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Quelle est la mystérieuse signification de la lettre Z, la fameuse « zwastika » de « l'opération spéciale » russe ? Cette question, qui a fait beaucoup jaser, pourrait être plus conséquente que certains ne le pensent.
Les analystes écrivent partout qu'il s'agit d'une lettre « latine », qui n'existe pas dans l'alphabet russe. Grave erreur. Z est d’abord une lettre grecque, et elle existe dans l'ancienne écriture russe. Il est assez déconcertant que ce fait n'ait pas été repéré. -Et voici en quoi c'est important.
Lorsque les moines russes ont importé la lettre grecque Z pour constituer l'alphabet cyrillique (russe), cette lettre s'appelait Zemlia (Земля́). Zemlia, en russe, signifie terre, territoire.
Je pense qu'il est désormais clair que cette "opération spéciale" est en fait une campagne de conquête territoriale - probablement la plus importante lancée depuis la seconde guerre mondiale - du moins en Europe. Il s'agit entre autres d'obtenir le contrôle total de la mer d'Azov et un accès incontesté aux mers chaudes (et plus si possible bien sûr). J'illustrerai les arguments de cela dans un article ultérieur (suivez mes prochains articles;) - et pourquoi la Chine y a des intérêts.
A noter qu’on aperçoit essentiellement l’insigne Z dans les zones que la Russie peut considérer comme « terre russe », ce que les Russes appellent « Novaya Rossiya » (Nouvelle Russie) et le territoire de Kharkiv où les russophones sont nombreux. Une hypothèse plausible est que les autres marquages O et V signalent principalement des bataillons de diversion - surtout utilisés pour fixer les forces ukrainiennes dans le nord et autour de Kiev, et les empêcher de voler au secours du Sud du pays où la plupart des forces russes font des avancées réelles (avec le soutien de la flotte de la mer Noire). [NB : ce billet a été écrit mi-Mars, avant le remaniement des forces russes - la suite des événements semble lui donner raison du moins sur l'hypothèse de la diversion.]
Concentrons-nous donc sur ce que cette lettre mystérieuse pourrait nous apprendre - omniprésente aujourd'hui sur le matériel russe, sur les murs des villes russes, sur la poitrine des athlètes russes, les chaînes de télévision et même dans les écoles et les hôpitaux pour enfants malades russes.
Les porte-parole officiels du Kremlin, pressés de commenter, prétendent que cela signifie « pour la victoire », pour la paix », etc… : Sans surprise, ces explications ne convainquent pas entièrement. Soit dit en passant, une interprétation qui n'est étonnamment pas donnée en Occident, bien qu'elle soit présente partout en Russie, est Zashita (защита) : protection. Pour la consommation intérieure, cette guerre de grande ampleur - engageant 70 % de toutes les forces russes en territoire étranger - est une « opération spéciale » conçue en effet pour protéger les Russes de souche dans le Donbass ukrainien. D'accord. Mais même si l’on croit aux histoires de licornes, ce n'est pas entièrement satisfaisant.
Bien sûr, le signe ressemble à un éclair - auquel Poutine a pu croire que l'opération ressemblerait. Mais alors, pourquoi Z et pas la lettre russe habituelle З? De la même manière que la croix gammée indienne était chargée de symbolique pour les nazis, en lien avec la théorie de la race aryenne et toute la mythologie associée, on est en droit d’attendre un récit caché, bien plus puissant derrière ce choix du Z. Les gens au pouvoir sont cultivés, et si nous pensons qu'ils utilisent un symbole d'apparence occidentale juste par hasard ou par maladresse… - eh bien, je pense que nous sommes en proie à une importante délusion, et surtout manquons le fond et le pointu de l’affaire.
En fin de compte, tous les conflits, le sang, la souffrance que nous voyons aujourd'hui dépendent des histoires dans la tête des gens. Ils découlent d'idées, d'imaginations humaines concernant l'Histoire, les Nations et les droits de propriété fantaisistes sur la terre… Nous devons donc comprendre clairement ce qui se passe là-haut, pour saisir l’ici-bas.
De tout évidence, les gens du Kremlin ne voient pas Z comme une lettre latine - et encore moins comme la dernière lettre du livre d'histoire!!.. Premièrement, comme nous l'avons dit, l'alphabet cyrillique (russe) vient du grec, où Z est une des premières lettres. Il y a un lien symbolique et émotionnel élevé dans cet héritage - avec des résonances géopolitiques de grande envergure. Notez que les territoires en litige aujourd'hui dans le Sud de l’Ukraine étaient tous des cités maritimes grecques. Les politiciens le savent. Pour les Russes comme pour les Européens, la Grèce antique a été considérée comme le phare civilisationnel, et un modèle pendant des siècles.
Des noms comme Sébastopol (la ville du respect), Simferopol (la ville des intérêts), Marioupol (la ville de l'impératrice russe Maria Feodorovna) etc... sont tous des noms grecs - mais ils ont été forgés par les Russes (comme par exemple, les Américains ont construit le nom "Philadelphia"). Pourquoi? Ce n’est pas anodin. Cela veut marquer un lignage historique et culturel (réel ou fantasmé). Les cités changent de nom en fonction des récits qu’on veut leur faire porter, notamment en Russie.
Les Ukrainiens et les Occidentaux peuvent d'ailleurs contester l’étymologie de certains de ces toponymes, et dire que le nom de Marioupol vient en fait de la Vierge Marie (dont le cœur doit effectivement saigner...) - On voit donc que les noms, les étymologies et les symboles comptent, car ils sont entrelacés avec l'Histoire - passée et future. Et ses droits de propriétés putatifs associés. Notez qu'aucune des parties en conflit n'a d'ailleurs choisi de laisser par exemple à Simferopol son nom tatar (turc): Aqmescit - la mosquée occidentale… (Mais si la Turquie s'en mêle, ce vocable pourrait également être relancé..).
Pour en revenir à la lettre Z : non, elle n’est pas absente de l’histoire russe, bien au contraire : elle apparaît bien dans ses anciennes écritures, en particulier dans les livres d'église en vieux slavon (souvent avec une petite coda stylisée). On sait combien les aspects religieux pèsent dans cette guerre (si ce n'est pas le cas, lisez cet article très utile), guerre qui est aussi un conflit dans le monde chrétien orthodoxe : le Patriarcat de Moscou niant la possibilité à l'Église autonome d'Ukraine d'exister.
Attendez-vous à ce que les patriarches russes, lorsqu'ils rencontrent l'ancienne lettre Z dans leurs vieux codex sacrés, ressentent un éclair d’intuition, y voient un signe propice, une promesse divine pour la Sainte Russie….
Numériquement, on attribue au Z le chiffre 7, qui est considéré comme une porte divine entre les mondes matériel (4) et divin (3). (Dans les temps anciens, les gens écrivaient parfois les nombres sous forme de lettres, où Z représentait le sept).
Et nous y voilà : une reconquista sacrée pour la Sainte Russie, de son territoire originel. Saint George à ses cotés (dont le symbole apparaît sous forme de rubans jaunes et noirs), avec le soutien des archanges et la bénédiction des popes.
Appendix.
Pour creuser plus loin… En fait, Z est une lettre grecque dérivée d'un alphabet encore plus ancien, sous la forme d'un graphème sémitique appelé zayin. Zayin signifie… une arme, et la forme de cette lettre évoque une épée ou un poignard. En argot proche-oriental, le mot zayin est un mot grossier pour désigner l’attribut mâle dans sa toute-puissance.
Et voilà un beau symbole, diront certains, du machisme mégalomaniaque en pleine action - doté des pouvoirs nucléaires.