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Billet de blog 25 octobre 2025

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Affaire Ben Barka 5/5 : la fin d’une crise et l’œil de Washington

Trois notes diplomatiques belges, datées des 27 décembre 1966, 9 mai et 7 juin 1967, marquent la fin de l’affaire Ben Barka. Washington écarte toute preuve contre Rabat, Paris et le Maroc renouent leurs liens, et Hassan II sort renforcé. Pour la diplomatie belge, la tempête est passée : le trône est resté debout.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce cinquième et dernier article de notre série s’appuie sur trois notes diplomatiques confidentielles rédigées par l’ambassadeur de Belgique à Rabat, Jean de Bassompierre, et adressées au ministre belge des Affaires étrangères, Pierre Harmel. Datées des 27 décembre 1966, 9 mai 1967 et 7 juin 1967, elles décrivent la phase finale de l’affaire Ben Barka : l’apaisement diplomatique, la réaction du Maroc au verdict et l’attention discrète portée par les États-Unis.

La note du 27 décembre 1966 : le regard américain

Illustration 1

Bassompierre écrit à Bruxelles qu’« il croit intéressant de signaler » l’analyse des services américains à propos de l’affaire Ben Barka. Selon lui, « les services américains ont examiné en détail l’affaire Ben Barka, le procès et les incidents annexes, pour conclure à l’inexistence d’une preuve quelconque permettant d’accuser les autorités marocaines ».
Ces informateurs précisent également que, selon leurs renseignements, « le général de Gaulle serait soucieux de trouver un moyen élégant d’oublier l’affaire et de reprendre avec le Maroc des relations normales ».

L’ambassadeur ajoute que « les milieux français de Rabat ne partagent pas cet avis », mais reconnaissent qu’aucun changement fondamental n’est intervenu dans la politique française. Pour la diplomatie belge, cette note marque le retour progressif à la normalisation et souligne le rôle d’observateur attentif joué par Washington dans la stabilisation des relations franco-marocaines.

La note du 9 mai 1967 : un second procès sans passion

Illustration 2

Quelques mois plus tard, Bassompierre décrit l’ouverture du second procès Ben Barka devant la cour d’assises de Paris. Selon lui, « les trois semaines du second procès Ben Barka n’ont pas altéré l’atmosphère placide de Rabat et du Maroc ».
Il note que « le public lit avec attention, mais sans passion, les comptes rendus des séances », et que la presse met surtout « en évidence les succès de la défense du colonel Dlimi, sans évoquer discrètement ce qui est incriminant pour lui et pour le général Oufkir ».

Cependant, derrière cette façade de calme, l’ambassadeur évoque une « inquiétude très discrète » à mesure que s’approche le verdict : « Si Dlimi et Oufkir sont condamnés, comment vont réagir le roi Hassan II et le gouvernement marocain ? ».
Bassompierre se montre néanmoins confiant : « Si Oufkir était condamné par défaut mais que Dlimi était acquitté, on estimerait ici que la justice française a agi sagement et on considérerait l’affaire comme terminée. »

La note du 7 juin 1967 : le verdict et la réaction du Maroc

Illustration 3

Dans sa dernière dépêche, datée du 7 juin 1967, Bassompierre confirme cette prévision.
Il écrit que « le gouvernement et l’opinion marocains ont accueilli avec soulagement l’acquittement du lieutenant-colonel Dlimi », tout en déplorant « la hâte avec laquelle la cour d’assises de la Seine a prononcé l’arrêt de contumace contre le général Oufkir ».

Le Maroc adresse alors à la France une note de protestation fondée sur la Convention franco-marocaine d’assistance judiciaire, estimant que cet arrêt est « illégal ».
Mais Bassompierre remarque que Rabat reste mesuré : « Le renouvellement de la proposition du gouvernement marocain de soumettre l’arrêt de contumace à la Cour internationale de Justice de La Haye constitue une preuve supplémentaire de la détermination de Rabat de ne pas envenimer les choses. »

L’ambassadeur conclut que « l’opinion publique a surtout retenu l’acquittement de Dlimi » et que « les relations franco-marocaines sortent intactes de cette épreuve ».

Une crise refermée

À travers ces trois notes, la diplomatie belge dresse un constat clair : l’affaire Ben Barka s’achève sans bouleversement.
La tension diplomatique s’est dissipée, la France et le Maroc ont retrouvé une coopération étroite, et le roi Hassan II a consolidé son autorité.
L’ambassadeur souligne que, deux ans après l’enlèvement de Paris, le Maroc est resté stable et maître de sa trajectoire. « Le Maroc avance, fidèle à sa ligne de stabilité. »

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