Assurément, ce n’est pas le sujet majeur de l’actualité riche en tragédies de ces derniers jours. C’est donc sommairement, à la marge des journaux, en quelque sorte la place la plus fréquente des personnes handicapées dans la société, qu’on a parlé du nouveau procès d’EasyJet.
Par rapport aux événements autrement plus terrifiants qui secouent notre monde, le fait qu’une passagère en situation de handicap ait été interdite d’accès à bord peut paraître négligeable. Au-delà de l’histoire en question, cela est pourtant révélateur de nombre de ramifications de l’enjeu du handicap dans la société, et des rouages profonds qui la mènent à l’impasse.
Pour EasyJet, il n’y a pas d’autres termes qu’ « impasse » pour décrire sa situation. Depuis des années, les procès s’accumulent. L’entreprise essaie d’esquiver au mieux, engage des bataillons d’avocats, joue des obscurités des textes de loi, compte sur la lassitude des anciens clients, couvre toutes les affaires par son appareil de communication aux ressources fabuleuses. L’impasse tient en ce que cette attitude ne mène qu’à une accumulation de litiges, et en l’aggravation de la situation. Sur le plan purement économique, le calcul vire à la très mauvaise affaire : en frais de justice, d’avocats et d’amendes, EasyJet débourse nettement plus que l’infime dépense, à supposer qu’il y en ait une, de quelques minutes de travail supplémentaires de l’un de ses collaborateurs pour permettre l’accès à bord à un voyageur en situation de handicap. Sur le plan médiatique, nul ne saura calculer l’impact en termes d’image, chacun se sentant plus ou moins handicapé face à d’aussi redoutables machines économiques.
La corrélation entre qualité de service aux personnes handicapées et qualité de service tout court est probablement le point le plus intéressant de l’affaire EasyJet. En effet, tout indique que les atteintes à l’accessibilité aux personnes handicapées sont proportionnelles au non-respect du droit des passagers en général. Le handicap n’est pas le ressort d’une sous-direction sur laquelle on pourrait économiser, mais est le reflet du traitement dévolu à l’ensemble des citoyens.
EasyJet, par ses turpitudes, met avant tout en lumière une universalité du handicap qu’autrement notre société oublierait. Une société qui préfère le blocage à des investissements mineurs. Qui dilapide des sommes conséquentes en frais sociaux induits plutôt que d’engager des investissements modestes en montant, au bénéfice de tous. S’obstine à croire que le handicap est affaire d’une petite minorité que l’on peut aisément réduire au silence dès lors qu’elle s’avère gênante, alors que tant de personnes valides sont affectées par les défaillances des systèmes d’accessibilité aux citoyens handicapés. En somme, paradoxalement, EasyJet nous montre le chemin qui nous reste à parcourir avant d’atteindre de nouveaux horizons d’inclusion universelle.