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Seule avec les mouettes, la mer turquoise et l’air vif mais doux de mi- dépression.
La baie moutonne légèrement après le petit coup de suroît du matin, quelques pontons en va et vient du Pô au Trého tracent leur sillage vite mêlé aux crêtes des plus hauts moutons.
Il fait bon comme en été, calée sur les pierres à peine rafraîchies – un peu quand même ;-) par les gouttes éparses d’une minuscule averse…
Chassée par un gros nuage gris, je trouve, quelques dizaines de mètres et de rochers plus loin, l’abri d’une petite crique au panorama énorme : du Men Dû aux contours de Houat au Sud, le bord Nord de la Baie m’offre sa splendeur à l’heure où le jusant reprend ses forces pour repartir à l’assaut des langues de sable dévoilées par la marée basse.
Deux humains, un pêcheur attentif à ses pas et moi, se partagent la beauté - j’allais écrire la volupté – de ce lieu magique.
À l’heure où d’autres tissent des liens au resto ou contemplent un frigo trop lumineux à force d’être vide, je remercie le ciel de m’offrir pour apéro les fabuleux friselis des vaguelettes déroulant leur crinière de dentelle aux abords de l’isthme, le décor farfelu élaboré par des générations d’huîtres, berniques, praires et bigorneaux agrippé.es aux roches arrondies par les siècles.
J’envoie le meilleur de mes pensées à ceux qui fuient, celles qui tremblent, de peur ou de faim, dans les montagnes hostiles ou les villes ravagées, par-delà les mers mauvaises et les déserts arides.
Méaban tapie en embuscade de guetteur avant l’entrée du Golfe, Ty Guard en veilleur farouche de notre rivière aimée, et toute cette beauté à l’état pur.
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Je me prends à espérer que les quelques nanti.es qui peuvent se gorger de ce spectacle à toute heure de leur vie, les exclusivement favorisé.es qui de derrière leurs baies vitrées assistent aux 24x60x60 représentations quotidiennes de cette scène millénaire, toutes ces personnes donc, ont parfois en pensée leur chance, ainsi que la misère des autres humains.
© Gwenn Abgrall-Servettaz