
Attaquer le livret A, c'est attaquer la France ou plutôt les 50 millions de français attachés à leur livret d'épargne comme à un vieux compagnon de route, avec qui l'accord parfait n'aurait jamais été démenti.
L'assaut contre ce symbole national a été engagé le 13 juillet 2023 quand le Sénat a adopté, par 313 voix « pour » et 17 « contre », la tactique du cheval de Troie.
Du grand art militaire, tout en duperie car dans la loi de programmation militaire, votée par nos élus, a été glissé un article autorisant que l'épargne populaire finance la défense de la souveraineté nationale.
Avec une dissimulation qu'Attila aurait consacrée, cette percée dans nos économies a été camouflée en médiatisant une seconde attaque également dirigée contre le livret A : sa non-indexation sur l'inflation en le maintenant à un taux d'intérêt de 3% au lieu de le revaloriser à 4,1%.
Dans cette chausse-trape tendue par les néolibéraux, Sun Tzu aurait vu à raison la manoeuvre d'une petite armée bien disciplinée ayant atteint les objectifs fixés par son état-major, en janvier 2023. En effet, au cours de la session Protecting cyber espace and exponentiel change, le World Economic Forum avait enjoint ses leaders de développer un écosystème économique pour répondre aux cyber-risques décrits dans le rapport sur la cybersécurité.
global-security-outlook-report-2023C'est chose faite pour le business France : les quelques young global leaders sévissant sur le territoire, au nombre desquels on compte Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Marlène Schiappa, peuvent faire main-basse sur les 400 milliards d'économies des 50 millions de français pour financer les 5 milliards de drones, les 4 milliards de cyber-systèmes sécuritaires, les 10 milliards d'innovation prévus au plan de 400 milliards alloués à l'armée pour la période 2024-2030.
A partir de l'année prochaine, l'individu français, marqué par le cornu ministre de la défense, ne devrait plus bouder le défilé du 14 juillet; en tant qu'investisseur, il devrait a contrario ressentir les frissons d'un actionnaire face aux joujoux qui lui seront présentés au premier salon de l'armée où les militaires y joueront le rôle de faire-valoir.
A son corps défendant, le peuple français entame une transition économique, psychologiquement éprouvante : les petits co-propriétaires du parc de logements sociaux financés par le livret A sont en passe de devenir les investisseurs de l'ambitieux plan de modernisation de l'appareil militaire.
Dans cette logique, le détenteur de livret A pourrait devenir un boursicoteur accro à l'actualité, calculant les retombées financières associées à la décision d'accorder de nouvelles garanties sécuritaires et un soutien militaire à long terme à l'Ukraine lors du sommet de l'OTAN. Il suffit d'une bombe H pour faire d'un buveur de ricard un richard imbuvable.
Le détenteur de livret A est devenu partie prenante du « stakeholder capitalism », une forme de capitalisme qui revendique la création de valeur à long terme par la prise en compte des besoins de la société au sens large. Sur cette base, le livret A aurait dû être utilisé vers la transition énergétique et la réparation des crimes contre la diversité orchestrés depuis 50 ans au lieu d'être détourné vers l'armement. La vie étant un pré-requis à la paix, le « green new deal » aurait dû primer sur la loi de programmation militaire. L'absence de débat au Sénat interroge sur l'objectivité des sénateurs quant au bien commun.
Malheureusement, selon les canons du Monde Global, plus risqué est l'investissement, plus fort est le potentiel de rentabilité. C'est la version moderne du miracle des petits pains ou, pour les plus républicains, la merveilleuse répartition des richesses. Dans cette logique, faire tomber les bombes sur les uns, c'est la promesse de lucratives retombées économiques pour les autres.
Dans La fête de l'insignifiance, Kundera écrivit : « La grande idée de Shopenhauer, camarades, c'est que monde n'est que représentation et volonté. Cela veut dire que derrière le monde tel que nous le voyons, il n'y a rien d'objectif, et que pour faire exister cette représentation, pour la rendre réelle, il doit y avoir une volonté; une volonté énorme qui l'imposera. »
Il y a de quoi rire jaune, jaune comme un blob qui dort...

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