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Billet de blog 6 septembre 2024

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Crise alimentaire et contexte historique en Afghanistan

En ce qui concerne la famine et la pauvreté, les nouvelles en provenance d’Afghanistan sont alarmantes. Si la communauté internationale n’ouvre pas les yeux devant les agissements discriminatoires des talibans, dans les années à venir, des centaines de milliers d’Afghans prendront le chemin de l’exil. Par L. Dessart ethnologue, spécialiste de la civilisation pachtoune et H. Haider, agroéconomiste.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

         En ce qui concerne la famine et la pauvreté, les nouvelles en provenance d’Afghanistan sont alarmantes. D’après Afghan German Online du samedi 18 mai, les agences de l’ONU avancent que depuis que les talibans ont accédé au pouvoir, 97 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. 23,7 millions de personnes, sur une population de 40 millions, ont, pour survivre, besoin de l’aide alimentaire importée et distribuée par les agences de l’ONU.

         À ce problème s’ajoutent le retour forcé en Afghanistan de centaines de milliers de réfugiés afghans de l’Iran et du Pakistan, les inondations dans différentes provinces qui ont détruit des milliers de villages, les affrontements avec les paysans dans la province du Badakhchan et la révolte des nomades dans la province du Nangarhar. L’émirat des talibans, sans État réel, s’appuyant sur une administration despotique, colonise les greniers à blé du Nord et du Centre en y installant des familles pachtounes et oppose les nomades aux paysans alors que leur symbiose économique est le fondement d'une cohabitation paisible entre les 28 ethnies qui composent la nation afghane, et que cette préférence ethnique au profit des seuls Pachtounes perturbe les mécanismes de l’agropastoralisme polyethnique, colonne vertébrale de la sécurité alimentaire en Afghanistan depuis 2000 ans.

         Pour produire les denrées alimentaires et assurer leur autosuffisance, depuis toujours, paysans et nomades afghans, qui représentent 78 % de la population, doivent composer avec un écosystème austère et avec la rareté des ressources (terres, eau, combustibles). Pour faire face à ces deux contraintes, les Afghans ont mis au point et pratiquent une formule ancestrale d’agropastoralisme qui combine l’agriculture paysanne et de subsistance dans les villages sur des terres fertiles et irriguées avec l’élevage, soit la conduite des troupeaux dans les terres sèches des déserts et des montagnes, spécialité des nomades, dont la survie  dépend d'une large gamme d'activités subsidiaires, agricoles, commerciales, de transit et de prêt sur gage.

         Les talibans, comme leurs prédécesseurs, n’accordent pas d’importance à la symbiose entre paysans et nomades. Ne comptant pas sur l’agropastoralisme pour assurer la sécurité alimentaire de la population, ils consolident leur emprise politique sur la population, en s’appuyant sur l’aide internationale, détournée au profit du renforcement de l'appareil coercitif (milices armées, police, etc.).

         À ce sujet, les services de la BBC en persan, dans leur bulletin d'information du samedi 4 mai dernier, indiquent que le SIGAR (Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction), service spécial de surveillance de l’aide US pour l’Afghanistan, confirme que les talibans interviennent à leur avantage dans l’acheminement de l’aide. La même source indique que, l’année dernière, 730 projets d’aide ont été perturbés par l'interférence des talibans.

         Traditionnellement, du temps où l'accès aux ressources, rares (terres et eau), en situation de paix, était encore équitable, chaque foyer de paysans et de nomades assurait non seulement ses besoins alimentaires mais de plus, disposait de son propre système de prévoyance pour contrer les différents aléas. Dans ces conditions, révolues, les chefs tribaux comme les féodaux n’avaient pour tâche que celle de garantir l’accès de tous aux moyens de production afin de maintenir l'ordre social. D’où le Pachtounwali (code de conduite des sociétés agropastorales remontant à l’époque zoroastrienne) et ses différents mécanismes qui recourent à des djergas (assemblées tribales) pour gérer la société en l’absence des moyens d’un État moderne pourvu d'une administration réellement au service de la population. Nous proposons dans les pages qui suivent de décrire les mécanismes fondamentaux de l'agropastoralisme, puis la détérioration progressive de l'économie traditionnelle sous la pression continue d'une élite dirigeante incapable de préserver et de défendre contre les menaces contemporaines de l'économie globale et des catastrophes environnementales et climatiques un modèle d'agriculture et d'élevage raisonnés qui assura durant des millénaires l'autonomie alimentaire et même la production d'excédents transportés par les nomades sur les bazars des pays voisins (Inde, Asie Centrale, Iran).

         Mais un bref retour sur l'actualité est d’abord nécessaire pour situer les événements récents dans leur contexte géographique et remonter dans le temps pour saisir les racines historiques de l'insécurité alimentaire.

         Depuis le 15 août 2021, les talibans, par ruse, à Doha (Qatar), et au moyen de la violence, dans les campagnes afghanes, ont chassé la République et lui ont substitué un émirat islamique. Leur accession au pouvoir résulte de deux facteurs :

  1. L'absence totale des instances administratives de l'État qui auraient dû être prévues afin de résoudre les conflits sociaux incessants issus des disputes foncières, inévitables, à propos de l'attribution des parcelles cultivées et des pâturages : de tels dispositifs d'arbitrage foncier n'ont, entre 2001 et 2021, jamais vu le jour ;
  2. 2. Cette absence d'arbitrage de l'État explique la popularité montante, constatée sur la fin de cette période[1], des tribunaux civils des talibans : le succès des nouveaux maîtres de Kaboul provient donc d'un vacuum institutionnel de la République formée en 2001 à l'issue des représailles post 11 septembre menées par les États-Unis d'Amérique, et après la destitution du premier gouvernement taliban (1996-2001) ; cette république n'a jamais pris en ligne de compte le deuxième retour des "colons" pachtouns : les Nâqelins ("déplacés"), Pachtouns auxquels, de 1885 jusqu’à 1978, divers dirigeants d’Afghanistan avaient attribué des terres et des pâturages qui se trouvaient au départ entre les mains des ethnies tadjiks, hazaras, turkmènes et Ces Nâqelins, souvent obligés par les commandants de la résistance locale d'abandonner leur foyer durant le régime communiste (1979-1992), avaient été contraints à l'exil. Dès la chute du président Najibullah, début 1992, ces exilés revinrent au pays et entrèrent en conflit avec les occupants originels des lieux, qui avaient recouvré leurs terres et firent valoir, contre les décrets royaux dont ces Pachtouns étaient détenteurs, le droit de préemption applicable au bout de dix ans.

         Lesdits décrets avaient, dès la fin du XIXe siècle, installé des agriculteurs et des nomades pachtouns sur les territoires de diverses ethnies locales. Celles-ci, se référant aux principes du droit coutumier, considérèrent qu'elles avaient alors été injustement spoliées. Cette confiscation foncière s’était produite en vertu de l'exercice du droit divin de monarques se prévalant du titre de représentant de Dieu sur terre. L’émir se comportait comme Malek-ul-Mulk (propriétaire des biens de son pays) etMalik-ul-Reqâb (maître de ses ennemis vaincus). Vainqueur au nom d'Allah, se considérant comme le "Roi du Royaume", l’émir Abdul Rahmân (comme ses successeurs jusqu’en 1973) se permit, par l'instrument de décrets royaux, d’investir ou de priver du droit d’occupation des terres agricoles et des pâturages qui bon lui semblait.

         À partir de là, les conflits n'ont plus cessé, favorisant le développement du clientélisme et de la corruption, ainsi que les violences interethniques et les règlements de compte personnels.

         Le vide institutionnel en matière de résolution des conflits fonciers, grave défaut de la république issue de l'illusoire promesse de la Pax Americana, explique que les populations locales se soient tournées vers les instances juridiques traditionnelles : à cette époque en effet fleurissent partout, dans les villages d’Afghanistan, des mosquées équipées de hautparleurs par des fonds arabes et encadrées par les talibans formés dans les madrasa du Pakistan pour faire appliquer en Afghanistan la charia. Inutile de préciser qu'étant donné l'origine ethnique du mouvement des talibans, né au Pakistan, l'impartialité de ces tribunaux civils laissera à désirer...

         Plus grave, pour la sécurité alimentaire et la paix civile, est le renvoi forcé au pays des réfugiés afghans du Pakistan et de l’Iran. Depuis la prise de pouvoir des talibans à Kaboul, ce rapatriement non concerté des "returnees" (individus revenus dans leur pays d'origine) vers les régions du Centre, du Nord et du Nord-Est a encore plus envenimé les conflits interethniques, provoquant l’exode de la population vers les villes et au-delà, contraignant certains à l’exil vers l'Europe.

         Depuis quatre ans, pour résoudre les crises – retour des réfugiés au pays, crise économique, politique et diplomatique – les talibans font le dos rond et laissent passer le temps tout en profitant des aides extérieures, principalement américaines. En ce qui concerne la crise alimentaire et la survie quotidienne de 23 millions de personnes, ces dirigeants, n’assumant pas leurs responsabilités, se déchargent de cette tâche sur la communauté internationale et sur Dieu : «  Nous vous avons libérés de l’occupation de l’armée américaine, votre nourriture il faut la quémander au bon Dieu », disent-ils en substance.

         Les talibans qui, pour la plupart, sont nés et ont grandi au Pakistan signifient par là qu'ils ignorent la tradition « aryenne » dont les Pachtouns sont pourtant imprégnés. Elle veut que le chef de tribu, l’émir ou le roi, soient moralement et politiquement responsables de la sécurité alimentaire et de la paix sociale des sujets de la communauté. En Afghanistan, le blé, base de l’alimentation, est une denrée hautement stratégique. Persistant de nos jours, la tradition orientale et orale s'exprime sous forme picturale ou graphique. Elle figure symboliquement sur les tapis nomades que celui qui détient un grenier à blé pour stocker la nourriture et qui possède des chevaux pour collecter et transmettre des nouvelles possède les clefs du pouvoir. Si nous revenons sur l’histoire de l’Afghanistan depuis 1971-1972, date d’une très grave sècheresse et de la crise alimentaire qui s’ensuivit, force est de constater que les problèmes politiques ayant eu pour effet les guerres, la destruction des moyens économiques et des rapports sociaux de ce pays prennent leur origine dans l’insécurité alimentaire, la corruption des fonctionnaires et l’incapacité des dirigeants de l’époque d’effectuer un partage juste et équitable des ressources foncières et des aides alimentaires.

         Avant de décrire la dégradation de l'économie agropastorale, une analyse concise de celle-ci dans la subtilité de ses arcanes d'origine trouve sa place.

 1 - Partage des communs, son origine historique, paysans et nomades, qeshlâq et aylaq

         Depuis que nous disposons d'informations historiques sur la société afghane, il est admis que, pour produire leur nourriture, depuis 2500 ans, les habitants de l'aire afghane ont toujours été autonomes et autosuffisants. L’origine de cette autarcie alimentaire résultait de la symbiose profonde et subtile entre nomades et paysans, s'entendant pour partager les communs, ou terres appartenant à la collectivité, n'ayant pas de propriétaire nominal.

Avant 1880 et la fixation du pays dans ses frontières actuelles, le partage des communs avait un sens :

  • les détenteurs ou gestionnaires des communs, qui étaient des chefs féodaux, religieux ou militaires, n’étaient pas propriétaires mais seulement attributaires de fiefs et jouissaient du fruit du travail des serfs et des esclaves qu’ils exploitaient ;
  • les féodaux, dont la survie en dépendait, respectaient le droit coutumier qui réglait la vie sociale et politique, et, le faisant respecter aussi, ils assumaient la sécurité alimentaire des sujets.

         Malheureusement, à partir de 1880, les communs (bayt-ol-mâl) devinrent un moyen de consolider le pouvoir de l’émir Abdur Rahmân Khân. Aussi, comme nous l’avons vu plus haut, l’émir se considérant comme le maître des habitants, disposant des communs du pays et se considérantcomme le bras armé et le défenseur de la religion s’arrogea le droit de piétiner les droits coutumiers pour encourager des paysans et nomades venus du Sud à s’installer ailleurs. Par ce geste, il signa la fin du respect des coutumes qui assuraient la sécurité alimentaire et la paix sociale, fondement du contrat social passé entre les 28 ethnies composant la population afghane.

         De nos jours, les talibans ; poursuivant une politique identique à celle de l’émir Abdur Rahmân Khân et de ses successeurs, semblent ne pas comprendre qu'ils ont entre leurs mains le destin d’un pays multiethnique de 650 000 km2 et d’une géographie très particulière, subissant un climat  continental sec et aride (50 à 250 mm de pluie par an) et offrant une topographie très contrastée et variée, composée à 86 % de déserts et de montagnes. Facteurs importants, les structures géologiques et la formation des sols, ainsi que la nature du couvert végétal, varient considérablement selon la région et l’altitude.

         Il est à rappeler que les forêts couvrent seulement 2 % de cette superficie. 16 % des sols sont cultivables, mais on estime les terres réellement cultivées à 4,5 %, dont 2,5 % sous forme irriguée (âbî) et 2 %, dites de culture sèche, qui sont tributaires des variations pluviométriques (lalmi). Face à ces données, le pays a besoin de dirigeants responsables et d’une administration capable de rétablir une répartition équitable des ressources entre les habitants. L’exploitation de ces ressources, le bien commun de tous, hier comme aujourd’hui, est assurée par une population comptant 75 % de paysans et 3 % de nomades (selon une estimation du Bureau des statistiques du ministère du Plan de 2020).

         Il y a environ 2500 ans, sous l'effet de la poussée démographique advenant sur les rives du fleuve Amou Daria, une partie de la population va immigrer et, pour l'autre partie, restée sur place, produire des aliments à la fois pour les hommes et pour les animaux devient problématique. C’est ainsi que, pour mieux gérer les ressources, surgit l’idée de séparer l’espace de production de fourrage et d'aliments pour animaux de l’aire de production agricole nécessaire pour la consommation humaine.

         Mais les liens entre les productions végétale et animale sur le plan technique (traction et fertilisations), d’une part, et, d'autre part, entre les paysans sédentaires et des nomades, sur le plan humain (travail saisonnier et pratique de la vaine pâture qui autorise les troupeaux des nomades à paître sur les terres en jachère), sont si étroits qu'un dispositif spécial est alors mis en place : dans une même tribu, à l'issue d'une période de 3, 6 ou 8 ans, l’assemblée tribale (jergah / djirga)[2] réunit les chefs cooptés par la communauté pour désigner, en tirant à la courte paille, et pour une période similaire, les membres de la tribu qui resteront au village (qeshlâq, lieu d'hivernage des troupeaux) pour cultiver des terres, d'une part, et ceux qui, d'autre part, prendront le chemin de la transhumance (gagnant les hauteurs avoisinantes, plus ou moins éloignées, appelées aylaq, prairies d'estivage des pasteurs itinérants)[3] devenant nomades et se consacrant essentiellement à l'élevage.

         Les paysans ou dehqan sont des habitants des campagnes organisés pour vivre en autarcie. Jusqu’en 1920, quand l’émir Amanullah Khân interdira le commerce de l'esclavage, la plupart de ces paysans étaient exploités, subissant une forme de servage. Depuis cette époque, ils sont privés de statut social étant donné qu'aucune réforme dans le mode de production n’est intervenue pour changer leurs conditions de vie.

         Après l’Indépendance, de 1919 à 1978, pour qu’ils effectuent un service militaire et qu'ils participent aux travaux publics, l'administration accorde aux garçons, à partir de 7 ans, un document appelé tazkira, papier imprimé qui permet de s’inscrire à l’école ou d’obtenir un passeport pour voyager mais qui, en réalité, n’a aucune valeur afin de certifier l’identité d’un citoyen et lui accorder un véritable statut juridique ou politique, sauf mention éventuelle de son origine, accolée à son nom, quand il est issu d'une minorité ethnique.

         Pour l’État afghan, depuis toujours, les paysans sont une masse anonyme noyée dans un système social et politique féodal qui, pour subsister, est obligée de travailler avec des moyens de production ancestraux. Ils sont, comme il y a 200 ans, très dépendants de la terre comme support de production et non comme moyen de production. Matériellement, ils n’ont que leur propre force de travail pour produire des biens agricoles propres à la consommation. Pour protéger et aménager le pays, les paysans ont constamment fourni des soldats ainsi que de la main d'œuvre pour la construction urbaine et l'amélioration du réseau routier. Dans le secteur agricole, leur rôle consiste à combiner les éléments de l’environnement (la terre, l’eau, le vent et le feu) avec les moyens de traction et les fertilisants animaux pour produire des denrées alimentaires à des coûts de revient très bas. À les considérer de près, ce sont des agro-écologistes avant la lettre, c'est-à-dire avant que, dans les écoles d’agriculture de l'Occident, cette matière, devenue une spécialité, n'ait fait l'objet d'un enseignement.

         On ne connaît pas leur nombre exact. Dans les années 1960, A. P. Dawidow, dans une étude sur le développement du capitalisme en Afghanistan circulant sous le manteau à Kaboul, estimait ce nombre à environ 555 450[4]. Ces exploitants qui géraient à leur compte des surfaces d’à peine plus d’un hectare représentaient 85 % des paysans et ne détenaient que 17 % des terres cultivables. Ce qui signifie que le reste, soit environ 83 % des terres cultivables, était concentré au profit de gros propriétaires, composant 15 % du total de la population paysanne. De nos jours, les statistiques officielles évaluent ce total à environ 23 500 000 âmes.

         Pour vivre et survivre, les petits exploitants travaillaient comme fermiers ou métayers dans de vastes domaines agricoles (entre les mains d'environ 500 familles) où ils subissaient des conditions de travail équivalant à du servage ou à de l'esclavage plus ou moins déguisés. À partir de 1900, plusieurs raisons – dont le travail forcé ou les corvées imposées pour la construction des routes, des barrages et des bâtiments dans les villes ou les obligations du service militaire et de la conscription – font que bon nombre de ces paysans abandonnèrent le métier d’agriculteur. À cause de cet exode, ce ne sont pas que les paysans, mais c'est le pays tout entier qui perd l'autonomie alimentaire.

         On dénombre des nomades dans la plupart des ethnies qui peuplent l’Afghanistan. Nomades et semi-nomades jouent un rôle très important dans la production agricole et notamment celle du blé. Autrement dit, la sécurité alimentaire et la stabilité politique et sociale en Afghanistan sont directement liées aux relations entre les nomades et le reste de la population (rurale comme urbaine).

         Il est difficile de fixer le chiffre exact de la population nomade. Dans les années 1960, on l’estimait à environ 2 000 000 et, en 2024, à environ 5 000 000.

         Les nomades, tant du point de vue de l’écologie que de l’environnement, sont des acteurs indispensables dans l’économie et la société afghane. Ils sont, bien sûr,  producteurs de biens consommables et de matières, d’origine animale, dont une partie est destinée à l’exportation, mais, de plus, ce sont eux, et eux seuls, qui parviennent à tirer parti des végétaux qui poussent dans le désert et sur les flancs des montagnes, grâce à l’humidité de la rosée matinale et aux microéléments que les vents déposent sur les sables des étendue arides, ce qui fait qu'à un prix de revient minimal, ils remplissent une fonction de premier plan dans l’apport des protéines animales nécessaires à l’alimentation humaine. Leur rôle en matière d’entretien de l’environnement et de maintien de la vie biologique dans la nature est inestimable.

         Dans l’économie, ils interviennent à différents niveaux : dans les villages, ils agissent comme commerçants, artisans, prêteurs d’argent ainsi que comme collecteurs et transporteurs des excédents agricoles. Dans l’agriculture, ils peuvent être employés comme main-d'œuvre saisonnière et les déjections de leur bétail lorsqu'ils passent sur des terres en jachère constituent des fertilisants gratuits enrichissant le sol. La coopération entre paysans et nomades est d'une valeur inappréciable pour garantir la sécurité alimentaire et assurer le maintien de la paix sociale, en parfaite osmose.

         Les mécanismes des économies de subsistance et de survie chez les paysans et les nomades sont peu étudiés. Pourtant, la connaissance de ces types d'économie nous permet de saisir la raison culturelle de l'échec des projets de réforme agraire antérieurs, échecs responsables à leur tour d'un désordre politique qui sévit depuis l’invasion soviétique (1979) en Afghanistan et sabota la Reconstruction amorcée au début du siècle, ce nouvel échec entraînant le retour des talibans au pouvoir (2021).

2 - La sécurité alimentaire et la métamorphose du féodalisme en Afghanistan

         Le modèle de régime politique qui assurait la sécurité alimentaire et la prospérité des dynasties qui ont régné sur les confins afghans depuis les débuts de leur conquête et de leur conversion à l’Islam par les adeptes du Prophète Mohammad en 662 jusqu’à la création de l’État d’Afghanistan en 1747 a toujours été un féodalisme agropastoral dans lequel le blé et le cheval formaient les deux piliers du pouvoir :

  • le blé, aliment stratégique pour maintenir le pouvoir, en distribuant la nourriture,
  • le cheval, animal stratégique pour gouverner à longue distance.

Quand, en 1747, grâce à l’alliance de chefs féodaux de différentes ethnies, l’État afghan fut créé, le féodalisme commença à muter d’un féodalisme agraire vers un féodalisme de rapine et de butins de guerre pour devenir, de nos jours, un féodalisme fourbe et menteur, bénéficiaire de l’aide internationale.

Ce type de féodalisme inflige au pays à partir de la mort de Timour Shah (1793) et jusqu'en 1880 une longue période de guerre civile et d’interventions étrangères, ponctuée par de tragiques changements de régimes politiques.

         La conséquence de ces années de turbulence est que, jusqu’en 1880, aucun chef afghan ne pourra s’imposer sur les autres, ni par le sabre et la bravoure ni par consensus et en convoquant une djerga. En 1880, l’émir Abdul Rahmân Khân accéda au trône grâce à l’aide militaire et financière des Britanniques. Pour consolider son pouvoir, il adopta une gouvernance despotique et fit le choix d’instaurer un pouvoir central entièrement dévolu à son propre service. Sous son règne, le féodalisme de rapine du XVIIIe siècle va muter vers un féodalisme mercantile.

         Par le biais du développement du commerce, il chercha d’un côté à affaiblir les féodaux alliés sans réformer ni abolir le féodalisme, et de l’autre à développer le commerce d’import-export afin d’augmenter les revenus de son gouvernement grâce aux taxes douanières. Dans ce but, la politique intérieure que l’émir va mettre en place visera la transformation de l’agriculture de subsistance en agriculture de rente tout en incitant et encourageant les féodaux, au moyen de prêts et de subventions, à s’implanter dans les grandes villes pour devenir commerçants.

         En poursuivant cette stratégie, l’émir va faire d’une pierre deux coups : surveiller les féodaux soumis installés dans les grandes villes et gouverner un pays de 650 000 km2 d’une main de fer grâce à un pouvoir central composé d’environ 500 hommes de confiance uniquement au service de l’émir. Cette manière de gouverner sans État central au service du peuple ou des peuplades formant la nation sera poursuivie par les successeurs de l’Émir de Fer depuis 1880 jusqu’à nos jours, et, maintenant, sous la férule des talibans, ne manquera pas de constituer un frein redoutable à la cohésion nationale d’une nation multiethnique, de même qu’un obstacle au développement économique et social et un formidable tremplin pour le développement de relations de clientélisme et de corruption. En un mot, depuis 150 ans, le pouvoir central et féodal est un frein ralentissant ou un obstacle barrant les processus de transition paisible et consensuelle de la société afghane de la tradition vers la modernité.

         Obnubilé par sa propre survie, le pouvoir central demeure indifférent aux subtils arrangements locaux qui assuraient autrefois la sécurité alimentaire et des surplus, de même qu'il ignore les fondements de la justice sociale. Cette indifférence et cette ignorance se traduiront rapidement par l’apparition de disettes dans les différentes provinces d’Afghanistan. À la mort de l’émir en 1901, quand son fils Habibullah prend le pouvoir, dans les villages, le partage des terres pour produire de la nourriture devient conflictuel. Pour étouffer les révoltes, comme son père, il s’appuie sur l’aide financière des Britanniques et l’Islam. Il interdit le commerce des esclaves mais il n’abolit pas leur exploitation. Pire, en 1910, à la suite des conflits concernant le partage des terres agricoles, l’émir va introduire l’usage d’un document écrit qu’on appelle qabâla-e-sharai (sorte de contrat d’achat ou de vente selon la charîa, certifié par la signature d’un juge) qui remplacera petit à petit le qabâl-é khakakioral (contrat coutumier devant témoins). Si ce nouveau document marque la fin de l’accès libre aux communs, il ne marque pas pour autant l'instauration de la reconnaissance officielle par l'État des titres de propriété. Le pouvoir central étant inexistant dans les villages, la tâche d'établir de tels documents échoit aux mollahs des mosquées. L'exercice de cette tâche compromet encore aujourd’hui la paix sociale dans les villages et a fait le lit des talibans dans les campagnes depuis 2002.

         Plus nous avançons dans le temps, plus les tâches qui devraient être confiées aux soins d'organismes relevant d’un État central sont remplies par les mollahs pour ce qui est des questions juridiques et par les khâns et les maleks (notables locaux) pour collecter les impôts, effectuer la répartition des corvées et le choix des recrues pour le service militaire. Soucieux de se maintenir au pouvoir et négligeant d'éradiquer le féodalisme par la loi durant un siècle de gouvernance, les dirigeants successifs de l’Afghanistan ont conforté plusieurs types de féodalisme : féodaux et religieux pour administrer et gouverner les campagnes, bureaucratiques et urbains au service des émirs et des rois pour contrôler et gérer la population des grandes villes.

         À la mort de l’émir Habibullah en 1901, son fils, Amanullah, accéda au pouvoir et obtint l’Indépendance de l’Afghanistan. Par ce geste, le roi perdit l’aide financière et militaire des Britanniques. En poursuivant la politique économique de son ancêtre, de même que le déplacement des Pachtouns (effectué, rappelons-le, dans le but de coloniser - en le pachtounisant - le Centre et le Nord du pays, le nouveau roi interdit l’exploitation des serfs et des esclaves par les féodaux. Trait novateur, il voulut doter le pays d'une Constitution. Mais en invitant les chefs féodaux et religieux pour promulguer la nouvelle Constitution autour d’une djerga, le roi fit de ces courtisans, fourbes et menteurs, non élus, de vrais représentants de la nation. À partir de cette date, le féodalisme mercantile, sans changer de nature au moyen de réformes, devint un féodalisme institutionnalisé, demeurant comme avant au service du roi.

         Pour financer le fonctionnement du pouvoir central, le roi augmenta les impôts. Comme il n’avait pas de fonctionnaires à sa disposition ni pour calculer avec justesse ni pour lever des impôts, les choses restèrent en l'état : le prélèvement des impôts demeura aux mains des collecteurs traditionnels. La violence des percepteurs des impôts dans le pays provoqua la révolte des paysans dans le Sud : par exemple, la révolte de Mollah-e Lang et la révolte de Bacha-e Saqao, que les historiens nous présentent comme  des révoltes politiques, sont toutes deux, si on les étudie de près, des révoltes paysannes dont les causes sont la faim et l’injustice sociale.

         En matière de rapports au pouvoir central, le roi Nader Shah, intronisé en 1929, et ses successeurs poursuivent exactement la politique de l’émir Abdul Rahmân. Ce qui fait que le peuple va subir l’aveuglement et l’égoïsme des gouvernants, perdre sa sécurité alimentaire et voir s’effondrer la solidarité et l'entraide entre sédentaires et nomades. Pire, à cause des mensonges des gouvernants, l’ensemble de la population du pays va perdre son âme orientale. Dans un milieu social archaïque et traditionnel, quand les intérêts mercantiles remplacent l’utile, quand les mensonges des gouvernants remplacent la vérité, la parole des chefs perd son sens. La société perd ses repères et finit par se disloquer : c’est le cas de la société afghane d’aujourd’hui.

         De 1901 à 1945, le régime politique d’Afghanistan a évolué, par étapes, d'un féodalisme de rapine vers un féodalisme mercantile, puis fourbe, un régime autocratique et despotique qu’il faut, en Occident, avoir l’honnêteté de reconnaître comme tel afin de tirer des leçons nécessaires à la construction d’un avenir meilleur. Depuis les années 1940, l’Afghanistan est constamment en crise alimentaire. Les dirigeants, par égoïsme et aveuglement, sont les responsables directs de cette situation. Depuis 1880, par leur manque de courage pour éradiquer le féodalisme d’une part et  leur alliances avec les féodaux pour consolider le pouvoir pour eux-mêmes, ils ont brisé la colonne vertébrale de la sécurité alimentaire et des clefs du savoir-vivre de la communauté qu'incarnait l'osmose entre nomades et paysans, s'entendant entre eux sur la question du partage des communs et au sujet de leur gestion juste et équitable, dans l’intérêt de tous.

         Les responsables politiques afghans ont pris l'habitude des oukases, utilisant les décrets royaux pour préserver leurs propres intérêts au mépris des droits coutumiers et des règles de l’agropastoralisme, qui sont les piliers de l’approvisionnement alimentaire de la population. Encourager le déplacement de milliers de nomades d’origine pachtoune pour des raisons politiques sur des terres et des pâturages de populations non-pachtounes (Tadjiks, Hazaras, Turkmènes, Ouzbeks et Aïmaqs) était hier, et reste aujourd’hui encore, une faute impardonnable.

         Depuis une première crise alimentaire en 1945, les dirigeants afghans, négligeant d'assumer leurs responsabilités, font, au nom de l’aide humanitaire, appel au secours alimentaire international. De 1945 à 1978, les aides internationales étaient utilisées comme roue de secours des gouvernants pour perdurer sans faire de réformes ni juguler le féodalisme. Il faut avoir le courage de dire haut et fort et d’écrire que, depuis 1945 à maintenant, l’aide alimentaire comme l'aide au développement dans un pays sans appareil administratif d'État compétent et efficace furent un poison qui a déresponsabilisé les gouvernants face au peuple.

         Les responsables des différentes agences de l’ONU, de même que les grandes ONG qui interviennent en Afghanistan se comportent chacun comme un État à la place de l’État. Ils servent souvent de faire-valoir par le truchement desquels les pouvoirs féodaux arrivent à se maintenir en place. Une radioscopie des multiples aides accordés à plusieurs gouvernements d’Afghanistan serait riche d’exemples. Faut-il citer les différentes aides aux résistants afghans l’hors de l’invasion soviétique ? Les agents qui secouraient les Afghans au nom de la liberté ne se rendaient pas compte de l’apparition et de l'ascension politique de commandants locaux qui, tout en luttant contre les communistes et les occupants soviétiques, ont profité de l’occasion pour mobiliser des partisans et se battre contre les occupants pachtouns installés par le gouvernement sur leurs terres. Sous le regard admiratif des volontaires de l’aide à la résistance, subrepticement, dans l'ensemble des régions du pays, les commandants locaux, pour récupérer les terres de leurs ancêtres distribuées par décrets royaux, contraignirent des centaines de milliers de Pachtouns à s’exiler vers le Pakistan. Il est à remarquer que, durant toutes les guerres depuis plus de quarante ans, les Afghans étaient autosuffisants en produits alimentaire dans les campagnes et que la base de leur alimentation était le blé, des fruits secs et des produits laitiers.

         Durant la période de la Reconstruction (2002-2021), ainsi que nous l'avons dit en introduction, une des raisons de la guerre dans les campagnes qui favorisait l’ascension des talibans était précisément liée aux conflits entre nomades pachtouns et paysans des autres ethnies et à l’absence d'arbitrage de l’État. De nos jours, les talibans ont repris la méthode ancienne de gouverner en utilisant le pouvoir central uniquement au service de leur assise politique. Aussi, pour consolider leur domination sur le peuple, ils encaissent tous les quatorze jours 40 à 60 millions de dollars en espèces, mais si on lui demande de résoudre le problème de la faim qui affecte 23 millions de sujets, leur Premier Ministre, Mollah Hassan Akhund, déclare à la population « Nous n’avons pas la responsabilité de votre alimentation. Donner à manger revient à Dieu. », autrement dit, à la communauté internationale et aux agences de l’ONU.

         Entretemps, à cause de la pauvreté et de la faim, les campagnes se vident tandis que, de nouveau, sous les yeux des observateurs, impuissants, du monde entier, les talibans réinstallent arbitrairement des nomades pachtouns de retour du Pakistan sur les terres et pâturages de leurs ancêtres. Si le gouvernement des États-Unis et les instances internationales qui volent au secours des talibans ne leur disent pas que le retour de la sécurité politique et alimentaire de l’Afghanistan est entièrement lié à la gestion équitable des ressources afin que chaque citoyen afghan, grâce à sa force de travail, puisse subvenir à ses besoins, notamment alimentaires, on ne pourra résoudre les problématiques agropastorales qui sont la cause des conflits fonciers.

         Il ne se passe pas un jour sans qu’on puisse entendre sur les ondes ou lire dans les journaux les échos de la misère de 23 millions d’hommes, de femmes et d'enfants qui courent du matin au soir après une bouchée de pain. Réduits à la pauvreté, humiliés moralement et matériellement, ils n'ont rien, hormis les cris et les larmes, pour s'exprimer, ni les mots pour devenir intelligibles, ni les moyens intellectuels pour se révolter. Les troubles politiques des cinquante dernières années font qu'actuellement, parmi les membres des multiples ethnies composant la population du pays, il en est de plus en plus  pour douter du fait d'être des Afghans à part entière ou d'être inclus dans quelque-chose qui ressemblerait à une nation afghane. Le féodalisme et le despotisme des gouvernants pachtouns, dès 1880, ont maintenu 144 ans durant, des millions d'Afghans (femmes et hommes confondus) sans identité juridique et politique, réduits à la situation de serfs et d'esclaves. Humiliés et rabaissés, ils n'ont aucun recours légal et s'en remettent à la divinité et aux prières, invoquant Allah et choisissant parfois l’Islam radicalisé ou l’exil vers l’Occident.

         Si les Américains qui soutiennent financièrement les talibans et les Européens qui sont en contact régulier avec les représentants du régime de l'émirat islamique poursuivent le versement de leurs aides, rien ne changera. Quant aux anciens chefs de guerre et aux hommes politiques exilés en Occident, ils sont discrédités et conspués par la population. Un gouvernement à base élargie qui réunirait les anciens chefs en fuite ne serait pas non plus apte à satisfaire les attentes du peuple afghan.

         Pour avoir un avenir, les Afghans ont besoin d’un État central en remplacement du pouvoir féodal, un État pourvu d'une administration raisonnablement formée et payée qui abolirait les privilèges et la corruption et gagnerait ainsi la considération du peuple et de tous les citoyens. À cette fin, il faut négocier avec les talibans, dont personne ne met en cause l'héroïsme ni la valeur militaire, mais qui n'ont pas les compétences ni les connaissances nécessaires pour traiter les affaires civiles. Il faut les convier à restaurer la République afin qu’un gouvernement élu démocratiquement par le peuple prenne en main les affaires du pays pour servir les intérêts de l’ensemble de la population afghane. Faute de quoi nous risquons d'assister à un effondrement total de l'économie et à l'exode massif de millions d’Afghans vers l’Occident.

Conclusion

         Il faut se souvenir que non seulement l’Afghanistan est une société agropastorale dont l'économie traditionnelle est capable, dans des conditions normales, d'assurer l’alimentation de sa population, mais que c’est aussi une société orientale dont la culture est de nature orale. La philosophie orientale des régions afghanes est probablement un héritage de Zoroastre, dont le message contient l'idée de « Bien penser pour bien dire et bien dire pour bien agir ».

         La pratique de cette pensée philosophique dans les sociétés agropastorales, en matière de production des aliments, préconise de s'en tenir à l’utile pour ne pas gaspiller de ressources. En matière de gestion des ressources par les responsables de son organisation, elle recommande l'usage de la vérité, afin que la parole d’un chef soit crédible ; elle conseille la recherche de la beauté dans l’acte de production, pour inciter l’apprenti à faire des efforts.

         La métamorphose du féodalisme à partir de la création de l’empire pachtoune et ses alliances avec les chefs de 1747 à nos jours, l’égoïsme de ces derniers en matière de pouvoir et leur inaptitude à transformer et réformer la société font que depuis 277 ans, le peuple afghan reste victime d’un pouvoir central qui pratique une politique autoritaire et répressive, se servant, afin d'obtenir un semblant de consensus de la part des autorités politiques et religieuses traditionnelles, de djergas (assemblées) et se référant à la charya (loi islamique) pour essayer de légitimer un type de gouvernement fonctionnant en réalité par le moyen d'arrêtés (farmân) et de décrets (fatwa) prononcés par les mollahs, des souverains despotiques, les hommes de paille de l'étranger ou les chefs de guerre prétendant organiser le pouvoir central et régir la société civile.

         De la perpétuation de cette situation sous différents régimes (émirat, royauté, monarchie constitutionnelle, république démocratique, république ou émirat islamiques) sont immanquablement survenus des famines, des renversements politiques plus ou moins violents, des guerres et des conflits locaux, sur fond général de détournement de fonds publics et de gaspillage de l’aide internationale, y compris depuis le retour des talibans en 2021. Si la communauté internationale n’ouvre pas les yeux devant les agissements discriminatoires des talibans, majoritairement pachtouns, à l'encontre des autres ethnies qui peuplent l’Afghanistan, dans les années à venir, des centaines de milliers d’Afghans prendront le chemin de l’exil, quelle que soit l’importance de l’assistance internationale.

[1]          Comment les talibans ont vaincu, A. BACZO et G. DORRONSORO, Le Monde Diplomatique 810-IX 2021, pp. 1, 14-5.

[2]          Élisée RECLUS, Nouvelle Géographie universelle : La Terre et les Hommes. Tome IX, L’Asie antérieure, 1884, Paris, Hachette, p. 66.

[3]          Sur la conception du pachtounwâli, voir Marjane Kamal, Jean-Pierre Perrin (préf.), Afghanistan : les tribus contre l’État du XVIIème siècle à nos jours, CEREDAF, 2021, pp. 29-30.

[4]          Chiffre validé par H. Haider, dans Contribution à l'étude de la commercialisation des produits agricoles en Afghanistan, Thèse de 3e cycle, Paris-Sorbonne, 1976, 330 p. + ann.

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