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Billet de blog 17 septembre 2013

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Quel président en 2014 pour la République afghane?

Le 11 septembre 2013, alors qu’aux États-Unis, on commémorait la triste mémoire des attentats de 2001, en Afghanistan, l’équipe nationale de football gagnait la coupe des Champions de l’Asie du Sud. La finale de cette coupe se déroulait au Népal. Plusieurs ministres et 400 personnalités avaient fait le déplacement pour assister à ce match.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 11 septembre 2013, alors qu’aux États-Unis, on commémorait la triste mémoire des attentats de 2001, en Afghanistan, l’équipe nationale de football gagnait la coupe des Champions de l’Asie du Sud. La finale de cette coupe se déroulait au Népal. Plusieurs ministres et 400 personnalités avaient fait le déplacement pour assister à ce match. L’arrivée de la coupe à Kaboul a provoqué la liesse populaire. Les Afghans ont fait la fête pendant plus de 48 heures. Quels enseignements en tirer ?

1) la victoire dans ce championnat d’une jeune équipe afghane après 30 années de guerre et malgré les tensions politiques avec les talibans montre que, s’il y a un objectif clair et des moyens adaptés, avec du courage, on peut espérer réaliser l’impossible !

2) la joie provoquée par cette victoire a transcendé toutes les frontières communautaires et sociales et l’ensemble de la population afghane, quelle que soit son origine ethnique, a fait de cette victoire « sa victoire ». Pour une fois, et depuis fort longtemps, le peuple afghan était uni.

Mais il y a un « hic » ! Malgré les interdictions de la police, la population des grandes villes comme celle des campagnes a fêté cette victoire… avec les kalachnikovs qu’elle possédait illégalement.

La présence des armes, quelques jours avant l’affichage des listes des candidats à l’élection présidentielle d’avril 2014 est lourde d’inquiétudes et de dangers.

Des bruits courent sur le déroulement de ces élections à venir. Les talibans font pression partout ; il ne se passe pas un jour où ils n’attaquent avec des mines antipersonnel une institution gouvernementale ou une représentation diplomatique, pour contester les élections. Les talibans refusent et la paix avec Karzaï et la constitution qui préconise les élections. La population est aussi inquiète parce que la commission électorale a distribué 17 millions de cartes d’électeurs pour un électorat de 13 millions de personnes !

Sans compter que les partisans de Karzaï manifestent pour demander le report des élections en 2018 faute de sécurité et que d’autres demandent carrément la modification de la constitution pour permettre à Karzaï de rester au pouvoir. Mais Karzaï est obligé de respecter la constitution actuelle lui interdisant de se représenter.

Sous la pression de l’ONU et de la communauté internationale, quelles que soient les conditions du déroulement des élections, dès demain, la liste des candidats (29 à ce jour) va être affichée dans tout le pays : parmi eux, on trouverait des personnalités comme des anciens chefs de guerre, des anciens ministres ou des anciens fonctionnaires de la Banque Mondiale et même l’ancien ambassadeur des Etats-Unis (américain d’origine afghane) à Kaboul.

Tous ces candidats ont de l’argent et une réputation mais pas de base politique représentative du peuple. Dans la plupart des 2 800 villages afghans, ces candidats sont totalement inconnus. Leur deuxième handicap, c’est qu’ils demandent tous le pouvoir mais qu’ils n’ont ni parti, ni programme politique. Comme Karzaï depuis 2001, ils cherchent à se greffer sur la Stratégie Nationale de l’Afghanistan (ANDS) ; dans ce programme stratégique qui donnait un schéma de développement sans tenir compte de la reconstruction du pays, il était recommandé de tirer des leçons du passé et de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Or, l’expérience de plus de 12 années de gouvernance de Karzaï nous démontre, avec tristesse, qu’on a confondu la reconstruction avec le développement et qu’on a complètement oublié les recommandations de ce schéma, reconduisant la politique de l’ancien régime des années 50.

Le prochain président de la République va hériter de la lourde tâche de corriger l’ensemble des échecs politiques, économiques et sociaux de Karzaï. Politiquement parlant, il devra réaliser l’unité nationale autour d’un nouveau rêve, porteur de paix entre tous les Afghans. Il devra transcender les velléités communautaristes et ethniques grâce à des réformes courageuses : par exemple, l’abandon total de la politique économique basée sur l’exportation des produits agricoles, l’abandon de l’agriculture de rente au profit de l’agriculture vivrière, le renoncement au développement inconsidéré de l’urbanisme, la lutte contre la confiscation des terres et la résolution des problèmes de propriété agraire et de nomadisme.

Le président devra rétablir la justice sociale et donc créer dans chaque village des structures administratives : mairie, poste, école, état civil, maintien de l’ordre pour enlever toute autorité et tout pouvoir aux chefs de village autoproclamés.

Enfin, au risque de me répéter, depuis 50 ans, la raison première de l’instabilité politique et de l’insécurité en Afghanistan est liée à la pauvreté et à la misère du plus grand nombre.

Il est temps de sortir du clientélisme : l’expérience de ces 50 dernières années sur le plan économique et social d’une part, l’apport des scientifiques et des techniciens internationaux d’autre part, donnent au futur président suffisamment d’informations fiables et d’autorité pour prendre des décisions radicales tout en faisant de la pédagogie sans passer par le tâtonnement et l’autoritarisme.

L’Afghanistan mérite un président audacieux et clairvoyant. 

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