COMPLAINTE POUR UNE VALLEE
Pures et belles eaux si sauvages et profondes,
Qui berçant ma jeunesse, pour toujours ont été,
Le creuset d’une passion et le maître à penser
De ma vie se mirant dans l’éclat de vos ondes.
Pour que les vers qui suivent ne soient pas épitaphes,
Afin que les Manon puissent encore puiser
L’eau des sources. Je vous écris pour vous témoigner
Mon affliction ; des premiers mots jusqu’au paraphe.
J’ai des pleurs à verser, si vous le permettez.
Si deux mille ans d’histoire ne nous ont rien appris,
Que mes contemporains ont eu un tel mépris,
Mais qu’il reste un espoir, je veux y contribuer.
A Rimbaud déplorant du fond de son cimetière
Le linceul des soldats bien trop souvent souillé,
Par les rebuts des hommes qui viennent massacrer
Tous ces trous de verdure ou chantaient nos rivières.
Oh ! Cruelle ironie, que ceux qui vous altèrent,
Masse dégénérée faisant fi de l’avenir,
Sous le poids de l’effort qu’ils viennent de fournir,
D’un soda synthétique ensuite se désaltèrent…
Faut-il tant d’impudence, foin de reconnaissance,
De ceux qui, amnésiques, n’ont même pas songé
Que vous sauvâtes Moïse dans son petit panier,
Et fûtes à la base de leur propre naissance ?
Je vous ai si souvent parcourues qu’aujourd’hui,
Quand je me remémore la pureté de vos flots
D’il y a trente ans à peine, alors tout marmot,
Je songe qu’en peu d’années, j’ai réellement vieilli.
Est-il obligatoire au nom du développement
De tout lui sacrifier et, quel qu’en soit le prix ?
Pour n’avoir à léguer qu’une vaste sanie,
Immonde dépotoir à nos petits-enfants…
Fleuves, lacs, rivières, torrents et océans,
Simple ru, grand polder, étang, petits ruisseaux,
Vous êtes notre équilibre, n’ayons pas peur des mots.
Boutons hors de vos eaux, s’il en est encore temps,
Tout ce qui vous salit, tout ce qui vous condamne,
Plaidons l’écosystème, clarté de votre lit,
Pour n’pas être accusés dans quelques décennies
Par ceux qui survivront au déclin de vos charmes
De n’avoir rien fait pour sauver l’essentiel.
Je le crie haut et fort, mais serai-je entendu ?
C’est par l’eau que tout passe, c’est un fait absolu !
Je parie sur demain, plaise à Dieu, plaise au ciel
Que les fous se réveillent du cœur de leurs poubelles,
Que tous ceux que l’on paie en gagnant notre vie
Ne nous la pourrisse pas par tant de gabegie
Et que nous retrouvions vos splendeurs éternelles
Texte d'Eaux Secours les Aravis. Mai 1995. Dédié aux enfants des Aravis...
Marcelly
Les ravages de la pollution, Bélier transformé en Merlan ....