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Billet de blog 27 août 2022

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Abnégation.5

Je suis entrée dans l’Abnégation Nationale en 2010, par fidélité familiale pour la Fonction Publique et engagement pour l’intérêt collectif. J’ai croisé la route d’enfants cabossés et rieurs, de parents valeureux et modestes, de collègues engagés et résiliants. Après 12 ans de chemins de traverse, la coupe est pleine. J’ai été bien résistante mais là je suis abîmée. Alors je sauve ma peau,je pars.

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Le Graal enfin! : le poste UPE2A à titre définitif

Sur l’école de Maurice, en plus de la CLIS dont je m’occupais, il y avait aussi une CLIN, une Classe d’Initiation. Ou autrement nommée CLIN-CRI (Cours de Rattrapage Intégré). Encore une classe spéciale. Mais ça, c’était celle pour laquelle j’étais entrée dans l’Abnégation Nationale. La CLIN, c’était la classe dédiée à l’enseignement de la langue française aux élèves allophones arrivant en France. Les ENAF, comme on disait alors (Élèves Nouvellement Arrivés en France). On pouvait aussi y enseigner aux EFIV (Élèves issus de Familles Itinérantes et du Voyage), car leur scolarisation parfois décousue pouvait avoir pour conséquence qu’il maîtrisaient mal l’écrit, quoique parlant très bien le français. Tous ces élèves-là se sont alors transformés en EANA (Élèves Allophones Nouvellement Arrivés) ou encore en EANA-NSA, pour les moins chanceux d’entre eux (Élèves Allophones Nouvellement Arrivés Non Scolarisés Antérieurement). Je crois que les EFIV ont pu garder leur sigle, eux, mais encore je n’en suis plus très sûre. La CLIN, elle, s’est alors métamorphosée en UPE2A. C’est ainsi que d’une classe de 12 élèves maximum implantée sur une école, elle s’est transmutée en dispositif itinérant : l’Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants. D’ailleurs, c’est aussi à ce moment-là que la CLIS est devenue une ULIS, une Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire. Les Dispositifs et les Unités, ça fait quand même plus Agile que les classes, il faut vivre avec son temps. Start’Up Nation oui ou non? 

Vous êtes un peu perdu.e.s dans les sigles? Pas d’inquiétude, les enseignant.e.s aussi. Ça change tout le temps. Plus ou moins à chaque nouveau gouvernement. Et comme il y a des enseignant.e.s âgé.e.s d’environ 25 à 60 ans, tu as intérêt à maîtriser tous les sigles des quatre dernières décennies, sinon ça bloque un peu la communication professionnelle! 

Les choses ainsi posées, je peux vous annoncer que pour cette troisième année de fonctionnariat, j’ai réussi, coup de chance monumental, à avoir non seulement une CLIN au Mouvement, mais aussi et surtout, à être titulaire de ce poste. Finies les incertitudes chaque année, si je m’y plaisais j’allais pouvoir y rester! Out, les angoisses du coup de fil intempestif de la fin août! Terminés, les chagrins de quitter une équipe dans laquelle tu te sens bien! J’allais enfin pouvoir faire ce pour quoi j’étais venue et investir sur le long terme. Tout le monde le sait, il faut bien 3 ans pour être à l’aise sur un poste et affiner la qualité de son travail. D’autant plus que j’ai rencontré celle qui allait devenir ma binôme de choc : Mme Ma. El. (telle que lue dans les résultats anonymés du Mouvement publiés par les syndicats) -  2,33 points d’ancienneté, comme moi. Au premier regard on a su que ça allait fonctionner. Quand on a sorti la carte papier de la ville pour épingler les  12 écoles dont on aurait la charge, on se les ai réparties stratégiquement en fonction des temps de trajet. Pas besoin de négocier, on s’est toute de suite accordées comme deux violons. Et on a commencé ensemble à rencontrer tou.te.s  les directeur.trice.s d’école. 

En effet, ce n’était pas des CLIN que nous avions donc eues, mais des dispositifs UPE2A. Si j’insiste, c’est parce qu’il n’y a pas que le sigle qui a changé, mais bien aussi la réalité de notre travail. La fin de la CLIN a signé la fin de la classe. Vous pouvez être sûrs qu’à chaque nouvelle réforme j’arrive en bêta-testeur! Il y avait déjà eu la réforme LMD à la fac, puis la réforme des IUFM, et maintenant la mobilité des dispositifs d’enseignement. Très bien, soit, le mouvement c’est la vie, comme dirait Christophe André. Je ne pourrais pas mieux dire d’ailleurs…L’entrée dans la nouvelle ère de l’UPE2A a merveilleusement réussi à mener l’enseignant au plus près de la réalité de ses élèves migrants! En transit, c’est-à-dire. La « maîtresse à valise » toujours en quête d’une salle pour ses élèves en quête d’une place. Elna (Mme Ma. El.) et moi, on était les versions Quechua ( k-way + sac à dos de rando, ndlr) mais ça marche aussi. On a connu une collègue qui faisait pédibus et métro d’école en école, avec sa p’tite marmaille à cartable accrochée à sa valise pédagogique. C’est comme ça aussi qu’Azarias, un de mes élèves grecophone, m’a suivie dans 4 écoles cette année-là. Il faut avoir sacrément envie d’apprendre le français. Quand on y pense, il n’y bien qu’aux parents étrangers qu’on peut oser proposer une chose aussi ubuesque : que leur enfant fréquente deux écoles en même temps, surtout si finalement la deuxième change plusieurs fois en cours d’année. Les évolutions pensées d’en haut, et il faut le dire, pas préparées, sans prendre en compte les diversités des terrains, ça coince. Logique.

L’itinérance pour tous, c’est un des revers de médaille de l’inscription des élèves allophones dans leur école de secteur - et non plus dans l’école qui disposait d’une CLIN. C’est très bien, vous me direz, on respecte ainsi la règle commune à tous. Sauf qu’en secteur ultra-urbanisé les écoles ne sont pas bien loin les unes des autres, c’est pas la mer à boire. En tout cas c’est une couleuvre quand même moins grosse à avaler que le transit en pédibus. Grâce à notre Inspectrice, l’année suivante ce couac sera révisé. Mais ce que je n’ai pas encore évoqué, c’est que par conséquence, toutes les équipes enseignantes ont dû, d’un coup d’un seul, sans qu’on ne les ait prévenues et sans conseils pédagogiques, intégrer dans leurs classes des élèves ne maîtrisant pas un mot de français. Ce dès le premier jour et pour 2/3 du temps minimum. Les enseignant.e.s de toutes les écoles, non plus seulement celles et ceux de l’école de la CLIN, habitués, avec un.e collègue spécialisé.e à demeure pour les accompagner. Alors là, on a fait face à deux types de réactions bien tranchées : il y avait les écoles où on était accueillies comme des sauveuses, et celles où… comment dire… Je crois que c’est à ce moment-là que l’on s’est sérieusement penchées sur la possibilité d’acquérir à nos frais un bus-école où on aurait pu faire classe à nos élèves dans de bonnes conditions humaines et matérielles. Non, parce que faire cours sur des tables adultes en salle des maitres, collantes de café sucré et de miettes du midi, dans le bruit du photocopieur et au milieu d’aller-retours incessants, ce n’est pas idoine. Parce que la salle du périscolaire où le matériel que tu laisses disparait et où les animateurs entrent en plein milieu de ton cours pour y prendre leur pause, ce n’est pas respectueux. Ni pour la maîtresse, ni pour des élèves qui vivent déjà dans la rue. Parce qu’un placard à balai encombré du matériel de ménage (seul espace encore disponible dans les locaux), ce n’est pas une classe digne d’accueillir des enfants qui viennent parfois de traverser la moitié du globe, dans des conditions que je n’ai pas besoin de détailler. D’où l’idée géniale du camion-école, comme cette association qui en a un pour enseigner sur les camps. Malheureusement, ce n’était pas avec notre budget global annuel de 219 euros chacune pour nos 180 élèves cumulés dans l’année que nous allions pouvoir nous payer un bus. 

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