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Billet de blog 29 mai 2024

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Le boycott fait en réalité partie de la solution

En réponse à la tribune d'Astrid Von Busekist, publiée dans Le Monde concernant le boycott des universités israéliennes, je voulais expliquer au professeur Von Busekist pourquoi un boycott fait en réalité partie de la solution. Un boycott n'est pas seulement une punition, c'est aussi une déclaration morale. C'est également un outil efficace et nécessaire contre les pays et en particulier les nations qui ont perdu la raison.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour résumer la tribune d'Astrid von Busekist (Le Monde du 21 mai 2024), il n'y a pas de place pour l'antisionisme dans le monde universitaire ; il n’y a pas de place pour un boycott universitaire ; ce n’est pas légitime ; la demande de boycotter les universités israéliennes et d'enquêter sur leur implication dans les violations des droits de l'homme ne coïncide pas avec ce que « les universités sont censées être ni avec ce à quoi est censée ressembler la liberté académique ».

L’auteure de la tribune appelle également à l'adoption d'une politique de dialogue constructive et pluraliste entre intellectuels et étudiants israéliens et palestiniens, pour créer un dialogue, dans l'espoir de parvenir à un compromis, et peut-être même à une réconciliation.

Émouvant, n'est-ce pas ?

Je suppose que certains intellectuels et étudiants israéliens de moins de 45 ans ne pourront accepter cette invitation, car depuis le 7 octobre, ils sont dans la bande de Gaza en tant que soldats combattants, soutiens du combat, membres du renseignement ou pilotes. Bref, ils mènent un dialogue pluraliste et constructif avec le fusil et le char et créent un forum commun d'échange de tirs et de bombardements sur Gaza.

Je voulais néanmoins expliquer au professeur Von Busekist pourquoi un boycott des universités israéliennes fait en réalité partie de la solution.

À l’université de Tel Aviv, par exemple, où j’ai étudié – censée être l’université la plus libérale et de gauche – le Shin Bet cherche des startups et des entrepreneurs originaux pour ses opérations sécuritaires en collaboration avec l’université.

Le monde académique israélien dans son ensemble joue un rôle important dans l’occupation, dans l’apartheid, et donc aussi dans les massacres qui ont lieu dans la bande de Gaza – notamment grâce à la recherche et au développement d’armes et de technologies militaires ainsi que de technologies de surveillance et de renseignement.

Et ce n’est pas tout : depuis le 7 octobre, les universités israéliennes ont pris soin de suspendre les étudiants et employés palestiniens, soutient les menaces de la part de l’État et d’autres étudiants et autres opérations visant à les réduire au silence, tout en limitant leur liberté d’expression.

La réponse du monde académique israélien à la guerre est pour le moins honteuse : il soutient presque sans réserve toutes les opérations de guerre.

N'est-il pas étrange qu'il n'y ait pas eu une seule manifestation significative d'étudiants israéliens contre la guerre ? C’est avec eux que nous sommes censés dialoguer ?

Astrid von Busekist a probablement eu connaissance de ce qui est arrivé à Nadera Shalhoub-Kevorkian, une professeure comme elle, qui a osé dénoncer Israël, la manière dont elle a été suspendue, interrogée, arrêtée, et dont sa vie lui a été ôtée.

L’université israélienne a perdu ce qui lui restait de sens critique le 7 octobre et salue la guerre brutale dirigée contre la population civile par un gouvernement fasciste-raciste et des ministres fous et assoiffés de sang. Le même gouvernement, auquel s'opposaient avant la guerre de nombreux universitaires, mais maintenant « silence, on tire ».

Un boycott n'est pas seulement une punition, c'est aussi une déclaration morale, qui signifie : « Je ne suis pas disposé à prendre une part directe ou indirecte aux crimes commis par l'objet du boycott ».

Un boycott est une réponse non violente aux crimes violents commis par Israël à Gaza et en Cisjordanie, et que, par leur silence, les Israéliens soutiennent.

Et comme toute autre forme de boycott, un boycott universitaire est également un outil efficace et nécessaire contre les pays et en particulier les nations qui ont perdu la raison. Il est impossible d’avoir un dialogue constructif et pluraliste avec ceux qui se livrent à des massacres aveugles.

Certainement pas en temps réel, alors qu’ils sont en train de se produire.

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