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Billet de blog 22 mars 2020

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La distanciation

Ce que cache la distanciation

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Ce qui se cache derrière la distanciation sociale
"Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs."
Prendre ses distances ou rester à distance, n'est pas une thématique nouvelle dans le rapport à l'autre. Distance physique, pour ne pas être contaminé par les odeurs, les fumées, les parfums, ou inversement, distance morale pour penser librement, distance qui permet l'indépendance, distanciation de tous ordres, de toutes éthiques ou religions mais distanciations volontaires. Lorsque la distance du rapport à l'autre est choisie, elle est liberté et relève d'une forme d'être ensemble. Ce qui semble nouveau dans les temps que nous vivons n'est-ce pas l'ordonnancement, l'organisation du rapport à l'autre par le pouvoir politique rendu à lui même par la promulgation arbitraire de "l'état de guerre " ( ici sous la forme d'une "urgence sanitaire " ) ? Quand le pouvoir politique légifère sur ce qui relève du simple savoir vivre (la fumée de cigarette...) ou de la simple éthique du citoyen ( ne pas prendre le risque de partager un virus quelconque, sida, rhume, grippe...) ne peut-on se demander ce qu'il reste de la liberté originelle qui nous unit pour le meilleur et pour le pire ? Quand le citoyen n'a plus le choix de l'obéissance à une loi qu'il ne peut pas vouloir (sauf à renoncer à sa propre essence, à une existence humaine sous le chiffre de la liberté) , que lui reste-il ? Le pouvoir politique n'est-il pas devenu total, pour ne pas dire totalitaire ? Et lorsqu'enfin la santé revient reste -t-il encore quelque chose qui mérite d'avoir été sauvé ?
On nous dira que la fin justifie les moyens, ici la circonscription de la pandémie vaudrait quelques sacrifices de nos libertés ( que l'on présente déjà comme individuelles... ) Nous répondrons que la fin n'est pas certaine et que les moyens sont peut-être pire que la fin.
De manière moins concise et plus empirique : Lorsque les citoyens ont peur les uns des autres, la mère de voir ses enfants, ou l'inverse, les amis de partager un verre ou un repas, les amants de s'adonner à la douceur divine du vivre sous la forme de la caresse, du baiser qui marque aussi depuis toujours l'appartenance à la même communauté, les concitoyens peur de s'entrevoir... Que reste-il de ce qui fait de ce vivant que nous sommes parmi les autres, un homme ? Où est passée la société ? Et quelle légitimité un discours politique peut-il posséder sans polis ? L'appel à la solidarité d'un ensemble d'individus qui vivent dans la hantise de l'autre et/ou de la mort ne trouve t-il pas brisée dans son incohérence ?
Ou alors, et parce qu'il ne faut jamais sous estimer les pouvoirs, à qui profite le crime ? Ne peuton voir dans la légalisation de l'égoisme (ma santé dabord ! sous l'hypocrisie de la protection de l'autre... ), dans la moralisation de l'isolement ( "restez chez vous !"), dans la diabolisation de l'autre, la prolongation naturelle de ce qui existe déjà sous la forme économique dite "libérale" , qui pour le coup les recouvre toutes, à savoir la forme capital sous sa forme mondiale. La production infinie de richesses qui transforme toute chose en marchandise, le travailleur y compris avec la bénédiction et la protection des politiques de tous poils.
On se souviendra des retours ou des résistances communautaires de ces dernières années. En vrac : les gilets jaunes, le printemps arabe, les grêves générales avec ses défilés contestataires pour tenter de préserver notre système éducatif, de santé, de retraite, menacés par la convoitise extraordinaire même plus dissimulée des investisseurs privés protégés, soutenus, par le gouvernement Macron, les résistances populaires des hongkongais contre l'impérialisme chinois, les manifestations permanentes du peuple algérien, les sursauts d'orgueil des peuples syriens et arabes contre l'autoritarisme américain... On en oublie, tant le populaire (la volonté du peuple) semble s'être souvenu de son existence depuis ces dix dernières années.
Les peuples du monde entier sont dans la rue, étaient dans la rue, dans ces rues que le pouvoir politique a vidé. Les clameurs, chants et autres slogans des fraternités populaires sur l'égalité, la liberté ont laissé place au vide et au silence glacial d'un nouvel âge de la terreur. Fi des revendications, les états d'urgence ont voté les pleins pouvoirs aux édiles du grand capital. Remise en question des trente cinq heures, transformées en quarante huit, suppression du repos dominical... Limitation des congès à quatre semaines par an... Il faut bien rattraper les pertes du grand capital ! La BCE a déjà débloqué 750 Milliards d'Euros pour combler les déficits boursiers... Gageons que les chinois nous montreront l'exemple ! Le peuple n'aura plus dès lors qu'à travailler au péril de sa vie et pour des salaires réduits à la simple valeur de la reproduction de la force de travail. Il faut bien entretenir même les machines !
Là où les polices et CRS ont échoué, la menace de la maladie, la pandémie, sortie d'on ne sait où, SAMU providentiel des politiques qui sentaient et voyaient le pouvoir leurs glisser entre les matraques et les propagandes démagogiques, a glorieusement gagné. Pour laisser place à ce que toute crise ouvre, le bruit des bottes qui résonne dans des avenues vides.
le 20/03/2020,
Guy Séguéla

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