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Billet de blog 20 juillet 2025

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Gaza, miroir noir de la civilisation occidentale

À la lumière crue de la famine, les masques tombent. Ne subsiste que la vérité nue d’un monde qui regarde la mort… et détourne les yeux. Malheur à la civilisation qui renie son propre miroir, et consent à devenir le pâle reflet des anciens empires – repeints aux couleurs du progrès.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À la lumière crue de la famine, les masques tombent. Ne subsiste que la vérité nue d’un monde qui regarde la mort… et détourne les yeux.

La famine de Gaza n’est pas un simple épisode d’humiliation infligé à un peuple assiégé. Ce n’est ni une bavure ni un dysfonctionnement. C’est un langage. Une déclaration sans détour du mépris profond que l’Occident moderne – avec Israël à ses avant-postes – adresse non seulement aux Palestiniens, mais à l’ensemble du monde arabe et musulman.

C’est ainsi que l’Empire parle désormais : nous vous assiégeons, nous vous affamons, nous effaçons vos noms… et nous exigeons de vos mains tremblantes la signature de votre propre extinction.

Il ne s’agit plus seulement d’une guerre. C’est une grammaire civilisationnelle. Un discours renouvelé du colonialisme : non plus prononcé par un général à képi, mais par un drone anonyme ; non plus dicté depuis une chaire de missionnaire, mais depuis une table de négociation tachée de sang.

Ce que Gaza nous renvoie n’est pas une déviation de l’Histoire, mais sa continuité.

Les famines de Bengale sous l’Empire britannique, l’asphyxie organisée de l’Algérie coloniale, la guerre de la faim en Indochine… ces pages sombres reviennent, réécrites dans la langue des temps modernes : privation de médicaments, blocus des frontières, enfants qui meurent de froid et de faim sous les décombres.

Mais plus effrayant que le criminel, il y a celui qui lui ouvre la voie, le protège, le caresse dans le sens de ses intérêts.
Ce siège n’aurait pu durer sans la trahison d’Abdel Fattah al-Sissi, devenu douanier zélé du bourreau israélien, préférant la reconnaissance de Tel-Aviv à la fraternité du sang et de la foi.

Il n’aurait pu se consolider sans le soutien zélé de Mohammed ben Zayed, ce prince postmoderne qui voit en Israël un miroir de réussite, et en la Palestine un embarras moral à effacer.

Il n’aurait pu s’étendre sans le silence doré de Mohammed ben Salman, persuadé que les pétrodollars suffisent à construire une grandeur sans honneur, un destin sans dignité.

Gaza n’est plus une blessure. C’est un scandale ontologique, une obscénité morale.

Elle est le test ultime d’un monde qui se prétend moderne mais tolère la famine comme outil diplomatique. Comme l’écrivait Aron : « Le plus grave n’est pas la barbarie, c’est l’accoutumance au crime, et le cynisme qui l’habille du langage des intérêts. »

Quant à Nizan, il aurait crié : Malheur à la nation qui prend la trahison pour de l’habileté, le blocus pour une nécessité, et la faim pour un levier légitime !

Malheur à la civilisation qui renie son propre miroir, et consent à devenir le pâle reflet des anciens empires – repeints aux couleurs du progrès.

Mais derrière ce désastre, Gaza continue de parler – à la manière des prophètes.

Sa résistance n’est pas une prouesse militaire : c’est un refus viscéral de se soumettre.

Chaque enfant affamé y déchire l’illusion coloniale à son plus haut degré : que la vie est l’apanage de l’Occident, et le silence ou l’effacement, le sort des autres.

Et comme nous le rappellent les Écritures:« Ne pense pas que Dieu soit inattentif à ce que font les injustes. »

L’Histoire, elle aussi, aura son heure.
Elle ne comptera pas les morts.
Elle comptera ceux qui se sont tus.

Mohamed El Mokhtar Sidi Haiba est analyste politique et social, passionné par les dynamiques géopolitiques et les imaginaires postcoloniaux en Afrique et au Moyen-Orient. Ses articles ont été publiés dans Middle East EyeThe Palestine ChronicleThird World ResurgenceAl Ahram Weekly, et Morocco News.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.