L'Inde est engagée dans un hyperprogramme nucléaire.
Il s'agit de passer des vingt réacteurs actuels, qui assurent 4% de la production électrique avec 4400 Megawatt, à 63 000 Megawatt d'ici 2032.
En 2050, le nucléaire devrait couvrir un quart des besoins en électricité.
Cela ne va pas sans mal : Francis Sahayam, 42 ans, père de quatre enfants, un habitant du village de Indinthakaraï, proche du chantier de la centrale de Kudankulam (technologie ex-soviétique en application d'un contrat signé en 1988), à la pointe du sous-contient, est mort au cours d'une manifestation antinucléaire.
L'écrivain Arundhati Roy, qui soutient le mouvement, craint le pire, quant aux capacités de l'Etat indien pour assurer une exploitation relativement sûre des centrales : "il n'est déjà pas capable d'évacuer les ordures ménagères, sans parler des eaux usées industrielles ou urbaines!"
L'exploitant national, Nuclear Power Corporation, n'a aucun dispositif de stockage ou de traitement des déchets nucléaires ultimes. Des rapports officiels ont pointé les déficiences de l'autorité de contrôle. Comme le pays n'a pas de ressources en uranium, il projette de s'engager dans la filière du retraitement, des centrales au plutonium, au thorium, des techniques que personne ne maîtrise, ou qui ont été abandonnées ailleurs, pas rentables, trop dangereuses.
L'approvisonnement électrique actuel des 1,2 milliards d'habitants de l'Union indienne et de ses industries est insuffisant et chaotique. Les coupures sont fréquentes jusque dans la capitale, New Delhi. L'électrification n'est pas achevée. La corruption gangrène l'accès à l'électricité.
Cependant, aucune stratégie énergétique différenciée et décentralisée n'est vraiment envisagée.
Le recours au nuclaire est présenté comme une solution miracle. Il est imposé par la violence aux populations locales. L'Etat de droit est suspendu pour ce faire. Les dangers sont niés ou sous-estimés, les expériences étrangères (cuisantes) ne sont pas prises en compte. Le prestige national, quoiqu'il en coûte, a une part non négligeable dans ces choix et dans la violence et l'aveuglement qui les accompagnent. Les énergies renouvelables ne donneraient que l'électricité, le nuclaire donne aussi du pouvoir, et la bombe. L'Inde est une puissance militaire depuis 1974, comme son voisin et ennemi le Pakistan.
Tout cela est considéré avec avidité et sympathie par les sociétés américaines, françaises, russes et même japonaises actives dans le secteur, pour qui l'Inde serait un Eldorado prometteur à l'heure où leurs marchés se restreignent.
Seul ombre au tableau : le Parlement indien, vient de prendre un texte introduisant une responsabilité de dédommagement des victimes à la charge des fournisseurs en cas de catastrophe.