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Billet de blog 11 février 2009

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Afghanistan: lettre ouverte au président Obama

Monsieur le Président,Alors que le froid et la faim, sans oublier les violences, les viols, les enlèvements, les attentats, les empoisonnements par produits frelatés importés, font rage dans mon pays d'origine, la majorité des Afghans ne croient plus en l'avenir et je m'autorise à me faire le porte-parole de mes compatriotes afghans.

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Monsieur le Président,

Alors que le froid et la faim, sans oublier les violences, les viols, les enlèvements, les attentats, les empoisonnements par produits frelatés importés, font rage dans mon pays d'origine, la majorité des Afghans ne croient plus en l'avenir et je m'autorise à me faire le porte-parole de mes compatriotes afghans.

Vous avez déclaré que l'Afghanistan était votre priorité et je m'en réjouis. Vous avez décidé de « changer de stratégie », qu'est-ce que cela signifie ? S'agira-t-il uniquement d'envoyer des renforts militaires supplémentaires pour éradiquer le terrorisme en combattant les talibans ? J'espère que ce n'est pas seulement un effet d'annonce pour rassurer vos électeurs et alimenter l'économie de l'industrie de l'armement. Le peuple afghan attendait la reconstruction du pays et subit aujourd'hui une occupation militaire.

La crise économique et financière qui sévit dans votre pays et dans le monde capitaliste est inquiétante :les Occidentaux vont-ils maintenir leurs promesses de financer la reconstruction afghane ? Depuis la fin du régime des talibans en 2001, 8 années se sont écoulées et le bilan est une désillusion totale pour le peuple afghan : rien n'est résolu, la misère règne mais personne ne s'attaque à ses causes réelles. La reconstruction n'a pas créé un seul emploi viable et les millions de dollars injectés n'ont pas servi à l'économie locale. Le seul secteur d'activité, illicite, qui crée des emplois, c'est la culture du pavot qui représente toujours 54 % du PIB.

Si on retire les revenus de la drogue ainsi que ceux des trafics parallèles et l'aide internationale, le pays est exsangue. Dans les semaines qui vont suivre, ou c'est la révolte, ou c'est l'exode.

C'est dans ce contexte que doit avoir lieu, le 20 août prochain, l'élection d'un nouveau président de la République. Je me permets de vous rappeler qu'en 2004, l'organisation de la même élection a coûté 200 millions de dollars à la communauté internationale, alors que le budget annuel du pays est de 300 millions de dollars. Les conditions de l'élection n'étaient pas réunies : pas de réflexion préparatoire, pas de recensement, pas de cartes d'identité.

C'est l'ONU et la communauté internationale qui ont fait pression pour bâcler ce scrutin. Depuis 30 ans, le peuple afghan attend un recensement qui est toujours repoussé pour des raisons politiques : on ne veut pas connaître avec exactitude la composition ethnique du pays qui pourrait permettre un meilleur partage des pouvoirs.

Le peuple afghan sait très bien ce qu'est la démocratie. Il sait aussi que, cette fois encore, ce n'est pas lui qui élira le prochain président. La démocratie a un coût que les Afghans ne peuvent pas financer. Tout le monde sait très bien que le prochain président afghan ne saurait être élu sans votre accord.

Au nom de mes compatriotes, je souhaite que ce nouveau président s'engage à rendre des comptes à la fin de son mandat, qu'il ait un programme politique, une équipe compétente, avec une véritable stratégie de reconstruction qui tienne compte des contraintes économiques, sociales et environnementales. Il faut redonner au peuple afghan les moyens de sa dignité. Cela passe notamment par l'accès des paysans à la terre, souvent confisquée par les chefs de guerre, une meilleure gestion de l'eau, la création d'emplois pour des millions d'artisans, de commerçants, industriels, banquiers...

Puisque le suffrage universel dans les conditions actuelles n'a aucune valeur et ne sanctionne absolument pas la politique menée, la communauté internationale doit exiger des résultats qui répondent à l'immense espoir que les Afghans ont mis dans votre arrivée au pouvoir.

Croyez, Monsieur le Président, à mes souhaits les plus sincères pour la réussite de votre immense tâche.



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