hamou.bouakkaz

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Billet de blog 26 janvier 2012

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Ces détails censurés de l'histoire présente

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Assurément, dans la tempête interminable que traverse, ou plutôt dans laquelle s'enfonce sans cesse plus avant notre pays, d'autres nouvelles que la publication officielle des « célébrations nationales 2012 » du Ministère de la Culture retiennent l'attention des médias. Un état de fait somme toute fort compréhensible.

Toutefois, l'examen dudit document s'avère riche d'enseignements. Un petit détail en particulier y est d'une profondeur abyssale, pareil à un trou noir, minuscule, invisible, et pourtant happant la matière de toute la galaxie. Le guide des célébrations nationales pour l'année en cours propose pour chaque événement une fiche historique, illustrée, et signée soit d'un éminent spécialiste, soit d'un témoin privilégié. Dans la rubrique « Institutions et vie politique », on trouve une liste des faits ayant marqué notre pays, connus ou oubliés, depuis Jeanne d'Arc jusqu'à l'assassinat de l'évêque Gaudry. La rétrospective mémorielle semble consensuelle et apaisée : n'y va-t-il pas de ce qui est au socle même de notre identité partagée ?

Hélas, comme presque toujours, c'est sur l'un des derniers éléments que tout se grippe. Les deux ultimes célébrations de la liste renvoient toutes les deux aux épisodes fondateurs de la Cinquième République. C'est dire leur importance. Pour l'élection du président au suffrage universel, point de problème. En revanche, pour la fin de la guerre d'Algérie, selon l'expression utilisée, tout le bel édifice se lézarde. Un premier point attire d'emblée l'attention : le texte descriptif est court, très court, probablement l'un des plus courts de tout le recueil, bien plus sommaire que, par exemple, celui sur la bataille de Denain – dont il faut bien reconnaître, sans porter le moins du monde préjudice aux historiens spécialisés, que la place au sein de la mémoire collective française est moins prégnante que celle de la guerre d'Algérie. La description de cette dernière y est par ailleurs hautement schématique, donnant tout au plus les chiffres du référendum et une poignée de dates, aux antipodes d'un aperçu du climat de ces années tel que vécu sur le terrain.

Et surtout, un détail s'avère particulièrement troublant : le texte est non-signé. Il est bien le seul de la rubrique à ne pas porter le cachet de quelque éminente autorité. A en croire certains blogs, l'auteur du texte, dont le nom a été censuré par les instances officielles, aurait vu son texte amputé des quatre cinquièmes de sa longueur. Et de presque toute sa substance, pourtant guère polémique, notamment des éléments fondateurs de la mémoire collective, tant française qu'algérienne. Exploit remarquable, même le nom du général de Gaulle est absent.

Dans le silence, tout est dit. Même aujourd'hui, même en 2012, en ce nouveau siècle si fier de ses avancées technologiques et si meurtri par ses crises, le trou noir mémoriel reste toujours le même. Le point central de notre identité reste toujours le plus méconnu. Celui où les plus généreuses intentions se bloquent. Celui où les méthodes d'un ancien temps, silence imposé, arbitraire du prince, censure de textes et mise à l'écart d'êtres humains, sans justification et sans finalité bien définie, restent seules maîtresses. Ce blocage mémoriel majeur, dont les ramifications, pour ne pas dire métastases, sommeillent dans l'ensemble du corps social de notre pays, exacerbant sans cesse davantage de sourdes tensions, cristallisant et avivant des haines inavouables, ne pourra que s'étendre si l'on enferme dans un coffre le registre de santé, si l'on bâillonne patient et praticien. Notre pays, qui s'est bâti par une si longue histoire, doit à tout prix, pour ne pas se défaire, réussir à faire de 1962 un tremplin d'avenir. Et pour cela réussir à son tour son printemps démocratique de 2012.

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