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Billet de blog 25 décembre 2024

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#C'estJustePasJuste

Au pied du sapin oecuménique, un cadeau à ton intention. Que cet # puisse tisser autour de toi un réseau solidaire pour te protéger d’une humanité à son nadir.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Mon p’tit bonhomme#1,

A l’occasion du solstice d’hiver, je t’adresse ce message des confins de l'Europe, d'une région qu'on appelle la Bretagne.

Au gré des réseaux sociaux, ta photo m’est parvenue :

un garçon souriant d’une dizaine d’année#2. Brun. La peau mate. Lumineux devant cet amoncellement de béton. Éblouissant, à l’avant-plan d'une ville pulvérisée en millions de legos par une force à la puissance incommensurable. 

Je voudrais afficher ta photo, juste ici, mais je ne veux te faire courir aucun risque. J’ai peur que la Machine de Guerre n’envoie un drone#3 partir à ta recherche, mû par la haine encodée dans son algorithme traquant toute fraction d'humanité, la beauté, le raisonnable, le bon, le solidaire, l’espoir, la justice. Qu'importe que tu t'appelles Moïse#4 ou Mohamed, la Machine est terrorisée par les mômes dont la vulnérabilité est une force. Momo#5 est imprévisible et Elle déteste cela.

Depuis plus d’un an, sans trêve qui ne soit jamais accordée, j’imagine la terreur qui t’étreint de voir ton monde s’enfoncer dans une obscurité sans fin#6. L’adulte que je rêvais d’être quand j’étais enfant interroge l’adulte que je suis, là, face à l’enfant que tu es :

« Alors, que vas-tu faire pour l’aider

à combattre les monstres de la nuit qui l’assaillent ? »

M'étonner...

  • « Pourquoi les médias s’indignent-ils contre l’arrestation d'une artiste iranienne mais taisent pratiquement l’élimination ciblée de l'humanitaire palestinien qui te distribuait de la soupe ?
  • Pourquoi être horrifié par la prison de Saydnaya mais être impassible face à Sde Teimande où ton père, ton frère, ton cousin sont peut-être emprisonnés ?
  • Pourquoi pleurer sur l’accès à l’éducation interdit aux femmes par-ici et ne pas s'offusquer devant la destruction de ton école voire l'élimination de tes professeurs#7?
  • Pourquoi accueillir les femmes et les enfants ukrainiens mais pas les femmes et les enfants palestiniens ?

Ce que je cherche, c'est de l'impartialité#8 et de la nuance#9 , cette « universalité de la condition humaine » chère à Isaac Bashevis Singer. Sans quoi je m'interroge sur les motifs qui justifieraient une racialisation de l'information et je m'inquiète de voir mon pays replonger dans un racisme qui lui a été si dommageable dans le passé.

J’ai des racines celtes qui s’enfoncent dans 10 000 ans d’Histoire : je n'ai pas à choisir#10 entre les juifs et les musulmans, entre les slaves et les arabes, entre un gosse allemand et un gosse libanais. 

M'émouvoir...

On me raconte une histoire. Je pense « Assez ! ». Mais la durée du journal télévisé est multipliée par deux alors que je n'en supporte plus que le quart.

Alors que les uns et les autres#11 se débattent dans le tourbillon de l'Histoire, on m'impose une histoire manichéenne où les uns incarneraient l'axe du Bien et les autres l'axe du Mal. 

Lorsque la fable s'éloigne#12 par trop de la vérité, je suis révulsée par cette ambition haineuse qui s'étend jusqu'aux enfants. Pour ne pas sombrer, il n'y a pas d'autre choix que de s'accrocher à une vision qui s'est construite en moi depuis l'enfance et dans laquelle je dois puiser pour ne pas me fragmenter :

  • 24 billets « Juste une case » pour les 24 jours que j'ai pris pour écrire cette lettre
  • 24 cases de ma mémoire ouvertes sur 24 oeuvres qui ont marqué mes contemporains
  • 24 histoires d'enfants pris dans des contextes de colonisation#13, de guerre civile#14, d’épidémie#15, de misère#16 ou de maladie#17 qui apparaissent plus que jamais comme une déclinaison de la colonisation, dans ses variantes militaires, politiques, économiques ou infectieuses.
  • 24 histoires empilées comme les 24 vertèbres mobiles de ma colonne vertébrale et qui constitue une ligne de conduite, le long de laquelle se propage un influx pour me rappeler la justice que l'on doit aux enfants.

En célébrant les justes, la civilisation judéo-chrétienne et la société du spectacle ont développé chez l'enfant que j'étais une version héroïque de l'adulte que je devais être et c'est lui qui se rebiffe aujourd'hui contre la bien-pensance et la standardisation de l'opinion. Simple réflexe.

Si j'ai un choix à faire, c'est entre un dos qui se voûte et un dos qui se redresse, entre la résignation et la dignité.

M'exprimer...

...car le silence est amer quand l’inclinaison entre les indulgences que s’octroient ceux qui s’arrogent la direction du monde et les injustices envers tous les autres précipitent l'humanité dans un crépuscule dont on pourrait ne jamais émerger. Les premiers comptent sur l'inertie, la partialité, la peur, l'égoïsme des seconds. Pire, ils les modèlent pour s'assurer de leur veulerie et de leur pusillanimité. 

Avec sa cravate jaune sous la nef de Notre-Dame, Donald Trump a raison de rappeler à la France son passé vichyste et collaborationniste. La France a fait une faute il y a 80 ans. Se limiter à avoir honte de Vichy est insuffisant : ça manquerait de panache#18.

Autant assumer cette tache pleinement en refusant aujourd’hui ce qui a été accepté hier et en se souvenant des mots de Henri Bergson devant une Allemagne à la dérive : « Dans sa brutalité et son cynisme, dans son mépris de toute justice et de toute vérité, c'est accomplir un simple devoir scientifique que de signaler une régression à l'état sauvage. » 

Aiguillonnée par des idéologies mortifères, colonisation, esclavagisme, nazisme, fascisme, la civilisation judéo-chrétienne s'est souvent abîmée dans la gangue de la propagande, de la censure, de la manipulation des images et du langage pour détruire la ligne de conduite qu’elle avait édifiée. Trop souvent.

Quelle humanité a besoin de cacher, de tromper, de manipuler, de mentir, d'abuser l'opinion publique ? Faisant fi d'un antagonisme vieux de deux millénaires entre le judaïsme et la chrétienté, les faits et les informations se succèdent pour ancrer dans les esprits un roman, l'histoire d'une lutte civilisationnelle entre l’islam et la culture judéo-chrétienne.

Et s’il y avait une autre histoire ? C'est un capitalisme au summum de sa férocité qui ancre dans les esprits une fable bien commode pour occulter le fatalisme fautif face à l'écocide actuel. Lilith&Samaël s’incarnent encore et encore dans cette entité que forment les gouvernements capitalistes d'extrême-droite et l'industrie de l'armement pour dévorer les jeunes enfants, les indiens en Amérique du sud, les indiens en Amérique du nord, les esclaves africains, les enfants juifs durant les pogroms ou la Shoah, les colonies...sans éducateur, sans médecin, sans juge#19, pas de devenir, juste un Enfer éternel.

M'employer...

Illustration 2

Je t’écris en cette période de fête hivernale, où de façon immémoriale on célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres, l'espoir dans le renouveau de la vie#20.

Sur les branches de l’épicéa, il y une pomme de pin ; Celte. Un lutin ; Viking. Un ange ; Chrétien. Des lumières de-ci de-là, pour inclure les juifs aux célébrations des fêtes hivernales. A la cime de l’épicéa, j’ai accroché un croissant de lune pour te faire une place dans l’Histoire.

Il y a 80 ans il fallait cacher les enfants. Actuellement, les mêmes causes requièrent peut-être une réaction inverse : une plus grande visibilité et c'est pour cela que je mets au pied du sapin cet #C'estJustePasJuste.

Des hommes/femmes à la « robe » combattent l'injustice au nom de la loi, divine ou humaine, qu'ils s'appellent Bartholomé de la Casas#13 ou Gilles Devers. Ils ne sont pas assez nombreux.

Dans les films ou les livres, un ancien bagnard#16, une prostituée#5, un criminel#8,21 viennent en aide à l'enfance en danger.

Parfois, une personnalité économique#22, industrielle#10 ou culturelle comme Joséphine Baker est sortie d'une position confortable pour accueillir des enfants. Il y a un homme très riche et très puissant qui vient d’installer un carrousel, place Vendôme à Paris,... pour les enfants. J’ai espoir qu’il use de son influence pour t’aider à monter dans une caravelle direction la France où j’aurai plaisir à t’accueillir.

Car c'est aussi de monsieur et madame Tout-le-monde#23 dont tu as besoin, pas de super-héros#24.

C'est une belle et grande entreprise#22,10, qui nécessiterait les doigts de fée de l'industrie du luxe, que de vouloir construire la confiance sur base de la reconnaissance des uniques de chacun pour sortir du désir mimétique et de la violence et de l'exclusion, comme l'écrivait Denis Vasse : interactions fructueuses entre la fille d'un pharaon et un enfant juif, entre un ex-bagnard et une orpheline, entre un médecin et un malade, entre un vieux bonhomme et un garçonnet, entre un juge et un voyou, entre un milliardaire et un môme des rues, entre une vieille juive et un p’tit arabe, entre un tueur et une fillette victime d'un trafic. 

Denis Vasse parle de cette volonté de construire la confiance comme d'une vertu, rare et luxueuse. J’ai donc une prière à faire au gouvernement : au nom de la Culture judéo-chrétienne mise en danger par l'injustice et au nom du Progrès qui prône l'agilité, je propose d'anagrammer le « Mercosur » pour rejeter la « Morsure » et opter pour les « Coeurs » en autorisant le flux des enfants en danger au Moyen-Orient plutôt que d'intensifier le flux de produits car :

les enfants sont la plus précieuse des marchandises

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∑ REFERENCES = LIGNE DE CONDUITE

  • #1 - « Le vieil homme et l'enfant » de Ninna Pálmadóttir
  • #2 - « Le Journal d'Anne Frank » d'Anne Frank
  • #3 - « Hunger games » de Suzanne Collins
  • #4 - « Moïse », Livre de l'Exode
  • #5 - « La Vie devant soi » de Romain Gary
  • #6 - « L'histoire d'Helen Keller » de Lorena Alice Hickok
  • #7 - « Le trésor du menhir » de Yvon Mauffret
  • #8 - « Léon » de Luc Besson
  • #9 - « La crise » de Coline Serreau
  • #10 - « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg
  • #11 - « Les Uns et les Autres » de Claude Lelouch
  • #12- « La vie est belle » de Roberto Benigni
  • #13 - « La controverse de Valladolid » de Jean-Claude Carrière
  • #14 - « Va, vis et deviens » de Radu Mihaileanu
  • #15 - Histoire de Thomas Edison, Alexander Fleming, Louis Pasteur
  • #16 -  « Les Misérables » de Victor Hugo
  • #17- « Elephant Man » de David Lynch
  • #18 - « L'As des as » de Gérard Oury
  • #19 - « Chiens perdus sans collier » de Gilbert Cesbron
  • #20 - « Marius et Jeanette » de Robert Guédiguian
  • #21 - « Les Trois Brigands » de Tomi Ungerer
  • #22 - « Une vie » de James Hawes
  • #23 - « Welcome » de Philippe Liore
  • #24 - « Spide-Man » de Marvel Comics
  • # - « La plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius

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