Un monde insensé à la puissance 6...

Le flot de l'actualité, aussi ininterrompu qu'impromptu, charriant son lot d'atrocités et de mauvaises nouvelles, chamboule voire blesse la sensibilité de 99% des individus, qui disent ressentir de la fatigue informationnelle.

Me trouvant, selon la loi normale, dans cette population entre moins trois écarts-types et plus trois écarts-types, je n'ai pas réussi cette semaine à donner la priorité à tel ou tel sujet comme thème du billet hebdomadaire que je me suis engagée à écrire. J'ai zappé d'un sujet à l'autre jusqu'à ce qu'un fil rouge se révèle à lui-même :

l'incapacité d'un monde insensé à faire société. 

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• La vue :

Alors que la Bretagne est en réalité submersion, c'est le sentiment de submersion, évoqué par François Bayrou au sujet de l'immigration, qui a bénéficié de tout le traitement médiatique.

Les pieds dans la merde, le premier ministre est prêt à bien des compromissions pour réduire le budget de quelques milliards quand les bretons, les pieds dans l'eau, s'interrogent sur le délai à changer la vanne-clapet du barrage qui aurait pu aider à réguler la Vilaine. Les mauvais gestionnaires d'un business commencent toujours par négliger la maintenance pour augmenter les budgets dédiés à la communication. (colère)

• La proprioception :

En confondant l'ouest et l'est de l'Atlantique, Donald Trump a rebaptisé la Manche du nom du premier président des Etats-Unis. Il a ainsi révélé son incapacité, consciente ou inconsciente, à détecter sa place dans l'espace. (indignation)

Il est vrai que les eaux baignant les îles du Maryland ont été contaminées du fait de l'absence de contraintes sur le tout-à-l'égout contrairement aux côtes françaises où un minimum de sens du bien public assure la liberté de pouvoir se baigner sur les plages, du moins quand elles sont épargnées par les dégâts causés par l'agriculture intensive importée des USA.

• Le goût

Les marins savent que changer un nom, c'est rompre les liens qui se sont noués au fil de l'Histoire et ne pas respecter les rituels, arrosés d'une rasade d'alcool, peut provoquer la colère de Poseidon.

Donald Trump croit enfin avoir trouvé pour George Washington une Manche pour ce seul bras qui suffisait à son esclave, disait le premier président des Etats-Unis, à travailler comme à manger. « What is yours is mine ! » beugle Donald. « Non, non et non : la Manche aux manchots ! », lui répond la patrie de Napoléon. (sidération)

• L'odorat :

La ségrégation entre les riches et les pauvres s'accélère. Les premiers ne peuvent plus sentir les seconds et vice-versa. La ségrégation géographique ne raisonne plus à l'échelle du quartier mais à celle de la planète. Objectif Mars.

Grâce aux lois sur la fin de vie et la privatisation de la santé, va se constituer un apartheid entre immortels et mortels. Dans une époque pareille, faut-il se battre pour que soit accordé le droit au suicide assisté, avec le risque d'être mis à l'amende si le ratio d'un individu « rapporte à la société » / « coûte à la société» est inférieur à 1 ? Une fois débarrassés de cette engeance, Elon et Donald n'auront même plus besoin de quitter la Terre. (écoeurement) 

• L'ouïe :

Depuis la réforme des retraites, on sait que le gouvernement est sourd aux revendications de ces millions de français qui ont donné de la voix dans les rues allant jusqu'à décréter l'interdiction de la présence de casseroles dans l'espace public ou à tourner le dos à des manifestants comme à Mayotte. (agacement)

• Le toucher :

A chaque fois que je vais courir, je place mon téléphone en bas de ma colonne et je me souviens des bipeurs piégés qui ont blessé et tué des milliers de libanais. Alors la pression de mon téléphone devient désagréable. (peur)

Cette semaine, Ted Deutch, PDG de l'American Jewish Committee a grondé Elon Musk pour ses blagues à connotations nazies. Un « Heil » vaut mieux que le « Why » des élus de la République française menacés pour avoir osé poser la question sur les origines des terribles évènements du 7 octobre 2023.

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Le 23 janvier, une session du Forum de Davos a été dédiée aux dernières découvertes scientifiques sur ces sens qui permettent aux hommes de percevoir le monde qui les entoure et ainsi de le comprendre.

Ardem Patapoutian, co-lauréat du prix de Nobel de médecine en 2021, a expliqué comment la santé émotionnelle d'un individu repose, en particulier, sur le sens du toucher et comment faire société requiert les interactions moléculaires qui se font quand les individus se côtoient et prennent plaisir à être ensemble jusqu'à devenir une communauté. A contrario, on s'interroge sur le choix politique d'opter pour la propagande, l’injustice, la brutalité, la bêtise, la torture... qui ne peuvent que générer haine et ségrégation. 

Pour illustrer son propos, il rappelle cette histoire où un p'tit garçon en visite à la Maison Blanche, dit timidement au président Obama comment les autres enfants insistent sur la ressemblance de ses cheveux avec les siens. Alors le président Obama se penche et dit : « Touche-les, mec ». Au travers de ce toucher plein d'affection, de cette agréable sensation de toucher, ce petit garçon a pu ressentir qu'il partageait quelque chose de commun avec le président des États-Unis.

La semaine dernière, un billet sur Davos a été mis sur la page du journal MDP alors que mes 200 billets sur le sujet sont passés au pilon du Club.  Je remercie les autres contributeurs de me donner le courage de dépasser ces pensées de Caliméro.

Néanmoins, plutôt que d'être dans le déni ou de sous-estimer les effets du pilon du Club MDP sur ma santé émotionnelle, aussi virtuels soient-ils, je reconnais que tous les réseaux dits sociaux créent des reclus.es dignes du Moyen-Age et fragilisent l'engagement dans l'action.

C'est plus qu'un impact psychologique :  il y a un impact physiologique sur notre capacité à sentir le monde. Ces capteurs que l'on n'utilise pas ou que l'on trompe (j'observe que mes enfants ont une répulsion pour la spontanéité de l'échange oral et préfèrent les messages vocaux), vont être amenés à disparaître ou à se transformer. Certains pensent même que l'Homme développera de nouveaux sens et sans doute la sensualité qui va avec.