Dans un Maghreb fracturé par les héritages coloniaux, les calculs géopolitiques à courte vue et les trahisons déguisées en partenariats, la France et le Maroc ont choisi, ensemble, un alignement aussi spectaculaire qu’aveugle : celui de Tel-Aviv. Mais les peuples ont de la mémoire, et les nations trahies ne se taisent pas. L’Algérie regarde, juge et attend. Car le temps ne protège pas les fautes — il les inscrit dans la pierre.
La reconnaissance française du plan marocain d’autonomie au Sahara occidental n’est pas un simple détail diplomatique : elle marque un basculement historique.
Ce choix consacre un axe Rabat–Paris–Tel-Aviv qui, derrière les sourires officiels, isole Paris de l’Algérie, fracture davantage la région, et trahit les fondements mêmes du droit international.
L’histoire retiendra que la France, ancienne puissance coloniale, s’est alignée sur un royaume qui a troqué la cause palestinienne contre la promesse illusoire d’un soutien israélien à ses prétentions territoriales.
Ce soutien, Rabat l’a cru décisif. En intégrant Israël dans ses calculs, le Maroc s’est convaincu que Tel-Aviv pouvait l’aider à verrouiller le dossier saharien,
ouvrir les portes de Washington, et renforcer son statut de partenaire privilégié en Méditerranée. Mais c’est oublier que l’État hébreu, lui-même contesté dans sa légitimité par des décennies d’occupation,
ne peut offrir à d’autres ce qu’il n’a jamais su offrir à lui-même : la reconnaissance durable, l’apaisement régional, ou la paix juste.
En se rapprochant d’Israël, Rabat a fait le pari d’un temps court : celui des intérêts, des contrats d’armement, des accords sécuritaires.
Mais dans le monde arabe, les peuples — même bâillonnés — n’ont pas oublié Deir Yassine, Gaza, ou Rafah. L’image d’un roi marocain signant des accords de coopération militaire
avec ceux qui bombardent des civils palestiniens ne s’efface pas aisément. Ce n’est pas seulement une faute politique : c’est une blessure symbolique.
Et une fois le symbole fissuré, la légitimité chancelle.
La France, elle, a cru pouvoir naviguer dans cette mer agitée en gardant le cap de ses intérêts. Mais Paris oublie trop vite qu’on ne bâtit pas une influence durable en piétinant la mémoire.
L’Algérie n’est pas une nation que l’on contourne. Elle est née dans le feu de l’anticolonialisme, s’est construite contre l’oubli, et ne se laisse pas séduire par les flatteries diplomatiques.
En négligeant Alger, en méprisant les signaux répétés d’exaspération, la France a réveillé une colère dormante.
Celle d’un peuple qui n’a jamais digéré les crimes de la colonisation, ni les tentatives récurrentes de lui dicter sa conduite.
Ce n’est pas qu’une question de gaz ou de géopolitique. C’est une question de respect. L’Algérie n’exige pas qu’on l’aime, elle exige qu’on la traite comme une égale.
Elle a ses défauts, ses silences, ses contradictions — mais elle n’a jamais pactisé avec l’oppresseur de Palestine.
Dans un monde arabe qui vacille, elle reste l’une des rares capitales à tenir une ligne claire, sans ambiguïté, contre la normalisation.
La France aurait pu saisir cette hauteur morale, s’y arrimer pour reconstruire une relation maghrébine basée sur le respect et l’équilibre.
Au lieu de cela, elle a choisi la voie la plus facile : celle du court-termisme, de l’influence dégradée, des alliances en trompe-l’œil.
Elle a tourné le dos à la rue algérienne, à la diaspora qui fait battre le cœur de ses banlieues, aux millions de voix qui attendent encore une reconnaissance pleine de l’histoire.
L’histoire, justement, n’oubliera pas. Elle retiendra que dans un moment décisif, Paris a penché du côté de l’oubli.
Que Rabat a cru que l’occupation en Palestine pouvait justifier l’occupation au Sahara. Et que Tel-Aviv, acteur cynique, a joué les entremetteurs dans une région déjà à vif.
Israël ne sauvera pas Rabat. L’histoire ne pardonnera pas Paris. L’Algérie, elle, n’oubliera rien — mais elle regardera le monde s’effondrer avec la froide lucidité de ceux qui ont déjà tout reconstruit après les ruines.
Et si, pour une fois, la France écoutait le silence de ceux qu’elle a trop longtemps réduits au murmure ? Et si le vrai pouvoir, demain, résidait dans la fidélité aux principes plutôt qu’aux intérêts ?