Sans droite. Sans gauche. Mais sens dessus dessous. La société que Jonathan Swift avait imaginée, les affidés de WEF l'ont faite. Bienvenue à Laputa, sur les pas de Gulliver.
On relève dans ce billet quelques preuves tangibles de ce bouleversement. Ainsi, les paysans, déplorant que leur seul revenu ne provienne pas de ce qu'ils vendent, mais de la PAC, se désolent : « On marche sur la tête ».

Dans les années 70, un jeune ingénieur répondant au nom de Klaus Schwab, réalisa la prophétie de Swift : « il obtint des lettres patentes (des états-nations) pour ériger une académie d'ingénieurs (le Forum de Davos), c'est-à-dire de gens à systèmes ». C'est ainsi que nous sommes devenus des Gulliver partis à l'aventure d'un univers globalisé, une confiance anosmique dans les statistiques, peuplé de consommateurs, un idéal-type weberien reproduit à l'infini.
Dans la magnificence des salons de feue la république, Emmanuel Macron incarne ce « globalisme », un Système où la hiérarchie a logiquement remplacé l'égalité. Sur son trône, le young leader surplombe un parterre de ces culs-de-plomb, qui ont supplanté les grands serviteurs du service public reconnus pour avoir du plomb dans la tête.
Travelling panorama, vertical bien entendu, entre le président et les ministres qui prennent leur aise dans ces cabinets où s'expriment tous les états d'âme intestins de la France : l'amateur des infâmes boulettes chocolatées de l'ambassadeur, l'incarnation de la culture française qui se plaît à péter dans la soie, le tireur de petites balles tirées au LBD, le garde du seau des diarrhées dialectiques et à côté du premier d'entre eux, bien moulé dans son costume, le suppôt de l'éducation constipée.
Pourquoi userais-je d'un vocabulaire fleuri alors que le président m'invite à ne pas avoir de tabou ? Le monde a changé de référentiel. Dans la société du Progrès, où tout se transforme et tout change en permanence, les culs ont indéniablement un bien meilleur potentiel que les visages par trop statiques. D'ailleurs, c'est bien au Cul que notre ministre des Finances a consacré une ode dans une oeuvre toute personnelle qui restera dans les annales polypiques.
Je ne vais pas jouer les faux-culs. Sans m'en rendre compte, ce Système m'a avalée et avant même d'être estomaquée par les implications de cette mésaventure, je me suis retrouvée toute merdique, à parcourir les différentes étapes du déclassement, d'un grand pays développé au sous-développement : pénurie, inflation, corruption, non-sens...
Car, comme l'avait prédit Jonathan Swift, un Système qui fait « marcher à son gré » le peuple sur un rythme péristaltique est « un système qui se trompe beaucoup dans ses supputations. Tout y est fort mal réalisé tant il est maladroit dans tout ce qui regarde les actions communes et la conduite de la vie. » Avec cet art consommé de dire tout et son contraire qui caractérise le Système en place : et nous avons des culs, et nous n'avons pas de cul. Dans les cuisines du Pouvoir, ce que l'on y fait : C'est d'la merde !
Ainsi, quand Emmanuel Macron, relaxe, reçoit les chaleureuses félicitations infantilisantes de Klaus Schwab, directeur du Forum de Davos, pour la fétide réforme des retraites qui nous est tombée dessus en 2023 à coup de 49.3, les agriculteurs déversent des tonnes de fumier devant les préfectures, comme si le pays avait abusé de laxatif Macrolax, pour ne plus être emmerdé par des normes mal digérées et éviter l'occlusion du trafic autoroutier.
Jamais l'expression, « parle à mon cul, ma tête est malade » n'a été aussi bien imagée que par ce conflit entre le Système et le monde agricole. Le jeune premier ministre répond « mesures immédiates » et « preuves d'amour » à des paysans qui ont la culture du temps long et du dur labeur. Nous sommes les témoins d'un face-à-face d'anthologie entre « les esprits volatils » annoncés par Swift et les culs-terreux de toujours, entre la Virtualité et la Réalité.
Le pays a moins besoin de mesures immédiates que d'une vision quand il faut réparer les dégâts opérés par les gens du Système et je cite ici Jonathan Swift qui les avait anticipés il y a près de trois siècles : « ils ont trouvé de nouvelles méthodes pour l'agriculture par le moyen desquels un homme seul peut travailler autant que dix, où tous les fruits de la terre doivent naître dans toutes les saisons, plus gros cent fois qu'à présent..., en peu de temps toute la campagne a été misérablement ravagée et le peuple, tout nu, meure de froid, de soif et de faim ».
Dans l'imaginaire swiftien comme dans la société davosienne, il peut être plus facile d'échanger avec les morts qu'avec les vivants. Aristote en personne est intervenu pour arguer qu'il existe des esclaves par nature et que le Système, à l'instar de l'Antiquité, peut être performant dans son fonctionnement vertical. Par l'entremise de Swift, je lui ai répondu que ce serait une faute grave que d'effleurer les problèmes dus à la consommation excessive des indicateurs pastèques que le gouvernement fait pousser à grande échelle, pour nous faire croire que tout va bien alors qu'en réalité la situation est catastrophique. A la COP de Paris, en 2015, « dessus » avait pour ambition de maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2 degrés et en janvier 2024, « dessus » revoit la cible à 4°C pour cacher sa performance de merde dont va particulièrement pâtir « dessous » !
Inspirée par Mètis qui aidait Zeus, du fond de ses entrailles, à discerner le bien du mal, j'ai pensé que les différents modes d'expression (métiers au services du public, opposition politique, syndicats, manifestations, blogs...) pouvaient aider ces gens, si peu sensés, qui avaient fait « l'école de politique », à revenir à la raison. Dieu sait que j'ai chiadé chacun de mes billets.
M'y voyant jusqu'au cou, Aristote est venu à mon aide : « c'est une grande folie de passer sa vie à chercher des systèmes, et la vraie physique convenable et utile à l'homme est de faire un amas d'expérience. » Il m'invita dans le jardin qu'il avait légué à ses esclaves pour discuter des expérimentations sociales et politiques au fil du temps. Quand les philosophes grecques usaient du jardin pour métaphore, c'était pour créer la démocratie. Quand les philosophes des Lumières usaient du jardin pour métaphore, c'était pour faire naître la république. Les leaders de Davos sont décidément indécrottables car quand ils usent du jardin pour métaphore, c'est en vue de donner à l'Homme pour unique Finalité : l'Argent.
Dans la session intitulée « No rain, no flowers : Funding start-ups », le 18 janvier 2024, le panel n'a aucun doute sur le fait d'avoir trouvé dans l'AI « la nouvelle tulipe » avec laquelle il va pouvoir boursicoter et s'enthousiasme sur la transformation fondamentale des êtres humains qui vont être amplifiés grâce à leurs interactions avec la machine. Pour les experts du panel, c'est la promesse de voir « grandir » leurs investissements. Le panel dit ne pas se concentrer uniquement sur la « croissance », le travail consiste à créer des « rendements » financiers, pour « récolter » de l'argent. De leur point de vue, pour qu'une société « s'épanouisse », il faut du capital, des talents, un environnement réglementaire favorable pour produire, être profitable et faire de l'argent exactement comme il faut de la pluie, du soleil, de l'oxygène, du dioxyde de carbone et un sol fertile pour une bonne récolte. En filant avec pareille poésie la métaphore du jardin appliquée à l'investissement des start-ups de l'AI, WEF a reçu le prix du plus beau « jardin des financiers » de Laputa.
Dans cette société que Swift avait devinée fort à propos en permanence inquiète, craignant qu'un mot aussi anodin que « balai » ne cache une aspiration subversive à faire la révolution, citer Aristote « l'expulsion d'un excrément fait toujours grand bien » pourrait être pris comme un projet de sédition.
Encore faudrait-il savoir pour quoi ? « Je sème un grain qui pourra produire un jour une moisson » écrivait Voltaire dans son Traité sur la tolérance. On aimerait voir la Gauche ne pas écrabouiller les mauvaises herbes aux qualités insoupçonnées, labourer ses terres, l'enrichir, semer, bref jardiner, à moins qu'elle ne préfère cueillir ce qui pousse tout seul avec l'ambition d'en faire un bouquet de belles fleurs sauvages...
