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Billet de blog 15 septembre 2022

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Abnégation.10

Je suis entrée dans l’Abnégation Nationale en 2010, par fidélité familiale pour la Fonction Publique et engagement pour l’intérêt collectif. J’ai croisé la route d’enfants cabossés et rieurs, de parents valeureux et modestes, de collègues engagés et résiliants. Après 12 ans de chemins de traverse, la coupe est pleine. J’ai été bien résistante mais là je suis abîmée. Alors je sauve ma peau,je pars.

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Réparer les dégâts

Apprendre à mettre une distance. Fuir les environnements anxiogènes. Faire barrière aux comportements dysfonctionnants. Ne pas se laisser polluer par l’agressivité et la condescendance. Se protéger des comportements pervers. Dénoncer pour ne pas cautionner. Défendre bec et ongles ses valeurs et son libre-arbitre. Ne pas se trahir. Dire non. 

Cultiver les relations saines et bienveillantes. Garder espoir. Agrandir les cercles vertueux. Se ménager des espaces mentaux libres et créatifs. Faire chaque chose en son temps et à son rythme. Apprendre à faire redescendre son rythme cardiaque. Vivre l’instant présent. Respirer. Dormir. Trouver des environnements fonctionnels. Retrouver confiance. Dire merci.

Autant le dire tout de suite, ce billet sera moins amusant à lire que le précédent. J’en aurais mis du temps à l’écrire. Presque deux ans. Deux ans pour réussir à mettre des mots, mais quels mots? Je ne sais pas encore lesquels je peux transmettre. Ce sentiment que ma souffrance n’est pas légitime est toujours là. Malgré le chemin, malgré les thérapies, malgré les prises de conscience. J’ai vécu un épisode traumatique lors de mon examen professionnel pour obtenir le titre d’enseignante spécialisée. Ces mots-là sont simples et clairs, posés par ma psychologue. Je ne vous écrirai pas les mots posés par un médecin spécialiste de la souffrance au travail, ils sont bien plus violents. Je les ai effacés de ce billet, ils ne sont qu’à moi. Vous ajoutez à cela la dégradation des conditions de travail et les évolutions de l’institution qui nuisent toujours plus à ceux qui en ont le plus besoin, et vous avez là le cocktail détonnant.

J’ai tenté de bouger de place au sein de l’Abnégation Nationale pour évoluer dans un milieu que je savais plus protecteur car avec un travail d’équipe plus resserré. Cela, je l’ai trouvé, et ô combien! J’ai encore une fois rencontré des collègues exceptionnel.le.s, tant envers leurs pairs qu’envers les enfants. Pour certain.e.s,  des ami.e.s chèr.e.s à présent. Je cherchais également un poste où, convenablement formée, je pourrais agir au long court pour lutter contre les difficultés et les inégalités que vivent nos élèves. Ce que je ne savais pas, c’est que pour y parvenir, j’allai en passer par le pire pour moi. Pire qui me ferait définitivement partir. Je suis aussi un peu rêveuse, certains diront, mais je n’avais pas touché du doigt à quel point la vacuité de notre action était désormais actée, enracinée. 

J’ai toujours pensé que j’étais née avec une bonne décennie de retard dans la vie. Et sincèrement, en ce qui concerne l’enseignement spécialisé, cela s’avère à mon sens très exact. J’ai rapidement senti au cours de la formation que mes valeurs et ma posture professionnelle n’étaient plus vraiment en adéquation avec ce vers quoi tendaient les enseignements de la nouvelle mouture de formation. Je suis un peu « à l’ancienne » je crois. Et j’y tiens farouchement lorsqu’il s’agit de ne pas prendre des vessies pour des lanternes. Ou alors c’est peut-être que je fais partie de celles et ceux qui enseignent et accompagnent avec tout ce qu’ils sont, bien au-delà des outils et des gadgets. 

Il est long, le chemin, pour prendre conscience que ce qu’il s’est passé n’est pas normal. Quand un inspecteur est maltraitant envers une enseignante devant deux autres hiérarchiques qui ne trouvent rien à redire, ce n’est pas si évident de se sentir légitime à en souffrir. Quand ton travail de recherche est loué par ta formatrice et ton tuteur, que ta pratique est approuvée par tes collègues de terrain, et que le tout est ensuite dénigré lors de l’examen, ce n’est pas facile de s’y retrouver. En psychiatrie, appliqué à une personne, on appellerait sûrement ce type de comportement « pervers narcissique ». Là, il ne s’agit pas d’une personne, mais d’un système. 

Concernant ce fameux inspecteur maltraitant, nous devons savoir que c’est loin d’être la première fois que cela se produit. Une collègue a réussi à se mettre « en mode lionne » pour lui faire face lors de sa session d’examen. Précisions qu’il dure 4h-4h30 de pratique et d’oral, cet examen. C’est une force de la nature, ma copine. Dans mon école, une autre collègue est passée devant lui, non pas pour l’examen, mais au tout début de la démarche : pour l’entretien d’admission en formation. Résultat : 3 jours d’arrêt et encore les larmes aux yeux quand elle m'en parlait des mois plus tard. Dans une autre de mes écoles, il a aussi animé une grande réunion à propos d’une « situation d’urgence ». Une équipe terrassée, deux enseignant.e.s en pleurs. Ma collègue chevronnée d’une compétence rare avait préparé sa prise de parole pendant plusieurs jours auparavant : elle était quasiment en état de choc à la sortie, épuisée, après lui avoir vaillamment et très professionnellement tenu tête.  

Ce sont trois exemples de mon entourage direct, survenus en deux ans. Je ne citerai pas les témoignages par intermédiaires. Mais comme on dit aujourd’hui, « # pas de vagues »! J’ai entendu de la bouche d’une formatrice que cette personne était peut-être bien Asperger, ce qui tendrait à expliquer son manque total d’empathie selon elle. Alors là, j’avoue que c’est la cerise sur le gâteau! Ce monsieur traumatise tout le monde impunément et il faudrait encore que l’on ne dise rien car il serait peut-être Asperger! Heu…jusqu’à preuve du contraire, la perversion n’est pas un signe clinique de l’autisme, non? Si tel est le cas, ou plutôt si les manifestations de son trouble en font un danger pour ses collaborateurs, il aurait été bienvenu de lui proposer un poste où il puisse s’épanouir sans détruire les autres. 

Mais ça, ce serait dans un monde où l’on saurait trouver la mesure de toute chose. Dans un monde où les particularités de chacun seraient prises en compte dans le respect de tous. Dans ce monde-là, qui est le nôtre en général et celui de l’Abnégation Nationale en particulier, on avance à marche forcée en fermant les yeux sur la violence. 

Elle est belle, n’est-ce pas, notre « École Inclusive »? 

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