Les Etats-Unis « travailleront » avec les talibans s’ils « tiennent leurs engagements », a déclaré le secrétaire d’Etat Antony Blinken après le départ des derniers soldats américains d’Afghanistan. Cela signifie-t-il une nouvelle politique au service de l'intérêt de la grande nation... le tout sur fond de défiance réciproque ? En quelque sorte une paix armée destinée à conjurer le pire qu'est Daech, une organisation terroriste susceptible de retrouver une base arrière à sa politique d'attentats ?
Difficile d'en savoir plus pour le moment. Le département d'État et surtout l'opinion publique américaine sauront ils se contenter des promesses talibanes moyennant le maintien de l'aide économique internationale ? « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis » : cet adage bien connu ne fonctionne pas en Afghanistan. Ouvrir un dialogue avec les talibans a propos de Daech revient à mettre sa tête sur le billot. Stratégiquement, les fondamentalistes afghans ont tout intérêt à faire traîner les discussions sur le sujet, à la fois pour tempérer les ambitions de Daech en Afghanistan et pour s'assurer un temps de négociations suffisamment long, pour que dans cette intervalle, les politiques occidentales se sentent obligées de fermer les yeux sur la constitution d'un état islamique rétrograde.
Entre 2002 et 2021 les Etats-Unis ont dépensé plus de 10 milliards de dollars pour freiner le trafic de drogue en Afghanistan.
Ce bilan peu flatteur est à mettre en parallèle avec les ravages de la drogue sur la jeunesse américaine. De quoi accentuer les oeillères de la politique du donnant donnant : l'éradication de la culture du pavot contre le maintien de l'aide internationale.
Si en juillet 2000 les talibans avaient interdit sa culture, aujourd'hui revenus au pouvoir, mettront-ils un terme à cette production florissante ? une culture, qui rappelons le, avait représenté en 2017 près d'un tiers du PIB afghan.
Instruits de ce précédent vont-ils renouveler cette interdiction ? Rien n'est moins sûr, dans la mesure où l'Afghanistan produisant 80% de l'opium mondial, les talibans tiennent avec ce biais un moyen efficace de tempérer sinon d'annihiler, les politiques d'endiguement des pays occidentaux... tout en s'assurant des revenus confortables, estimés en milliards de dollars.
En 2021 la Chine demeure le défi central de la politique étrangère américaine.
Ce que le Secrétaire d'Etat, Antony Blinken résume en ses termes « Il s'agit du seul concurrent potentiellement capable de combiner pouvoirs économique, diplomatique, militaire et technologique pour constituer un défi prolongé à l'égard d'un système international stable et ouvert »
Avec l'exploitation quasi certaine par la Chine des minerais stratégiques du sous sol afghan (lithium, terres rares), les Etats-Unis se retrouveront bientôt avec un terrain de confrontation, d'autant plus dangereux qu'il ajoutera à l'instabilité politique et à la guerre économique dans ce pays, les dangers que constitue la proximité de l'Iran des mollahs avec ses ambitions nucléaires. Un terrain de confrontation risquée, non seulement pour l'Europe et les Etats Unis, mais également pour la Chine qui avec sa tentative de bons offices devra pouvoir faire accepter par le pouvoir taliban. sa politique répressive vis à vis des Ouïghours.
Reste la Russie de Poutine qui en maintenant son ambassade à Kaboul, espère contenir l'agitation islamique sur les anciennes terres de l'Union soviétique que sont l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Des pays lorgnées par la Turquie qui s'impose de plus en plus comme un sérieux rival de la Russie en Asie centrale.
Dans ce jeu trouble des intérêts contradictoires, l'Union européenne peine à se faire entendre.
Militairement, elle n'existe pas. Politiquement, elle reste divisée sur les mesures à prendre. Economiquement, elle demeure hors jeu d'un terrain désormais courtisée tant par la Chine que la Russie ou la Turquie.