La liberté : dans la tête; La fraternité : dans le coeur; Et l'égalité dans les tripes. Le citoyen français est viscéralement attaché à l'égalité. Or, il est une discrimination flagrante à laquelle il me tient de remédier : aucune révolution ne porte le nom d'un légume.
L'histoire récente a honoré les fleurs. La révolution des oeillets, la révolution rose, la révolution des tulipes, la révolution de jasmin : ma génération plus que tout autre a été inondée de brassées fleuries. Les fruits ne sont pas en reste dans l'histoire révolutionnaire : les cerises et les oranges. Cette situation a vraiment de quoi défriser les légumes.
Je me suis donc mise à la recherche d'une révolution hors-la-loi qui n'aurait pas été officiellement déclarée. Nul besoin de vous faire poireauter : la révolution néolibérale fera parfaitement l'affaire. Quel joli coup marketing que d'être la première révolution potagère sur le marché !
Mettons carte sur table, les torchons se sont mélangés aux serviettes, même si je ne m'avance pas à dire qui du Privé ou du Public joue le rôle du torchon ou de la serviette. Née à Davos, en 1972, de l'acoquinement entre Public et Privé, la révolution néolibérale correspond parfaitement à la définition du concept tel que le donne son leader français, Emmanuel Macron, dans son livre Révolution : une période de profonde transformation dans le contexte d'un « divorce » entre un peuple et ses gouvernants.
Donc, à force de se faire cuisiner par les grosses légumes du gouvernement, sa patience consommée, il est venue au peuple l'envie de les faire suer voire de les presser. Il faut dire qu'avec l'inflation, pour beaucoup de français, il n'y aurait que de la soupe au caillou, sans la fraternité nationale pour y ajouter des légumes, des légumes pour tous les goûts.
Pour vous dire si la situation est prise au sérieux, le sujet a fait l'objet de plusieurs sessions de travail au Forum de Davos de janvier 2023 : « L'interaction de la nourriture, de l'énergie et de l'eau » et « Garder les lumières allumées au milieu d'une fracture géopolitique » : on estime à 2,3 milliards le nombre de personnes qui n'ont pas accès à une alimentation adéquate.
Dans ce coup de feu social, les batteries de cuisine en position, les casseroles sont prêtes à être chargées. Sur tout le territoire français, frappes ciblées de casseroles pour appeler les contingents citoyens « A la soupe ! ».
La révolution néolibérale a forcément le goût aigre-amer de l'oseille. Cette soupe à l'oseille serait trop claire sans quelques ingrédients pour faire recette. L'oseille s'accorde parfaitement avec l'asperge qui n'aime rien tant que de barboter dans l'eau frissonnante avant d'être épluché. Le cornichon, loin de se mettre en retrait, épice le breuvage. Grâce à la blette qui se « play » en belette, vous obtenez une suprême Marianne. Pour ceux qui ont vraiment faim, ajouter l'oeuf du diable primeur, pour obtenir un ersatz de lait de poule tout juste comestible. On met néanmoins en garde les consommateurs contre ce légume qui devient toxique au cours du temps : au stade de satyre puant, il intoxique la nation de sa violence impudique. Bisque, bisque, rage. Vous êtes servi.
Nan ? Mais c'est quoi cette soupe à la grimace !
