Depuis le billet que j'avais commis en 2013, (cf. Ma pasionaria :
https://blogs.mediapart.fr/guyperbet/blog/270113/ma-pasionaria
M. a connu d'autres épreuves. La maladie, sournoise, tenace, toujours aux aguets, lui réservait d'autres coups de semonce qu'elle n'a pas manqué de lui servir.
En octobre 2013 on lui diagnostiqué des tumeurs sur une des multiples coutures consécutives aux bricolages successifs qu'a subi son intestin grêle. Donc, des mois de chimiothérapie au centre Léon Bérard de Lyon, et ce qui va avec : les super cheveux noirs désertant en quelques jours le joli crâne de M., qu'elle se hâta dès lors d'orner grâce à une impressionnante collections de foulards…
Puis, alors qu'achevaient de se résorber (presqu'un an après) les dernières traces, survint une série de septicémies à répétition qui lui firent passer pratiquement, chaque mois, une ou deux semaines soit aux urgences, soit en réa, soit en service infectieux… La dernière en date, au mois d'octobre dernier, a failli lui être fatale, car suite à un choc septique violent, son cœur a fait un peu le fainéant (descendu autour de 37) et a foutu la trouille à tout le monde (et surtout à moi, pour tout vous dire)…
Il y a eu aussi entre temps une autre intervention lourde nécessitant, pour la sixième ou septième fois en dix ans, une ouverture d'une trentaine de centimètres, avec pour conséquence une belle fermeture éclair de trente-six agrafes sur le devant de l'abdomen…
Mais elle continue, cahin-caha, à résister, malgré ses fréquents accès de fatigue. Cependant, en cette fin d'après-midi, elle n'est pas bien : elle vient de subir un traumatisme sérieux. A cause des gens, tous les gens…
Elle est rentrée par le bus du centre-ville où elle va chercher dans une grande pharmacie certains de ses médicaments non remboursés, qu'elle trouve en discount. En s'arrêtant à l'officine où elle renouvelle tous les mois sa carte de transports en commun, elle a eu un fort accès de fatigue qui l'a obligé à sortir sa carte d'invalidité en présence de l'agent de sécurité. Celui-ci, bienveillant, la guide en remontant toute la file d'attente jusqu'au guichet. Et là, elle se fait traiter de tout par les gens, tous les gens qui attendent :
- Pour qui elle se prend la bourgeoise ?
- La salope, elle nous passe devant !
- Doit pas être bien malade pour être sapée comme ça…
Etc… Et en ressortant, une deuxième couche… Et elle se met à pleurer.
M., lorsqu'elle va en ville, essaie juste de s'habiller correctement, à son goût. Mais de là à faire la "bourgeoise"… S'ils connaissaient, les gens, le montant de la pension d'invalidité de la "bourgeoise"…
L'agent de sécurité lui demande si elle veut porter plainte contre ceux qui l'ont insulté. Elle répond que non, qu'elle est fatiguée et qu'elle veut rentrer chez elle. Et elle s'en va, le cœur lourd, triste, sous les regards haineux des gens-comme-il-faut, ces bons français qui travaillent, eux (enfin, qu'ils disent). Pas comme cette inutile, assistée, paria, profiteuse… qu' en plus ça fait valoir ses droits, hein…
Elle a dû s'aliter un moment. Tout à l'heure, comme plusieurs soirs de la semaine, elle se branchera à sa pompe qui lui perfuse tous les nutriments dont elle manque, jusqu'à demain matin.
Et les gens, tous les gens, ne seront pas là pour voir la réalité de son quotidien.
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