Une partie des élèves du lycée considèrent l’établissement comme la continuité du quartier, ils ne font pas la différence entre l’environnement difficile dans lequel ils évoluent et le lycée. Un lieu sensé être régi par des règles et une discipline propice à l’acquisition d’un savoir-faire, et d’un savoir être. Pour la plupart, ils ne se projettent pas dans l’avenir, et de ce faite, ils ne comprennent pas que le lycée va leur apporter les fondements indispensables et nécessaires pour leur intégration future dans la société. Ces élèves n’ont pas tous choisi cet établissement, ayant eu de mauvais résultats au collège ou renvoyés par d’autres établissements, ils nous disent ouvertement « c’est ça ou la rue ».
Nous sommes en contact perpétuel avec eux, et de ce fait, confrontés à leur humeur, leur difficultés familiales, voire même, leur carence éducative en terme de savoir vivre et de relationnel avec l’autre. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont violent verbalement, lorsque nous leur faisons la réflexion, ils nous disent « je parle normalement ». La vie est perçue pour eux comme un combat au quotidien, où ils se sentent obligés de prouver à tout moment leur virilité aux autres « je suis capable de … ». La première autorité qu’ils essayent de briser afin de casser le climat de discipline et de rétablir le désordre sera l’A.E, « le pion », un élève m’a déjà dit « j’étais là avant toi, je fais ce que je veux ». Les premières semaines ont été les plus difficiles, chacun désireux de marquer son territoire et essayant de connaitre les limites de l’autre, ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Le rapport de force semble être incontournable toute en maintenant une certaine ouverture, qui permet l’écoute et le dialogue avec les élèves, sans que cela ne soit perçu comme une faiblesse de notre part. Une brèche qui leur permettrait progressivement de dicter leur loi.
Certains sont de véritables délinquants, déjà routinier de la garde à vue ou de séjours en foyer spécialisés , ce ne sont pas les A.E du lycée ou nos heures de colle qui vont les impressionner. Les autres élèves sont spectateurs pour la majorité, dont une partie reste influençables, quand il s’agit de contribuer à chahuter un prof l’empêchant d’effectuer son cours, ou pour commettre des actes d’incivilité dans l’établissement.
Ils ne comprennent pas que l’on puisse leur interdire de faire quelque chose, je me suis déjà vue dire « ici, on fait ce qu’on veut». La salle de permanence et loin d’être une salle d’étude à leur yeux, l’idée même de demander l’autorisation de se lever à l’A.E de permanence leur semble anormal, ils pensent avoir le droit de circuler dans la cour ou les couloirs, d’aller et de venir comme bon leur semble. Ils minimisent le moindre incident, s’étonnant même que l’on puisse faire un rapport, jusqu’à percevoir ce rapport comme une injustice ou une exagération de notre part. Donner des coups de pieds dans une porte, rouler à vélo dans la cour, insulter un adulte, fumer dans les toilettes ... selon eux, ça ne justifie pas un rapport.
Malgré le lien que l’on essaye de créer avec chaque élèves, certains reste récalcitrants à toute envie de sympathiser avec « le pion », il est la balance, celui qui empêche, celui qui veut m’imposer un cadre…Nous sommes aux aguets à tout moment, même lors d’un relatif moment de silence ou d’accalmie. La permanence est vide, aucun élève dans la cour, ni dans les couloirs, mais pourtant on s’attend à ce que ça explose à tout moment et être débordé sur tous les fronts.
Nous nous méfions de certains élèves, car nous savons très bien que si on leur tourne le dos, malgré les sourires et les conversations amicales, qu’ils n’hésiteront pas à commettre leur méfaits, en retournant la salle de permanence, le bureau, ou tous ce qui peut leur passer à l’esprit…Les abords du lycée ne sont pas épargnés par leur volonté d’embêter, toute est bon pour passer le temps ou rigoler, mettre le feu dans une poubelle ou sonner chez le voisin …
Nous n’oublions pas que notre mission est avant tout « éducative », même si ils nous arrivent d’avoir des altercations assez rudes avec les élèves, mais cela reste formateur, « non » c’est « non », « trop » c’est « trop ». Bien que dans la pratique nous avons beaucoup plus un rôle de surveillance que d’accompagnement pédagogique.