi de Jante (JanteLoven)? C'est l'exacte antonyme de l'élitisme républicain si cher à de nombreux français. En Norvège, les carriéristes sont mal vus, celui qui fait heures supp est mal vu; en France pas vraiment. Petit exemple, les enfants inscrits dans les club de foot, ou autre, n'ont pas de compétition le weekend. Pourquoi gagner des matchs si tu as bien couru ? Un autre exemple lié au travail? Je suis allé mettre en place des logiciels d'aide à la décisions chez Nille, une chaine de 240 boutiques. Le midi, nous avons mangé avec le PDG, Pål Wibe, et le reste des travailleurs. Tous le monde, patron et employés, à la même table. Tous le monde, patron et employés, mange la même chose dans les mêmes couverts. Tous le monde, patron et employé, discute ensemble. Ce genre de scène n'existe pas en France. On a même inventé le vouvoiement pour rappeler qui est le boss.
Au final, je ne vois pas ce que le PS français pourrai importer, s'inspirer ou revendiquer de la sociale démocratie scandinave. Pas la même culture, pas la même histoire, pas les même institutions. Pire, la Scandinavie est une quasi anti-france. Pourquoi alors, le gouvernement, ou certain éditocrates, ressortent si souvent l'exemple de la sociale-démocratie scandinave ? Peut-être parce qu'il est plus facile de s'associer à l'état providence Norvégien qu'aux réformes Hartz des socio-démocrates allemands...
Billet de blog 15 janvier 2013
Hollande et le mythe de la social-démocratie scandinave
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