Depuis l’impeachment de l’ex-présidente Dilma Rousseff en 2016, la crise sociale et politique au Brésil ne cesse de s’intensifier. Actuellement seulement 4% de brésiliens approuvent la gestion de son successeur Michel Temer, membre du parti de centre-droite, le Parti du Mouvement Démocratique Brésilien (PMDB).
N’étant pas élu démocratiquement, le gouvernement du président Temer a présenté auprès du Parlement un amendement de loi fixant un seuil de dépenses et d’investissement pour les politiques sociales pour une période de 20 ans (1). La validation de cet amendement en 2016 participe sans doute à la réduction de 83% du budget destiné aux politiques sociales des trois dernières années (2)
À ceci s’ajoute la crise financière de l’État de Rio, qui s’est manifestée de la manière la plus flagrante avec l’incendie et la destruction du Musée National du 2 septembre dernier. Dépendant financièrement de l’Université Fédérale de Rio (UFRJ), celui-ci avait reçu à la date seulement 54 milles des 520 milles réaux nécessaires à son maintien. Cette situation contraste avec les discrètes campagnes de récollection d’aliments pour les fonctionnaires de la même université à cause des constants retards de paiements de leurs salaires.
Élections sous influence du pouvoir judiciaire
Le procès, jugement et emprisonnement de l’ex-président Lula est sans doute l’un des plus contestés et controversés au niveau international, non seulement par l’inconsistance des preuves présentées contre l’ex-président, mais aussi par l’évident traitement différencié de son cas au sein des instances judiciaires.

L’intervention du Suprême Tribunal Federal (STF) est sans doute la plus inquiétante, d’abord car ce tribunal concentre les compétences de la Cour d’appel de dernière instance, tout comme celles du Conseil Constitutionnel. Ensuite, car la décision de justice matérialisant l’emprisonnement de Lula s’est faite avant l’épuisement des recours judiciaires possibles auxquels il avait droit, en violant ainsi le principe de présomption d’innocence.
La candidature de Lula aux présidentielles étant presque annulée, il ne restait que les recours auprès du Tribunal Supérieur Electoral (TSE) pour que celle-ci soit définitivement interdite ce 1er septembre. Or, il est important de souligner que lors du procès Lula continuait en tête des sondages malgré le fait d’être encore en prison. D’après les données du groupe Datafolha du 22 aout dernier, celui-ci comptabilisait 39% d’intention de vote, dépassant de 20 points le candidat d’extrême-droite Jair Bolsonaro.
Le 27 septembre dernier, le TSE rendit officielle sa décision d’interdire plus de 3,3 millions de brésiliens à participer aux élections de dimanche prochain à cause du manque d’authentification biométrique de leurs identités dans le système électoral. Cette décision est plus que polémique d’un côté car plus de la moitié des brésiliens ne sont pas obligés de voter par biométrie, d’un autre car la majorité des titres annulés appartiennent à la région du Nord-est Brésilien, bastion électoral du PT et de l’ex-président Lula.

Le 3 octobre dernier, répondant à une demande du journal « Folha », le juge du STF Ricardo Lewandowski autorisait une demande d’entretien à l’ex-président Lula. Quelques heures plus tard, le vice-président du STF revenait sur sa décision pour annuler la menée de l’entretien. Cette décision a été fortement critiquée par les organes de presse comme une mesure de censure, qui laisse présumer de sa charge résolument politique.
Polarisation et menace de coup d’État
L’intervention du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro (PSL- Parti Social Libéral) jeudi dernier lors du débat présidentiel a cristallisé une tension sociale latente dans le pays. Lors de sa prise de parole, soutiens et opposants du candidat ont rendu visible leur opposition dans différents quartiers de la ville. D’un côté, les opposants du candidat criaient depuis leurs fenêtres le slogan «ele não» (pas lui), largement diffusé lors de la manifestation du 29 septembre dernier, dénonçant le caractère misogyne et machiste des propos soutenus par le candidat. D’un autre, les soutiens du candidat criaient « Bolsomito », faisant référence au caractère mythique du candidat.

Il est également important de souligner que la participation de Bolsonaro dans le débat a eu lieu par vidéoconférence, son déplacement dans les installations à la chaine Globo rendu impossible par son état de santé, le candidat se rétablissant encore d’un coup de couteau reçu lors d’un déplacement de campagne dans la ville de Juiz de Fora le 6 septembre dernier.
L’appel au régime militaire, la proposition de libéralisation d’armes, ainsi que l’appel à la haine contre les homosexuels fait par le candidat Bolsonaro s’est manifesté de manière tangible. Une photo publiée dans les réseaux sociaux dévoile des militants du PSL détruisant la plaque commémorative de l’élue municipale Marielle Franco assassinée le 14 mars dernier. Marielle était un symbole contre la discrimination raciale tout en représentant la lutte pour les droits LGTBI.

Cet évènement fait écho aux manifestations qui ont eu lieu dans le métro de Sao Paulo, où un groupe d’électeurs de Bolsonaro criait “ô bicharada toma cuidado, o Bolsonaro vai matar viado”. “Homosexuels faites attention, Bolsonaro va tuer les pédés”. Ainsi qu'à a la vaste présence de fake news diffusées dans les réseaux sociaux en faveur du candidat.
Actuellement, l’ex-militaire Bolsonaro est en tête de sondages avec 27% des intentions de vote, suivi par l’ancien maire de Sao Paulo et candidat du PT (Parti de Travailleurs) Fernando Haddad qui en compte 21 (3). Tout paraît indiquer que le deuxième tour va se jouer entre deux candidats avec des programmes politiques diamétralement opposés.

L’issue du deuxième tour entre un PT décrédibilisé par les affaires de corruption et un candidat d’extrême droite ouvertement en faveur de la dictature prend d’autant plus d’ampleur à la vue de l’affirmation du général de l’armée Eduardo Dias da Costa Villas Bôas. Lors d’une interview télévisée, où il mentionne la possibilité pour l’armée de s’emparer de l’article 142 de la constitution afin d’agir en défense des institutions, faisant de manière subtile référence au coup d’État militaire de 1964.
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1- http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/constituicao/emendas/emc/emc95.htm
2- https://www.oxfam.org.br/sites/default/files/arquivos/Fact_Sheet_2_Portugues_V_digital_2.pdf
3- https://bucket-gw-cni-static-cms-si.s3.amazonaws.com/media/filer_public/67/f3/67f3b362-e458-4b60-8053-77f40eae264f/pesquisa_cni-ibope_set2018_-_intencao_de_voto_v1.pdf