Le 6 mai 2012 fait désormais partie du patrimoine historique du peuple de gauche, de tous les citoyens progressistes. Après le 3 mai 1936 du Front Populaire, le 18 juin 1954 de Pierre Mendès-France et le 10 mai 1981 de François Mitterrand, à nouveau, attendu depuis si longtemps, le printemps vient mettre un terme aux fractures de l’hiver.
Non quelque savant calcul de communicants et de metteurs en scène, mais la chaleur humaine simple, la spontanéité de millions de nos concitoyens ont fait durer la fête jusque tard dans la nuit, dans les foyers, sur les places de Tulle et de Paris. Après la décennie de guerre froide sociale qui, embourbant le pays dans des tranchées invisibles, a atomisé tout notre tissu démocratique, soudain, en quelques heures, comme par enchantement, le temps d’un soir où le rêve était devenu présence, l’hiver politique n’était plus qu’un lointain cauchemar.
Le temps de l’austérité et des souffrances approche, disent les prophètes de malheur. Il est vrai que le legs du quinquennat passé est lourd. Que le lever demandera bien des efforts. Mais le travail commun qui nous attend après la victoire de François Hollande sera avant tout dans la continuité d’une longue et patiente démarche. Celle d’un citoyen quasiment seul, à l’écart des centres de pouvoir et alors dédaigné par leurs détenteurs, mais porté par la foi en l’aptitude de chacun de changer le monde, mû par la conscience de l’impérieuse nécessité de repenser de fond en comble notre modèle de société. Celle d’un citoyen créateur de lien social, abhorrant toutes les exclusions, et qui poursuivit son patient tissage depuis son plus étroit entourage à l’heure de la traversée du désert jusqu’à la marée humaine du soir du 6 mai.
« Aucun enfant de la République ne sera laissé de côté, abandonné, relégué, discriminé », avait résumé, dès les premiers instants, le nouveau président son combat. A nous tous, avec l’approche d’autres échéances électorales, de saisir à notre tour la navette du métier à tisser pour accomplir la grande oeuvre d’art du métissage des talents, des cultures, des handicaps, des espoirs et rêves qui depuis toujours a été notre pays.
Le grand penseur Emerson, qualifié d’inconscient rêveur lorsque, jeune encore, il voulait faire libérer tous les esclaves, disait que les hommes parlent de la victoire comme d’une chance, alors que c’est le travail qui fait la victoire. D’une phrase venue d’un lointain passé où vibre l’éternelle quête de l’humanité, résumant ce qui fut la démarche du citoyen Hollande, il nous montre ainsi notre voie, la voie de la démocratie nouvelle qui prend germe sous nos yeux.