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Billet de blog 25 août 2025

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Quand la Palestine redéfinit la légitimité des Houthis

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le 7 octobre 2023, l’agression israélienne contre Gaza a bouleversé l’équilibre des rapports de force au Moyen-Orient et bien au-delà.
Les bombardements massifs sur la population palestinienne, la destruction systématique d’infrastructures civiles et la mort de dizaines de milliers de civils ont
réveillé une indignation mondiale. Dans ce contexte, un acteur inattendu a vu son image profondément modifiée : les Houthis du Yémen.
Longtemps perçus comme une milice sectaire, accusée de violences internes et considérée par de nombreux pays comme une organisation terroriste,
les Houthis ont réussi à transformer leur image à travers leur engagement militaire contre Israël. En tirant des missiles et des drones vers Tel-Aviv et d’autres cibles stratégiques,
ils se sont présentés comme défenseurs de la cause palestinienne. Ce repositionnement a profondément changé leur perception auprès des opinions publiques arabes et, dans une certaine mesure, internationales.
Il est important de rappeler que le Yémen, et en particulier les régions contrôlées par les Houthis, fait lui-même l’objet de bombardements israéliens depuis près d’un an.
Des frappes ont visé la capitale Sanaa, ainsi que des zones stratégiques comme le port de Hodeïda, accentuant la catastrophe humanitaire dans un pays déjà ravagé par près d’une décennie de guerre.
Ces attaques, rarement couvertes par les grands médias, ont renforcé l’idée que les Houthis paient le prix de leur solidarité avec Gaza.
Cette réalité a contribué à élargir leur base de sympathie, bien au-delà de leurs soutiens traditionnels. Là où ils étaient autrefois accusés d’être un simple prolongement de l’influence iranienne dans la péninsule Arabique,
ils apparaissent désormais comme un mouvement de résistance qui ose défier Israël. Cette posture, dans un monde arabe marqué par la normalisation de plusieurs régimes avec Tel-Aviv, leur confère une légitimité nouvelle.
Même des Yéménites critiques de leur gestion autoritaire reconnaissent que leur rôle contre Israël les place aujourd’hui dans une dimension plus large que celle du conflit yéménite.
Le contraste est saisissant : alors qu’Israël revendique une « guerre contre le terrorisme », ses frappes ciblent massivement des civils, des hôpitaux, des écoles, des camps de réfugiés et des infrastructures vitales,
tandis que les Houthis affirment cibler exclusivement des sites militaires ou stratégiques israéliens. La disproportion des moyens et des cibles a contribué à inverser la perception :
l’État qui se présente comme une démocratie moderne agit comme une puissance coloniale brutale, tandis qu’une milice marginalisée trouve une place dans l’imaginaire collectif de la résistance.
Cette évolution révèle à quel point la guerre à Gaza a redessiné la carte de la légitimité politique et morale dans la région.
Des acteurs autrefois diabolisés, comme le Hamas ou les Houthis, apparaissent désormais comme porteurs d’une cause universelle, celle de la défense d’un peuple victime d’un génocide diffusé en direct à l’échelle mondiale.
La Palestine devient ainsi un miroir qui reconfigure les alliances, les perceptions et les hiérarchies de la légitimité.
Cela ne signifie pas que les Houthis ont effacé leurs contradictions internes. Leur gouvernance au Yémen reste contestée, marquée par des pratiques autoritaires et des violations des droits humains.
Cependant, dans le contexte actuel, ces critiques passent au second plan face à une cause perçue comme plus grande : la survie de Gaza et la lutte contre l’impunité israélienne.
La guerre à Gaza a donc offert aux Houthis un rôle de premier plan sur la scène symbolique arabe et internationale, une légitimité inattendue mais désormais incontournable.
En définitive, l’agression israélienne contre Gaza n’a pas seulement transformé les équilibres militaires et diplomatiques au Proche-Orient.
Elle a aussi remodelé l’imaginaire des peuples et leur manière de distinguer oppresseurs et résistants. Dans cette nouvelle géographie morale,
les Houthis, malgré toutes leurs zones d’ombre, sont perçus comme ceux qui ont osé faire ce que beaucoup de régimes arabes n’ont pas fait : frapper Israël en représailles aux massacres de Gaza.

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