Ce matin, au travail, lors de notre réunion d’équipe, les managers ont relu docilement sur des transparents, des articles afférents au « contrat social » que devrait mettre en place notre énorme, notre tentaculaire entreprise de communications dont l’activité consiste à vendre aux quatre coins du monde des connexions internet, et aussi de la vidéo, disponible et consommable partout et à toute heure, dès lors que vous disposez d’une de ces merveilles de la technologie dont votre pouce (le droit ou le gauche, c’est selon) s’escrime à explorer les fonctionnalités à l’infini, quitte à faire de vous un mutant au pouce (droit ou gauche) surdimensionné, d’une agilité et d’une infaillibilité qui passe l’entendement…
Arrivé le moment du tour de table de clôture de la réunion, lorsqu’arriva mon tour, ils m’avaient un peu énervé ; alors je leur ai servi ça :
« Comme je ne doute pas de votre bienveillance envers le doyen du lieu (40 ans de services), je vais me risquer, en tant que doyen, à une brève déclaration :
Je me suis fixé des objectifs (ou plutôt un seul objectif) de façon complètement unilatérale, n’en déplaise à la maîtrise (mais pas vous, hein, chers n+1*et n+2* ; je parle de ces gens qui se trouvent à des niveaux hiérarchiques où l’on devient vite inutile)… Cette maîtrise, elle a pris la mauvaise habitude de me les fixer elle-même, ces objectifs, depuis quelques années. Avant, on ne me disait jamais ce que j’avais à faire puisque je l’avais toujours su.
Est-ce le fait de l’usure, de la lassitude, ou d’une certaine colère rentrée de vieux militant vaincu, devant l’évolution de la boîte, à laquelle nous avons essayé de nous opposer souvent, ou bien, est-ce en observant le changement de pratique de certains collègues, mettant le cap vers la « carrière » ?
Il me semble en tout cas qu’il est temps pour moi commencer l’approche, en vue de l’atterrissage…
Aussi, je prends la décision (unilatéralement, je le répète), de ne suivre désormais, dans mes activités, que mes goûts et affinités, suivant l’humeur du jour… ou même de la semaine. Je souhaite qu’on me parle moins de délai, d’urgence, enfin de ce genre de contraintes qui ont tôt fait de vous mettre de mauvaise humeur.
En hommage à notre ami retraité A.M., qui en avait été l’initiateur dans notre équipe, je vais mettre en pratique sa manière « sabbatique » de m’acquitter de ma part de boulot. Ce qui, évidemment, ne signifie en aucune manière que je ne veux plus travailler !
Je ne vous demande pas si vous êtes d’accord (ou pas). Disons que c’est une forme de résistance envers cette grosse boutique, bien moins prompte à nous verser les retards salariaux qu’elle nous doit qu’à satisfaire ces inutiles et nuisibles rapaces qui se gobergent et parasitent le monde.
Je serai disponible pour transmettre mon savoir-faire, dont vous n’ignorez pas qu’il est difficilement mesurable, eu égard à mon inépuisable culture technique, que je n’ai pas voulu trahir, refusant d’écouter les chants de ces sirènes qui m’exhortaient à choisir d’autres chemins pour gravir les échelons de cette inculture d’entreprise, qui, en dépit des désastres qu’elle a pu provoquer, sévit pourtant depuis les années 1995-96.
Ainsi, ayant toujours désiré garder mon métier, je demande la latitude de l’exercer dorénavant à mon rythme, « à ma main »… comme je monte les cols à vélo… C’est vous dire !
Merci de m’avoir écouté. »
Mes collègues de l’équipe ont bien rigolé… n+1 et n+2, un peu moins.
*N.B. : n+1 : chef immédiat ; n+2 : chef juste en-dessus de l’immédiat.
Billet de blog 10 décembre 2010
Tranche de vie (professionnelle)...
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