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Billet de blog 17 décembre 2023

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Petite beur.re.tte

Je passe le relais à ma fille.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ecriture inclusive pour histoire d'inclusion. « beurette » car je suis née de l'un des 30 000 couples français mixtes unis par les lois du mariage en 1999. « petit beurre » car mes parents se sont rencontrés à Nantes, tout près de la fabrique du célèbre gâteau Lu.

Ces unions font l’objet de fantasmes, de préjugés et de controverses en France. Voici donc un petit palmarès des questions les plus souvent posées. Elles sont réparties en trois catégories ; se succédant toujours de la même manière ; la religion, la nourriture et le mariage. (Promis, ici, ce n’est pas BFMTV, tout est réel).

 « Mais c’est quoi ta religion alors ? ». Ça te regarde ?

L'heure est grave : les fachos du coin ont compris que les rangs sont infiltrés par une « danoise » (mot codé pour parler des personnes d'origine maghrébine). La question est alors posée sans complexe, ni retenue bien qu’elle aille à l'encontre du principe de laïcité pourtant réclamé haut et fort par mes questionneurs pour commenter une histoire de voile. Ici, il s'agit de bien répondre car je passe un test de moralité.

 « Votre père vous a obligés à être musulmans ? ». Oui, j’ai prononcé le shahâda avant mes six mois. Un exploit dans le milieu.

Cette question est la plus difficile à supporter. Elle suppose vicieusement que mon père, musulman et maghrébin, est un despote qui impose ses volontés à toute sa famille, et notamment à « ses » femmes alors que mon papa (poule) m’a donné toutes les clefs nécessaires à mon développement et à mon indépendance.

J'ai eu le choix, les livres sacrés en version illustrée, édition jeunesse, pour m'y aider. Les bébés baptisés avant leur un an n'ont pas cette opportunité. Les interroge-t-on plus tard sur leur consentement pour autant ?

 « Ta mère a été obligée de se convertir et de porter le voile ? ». Obligée ? Ma mère ?,…

Ma mère : têtue, intrépide, originale. Surtout têtue. Si couvre-chef elle devait porter, elle négocierait le bonnet rouge ou la coiffe bigouden au nom des traditions.

Quand ils comprennent que la religion est finalement un non-sujet chez nous, viennent alors les questions sur notre mode de fonctionnement. Notamment pour la nourriture. Un musulman ne peut quand même pas accepter que sa famille ait des habitudes alimentaires différentes des siennes.

« Vous avez deux frigos pour cacher le porc? » Bien entendu. La masturbation rend sourd, la vue du porc aveugle. Préservons-nous.  

Je vais vous partager un secret de famille ? Mon père achète du jambon de Parme à ma mère pour accompagner le melon ; sa petite Madeleine de Proust. Donc, oui, nous avons un seul frigo, une seule famille, une seule société. Et il arrive même que le jambon soit rangé à côté du melon ! Historiquement, le porc a été interdit car c'était une viande très parasitée.

Dans la même lignée, non, les bouteilles d’alcool ne sont pas cachées. Ma mère, habillée de bottes et d’un ciré, ne doit pas encore braver vents et marées pour boire un verre de temps à autre. N’en déplaise aux puristes, on peut trouver tadjine et vin rouge sur la même table.

« Mais ta mère doit manger halal alors? ». Elle compte rentrer au paradis clandestinement

Au dilemme cornélien imaginé par les fachos qui aiment à se demander si un musulman mangerait du porc pour survivre, on a répondu à la maison que tant que la viande n'est ni OGM, ni bourrée d'hormones ou d'antibiotiques et qu'elle ne dégorge pas d'eau à la cuisson, c'est le principal. On sait que le halal était une façon de mieux conserver la viande quand il n'existait pas de frigo.  

« Ta mère se cache pour manger pendant le ramadan ? On l’enferme dans la cave oui.

Faire le ramadan est un choix personnel, qui n'impose rien à ceux qui ne le font pas. Par contre, la chorba et les boureks sont volontiers partagés.

Et puis vient obligatoirement le sujet du mariage. Sujet si peu abordé avec les concernés mais toujours évoqué lors des discussions avec leurs enfants.

 « Comment ils ont fait pour se marier ? » Comment dire ? Le maire, un acte de mariage, deux stylos (un seul suffit même).

 « Ton père a pu rentrer dans une église ? » Le blocus de Génération Identitaire l’en a heureusement empêché.

Dans l'islam, Jésus est un prophète important même si les musulmans ne le considèrent pas comme le fils de Dieu. De mon père, musulman, ou de ma mère, anticléricale, le moins à l'aise des deux dans une église n'est donc pas celui qu'on croit.

 « Ton père avait les papiers ? » C’est vrai qu’après trois enfants et 25 ans de mariage, la question du mariage blanc reste prégnante…. Et puis le régime de Vichy c’est fini non ?

Sachez que cet article a été un défouloir. En réalité, je réponds avec toute la pédagogie possible. Néanmoins, il est assez rageant de voir que derrière toutes ces questions, il y a souvent un racisme ordinaire d'ambiance et de l'ignorance. 

Un couple mixte, c’est l'expérience d'une altérité et des prises de tête pas si différentes des couples dits « standards ». Le débat se place plus autour de l’utilisation de l’huile d’olive ou du beurre et moins autour du voile, de la liberté des femmes ou de la religion.

Alors pourquoi cette impression d’être toujours trop ou pas assez ? Rejeton d'une époque qui se recroqueville, chacun dans son entre-soi ? Et si ce qui les met mal à l'aise, c'était simplement que les métisses soient la preuve que ce peut être facile et possible.

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