Bien souvent, le handicap est le test de vérité par excellence, l’indicateur le plus fiable de la réalité profonde des attitudes humaines. La politique de Nicolas Sarkozy, et singulièrement son agitation de ces dernières semaines, n’échappe pas à la règle.
Soudain, tout semble s'emballer. Les promesses et belles paroles fusent. A quelques jours des élections, les discours de Nicolas Sarkozy se montrent plus alléchants que jamais. Alors que les détours sanglants et tragiques de l'actualité lui donnent matière à exhiber ses muscles, le handicap et l'exclusion sociale sont de plus en plus régulièrement cités en complément. En guise de contre-poids au ton trop dur ou trop à droite. Et, naturellement, de râteau électoral ratissant le plus large possible. Une nouvelle stratégie à deux pôles, celui qui brandit la matraque et celui qui capitonne le fauteuil roulant.
Alors, nous apprenons que l'Allocation Adultes Handicapés est revalorisée au 1er avril de quelques sous. A une date au demeurant fort symbolique. Nous entendons également les porte-parole se succéder pour louer l'action en faveur des plus faibles, ou des plus démunis. Revenir sur les sommes dépensées, dont les grands comptables de Bercy ont, comme de coutume, bien plus eu connaissance que les personnes bénéficiaires théoriques. Madame Pécresse, fort discrète ces derniers temps, va nettement plus loin encore : la France serait devenue héraut du modèle scandinave de protection, alors que le Parti Socialiste voudrait suivre le modèle grec. Encore un peu, et Nicolas Sarkozy adhérera au Front de Gauche, dont il apprécie, paraît-il, le leader. Chapeau. Et le bouquet final de la campagne nous réservera encore sans doute d'autres annonces-surprises au cours des journées à venir.
Malheureusement pour Nicolas Sarkozy, les personnes handicapées, quoique habituées de longue date à l'exclusion médiatique, ont un sens des réalités autrement plus développé que celui de ses ministres croyant que le ticket de métro est à quatre euros. Et, contrairement aux anosognosiques apparemment de plus en plus nombreux dans les hautes sphères, se souviennent fort bien de son réel bilan.
Passons sur la réforme de la dépendance, promise pour 2008, 2009, jurée pour 2010 puis 2011 avant d’être reportée aux calendes grecques, et dont nous avons tous hélas compris que pour le présent gouvernement elle n’avait jamais été plus qu’une détestable et en fin de compte vaine tentative de s’approprier des gages d’humanisme à des fins électorales.
N’insistons même plus sur la jadis tant mise en avant politique d’inclusion par l’emploi des personnes handicapées. De fait, elles ont surtout appris à endurer encore plus silencieusement leur chômage et exclusion.
Même pour les initiatives innovantes et la mise en place de solutions contre lesquelles aucun prétexte budgétaire ne saurait être invoqué, N. Sarkozy et son équipe sont restés aux abonnés absents. La journée de la trisomie 21, le 21 mars dernier, a surtout été marquée, dans le domaine francophone, par l’engagement des gouvernements… canadien et belge. Alors même que la politique française menée en la matière depuis des années est, de l’avis général, un désastre humain et un gouffre financier.
Les faits divers tragiques, pourtant d’ordinaire domaine de prédilection de la majorité encore en place, subissent le même sort dès lors qu’ils portent sur le handicap. La personne en fauteuil roulant grièvement blessée le 23 mars dernier par un bus n’aura droit qu’aux éléments de langage convenus de la RATP sur la rareté de l’événement. Rien sur la question, pourtant censée être prioritaire, de l’accessibilité. Circulez, il n’y a rien à voir.
La journée mondiale de l’autisme, qui a eu lieu comme chaque année le 2 avril, s’annonçait elle aussi sous de sombres auspices. De fait, alors que tout internet grouille d’initiatives, que la Poste américaine publie des timbres spéciaux, que les télévisions du monde entier multiplient leurs émissions dédiées et les chefs d'Etat montrent une fois de plus leur engagement, les autorités de notre pays ont été inexistantes. Nous espérions au moins quelques annonces symboliques et précipitées dans la droite ligne du sarkozysme, nous n'avons eu, une fois de plus, autisme grande cause nationale ou pas, qu'un silence médiatique remarquable par son unanimité.
Le meilleur miroir de la nature profonde de l'homme n'est autre que l'être humain, dit un proverbe turc. A cette aune, le quinquennat de Nicolas Sarkozy s'achève sur un bien sombre constat. La stratégie électorale à deux pôles, matraque et fauteuil, dévoile sa véritable nature : bâtons dans les roues et Pôle emploi pour seule destination pour des millions d'entre-nous. Faisons donc en sorte que le râteau à ratisser large de Nicolas Sarkozy trouve pour lui un tout autre usage.