L’ETAT COMPTE LES SOUS ON VA COMPTER LES MORTS
Avant cette pandémie du Covid 19, les citoyens des pays développés étaient convaincus de l’existence d’un système de santé que leur gouvernement garantissait et qui les protégeait et leur permettait de faire face à toute urgence. Ils avaient foi en leur supériorité économique, scientifique et sociale. Ils se pensaient à l’abri contrairement aux citoyens des pays pauvres ou dits en voie de développement. Ce virus a montré qu’il n’en est rien. Les certitudes se sont évanouies.
Des États capables de fabriquer des armes des plus sophistiquées, des avions dernier cri avec des technologies des plus avancées se sont révélés dans l’incapacité de fournir des simples respirateurs mécaniques à leurs hôpitaux. Un pays comme la France, sixième puissance mondiale, ne pouvait pas garantir l’accès à des masques à sa population, que dis-je à son personnel soignant en première ligne. Nous avons vu des infirmiers et des infirmières se confectionner des blouses de protection avec des sacs-poubelle !
D’autres pays européens en plus de la France ont frôlé la pénurie des actives et excipients qui entrent dans la composition des médicaments. Ces produits sont habituellement importés d’Asie ou ils sont fabriqués pour des raisons de coût. Des hôpitaux ont ainsi vécu dans la hantise de se retrouver en rupture de stock de composants comme le curare par exemple, ou d’autres anesthésiants. Comme si nous étions dans un pays pauvre au fin fond de l’Afrique ou d’Asie du Sud-est. La santé est devenue une marchandise régie par la sacro-sainte règle de la rentabilité. Et la mondialisation est l’outil qui permet d’augmenter les marges des actionnaires. La santé n’est plus un droit,
Ce virus a révélé qu’un pays comme les États-Unis était un colosse aux pieds d’argile face à cette crise. En quelques jours, des milliers et des milliers de citoyens se sont retrouvés à la rue sans ressources, sans rien pour se nourrir et nourrir leurs familles. On se croirait dans un pays ravagé par une guerre civile. Des files d’attente s’allongeaient devant des associations caritatives.
Une nation qui concentre les plus grosses fortunes du monde, qui brasse des capitaux colossaux était incapable d’assurer le minimum vital à ses citoyens. Ce pays libre démocratique et respectueux des droits de l’Homme (sic) n’a pas pu protéger sa population d’un virus !
Cette pandémie a révélé que les richesses étaient injustement réparties. Il met aussi en évidence les travers d’un système libéral ou le capital prime sur l’humain. Elle souligne l’antagonisme flagrant qu’il peut y avoir entre les intérêts économiques, financiers et politiques d’une part et le droit à la santé des citoyens, leur sécurité sanitaire et les considérations sociales et humanitaires d’autre part.
Avec plus de 80 000 morts, l’Amérique paye ainsi le prix fort de la politique de ses dirigeants qu’elle a elle-même élus. Trump et son administration ont pendant des semaines, nié le danger qui menaçait leur pays pour protéger des intérêts économiques et politiques. Très tôt, la CIA avait fourni au président américain un rapport détaillé sur les risques d’une pandémie aux É.-U., mais celui-ci l’a ignoré et
s’est évertué à minimiser ces risques.
 En France, le gouvernement de Monsieur Macron a géré la crise d’une façon 
lamentable, allant jusqu’à mentir sur l’utilité des masques par exemple. Ce virus a révélé que le démantèlement du système de santé qui faisait la fierté de la France était une aberration. Et sans l’abnégation et le déplacement de soi, de certaines femmes et certains hommes, le nombre de morts aurait été dix ou cent fois plus grand.
Cette épidémie nous a aussi permis de prendre conscience jusqu’à quel point notre vie et notre organisation sociale reposaient sur l’addition de tâches qui paraissaient aux yeux du pouvoir libéral et du capital comme secondaires ou mineurs. Sans le personnel médical, sans les travailleurs des supermarchés, sans les routiers, sans le livreur, sans ceux qui ramassent nos poubelles et d’autres « petites mains » qui se sont révélées grandes, sans cela, la pandémie serait plus grave, plus catastrophique, plus meurtrière. Il nous a fallu une crise sanitaire pour réaliser que ceux qui font tourner un pays au quotidien sont ceux qu’on regarde si peu. Le pays a continué à fonctionner sans une partie des « Cols blancs » qui sont partis se mettre au frais dans leur résidence secondaire en Bretagne, à Biarritz, en Normandie, ou sur la Côte d’Opale, ou dans des appartements spacieux dans les centres-ville. Ceci dès l’annonce du confinement. Courage, fuyons.
C’est parmi ceux-là qu’on trouve ceux qui critiquent ces «sauvages» des banlieues et leur reprochent leur incivilité, leur incapacité de respecter les consignes sanitaires mettant ainsi en danger les autres citoyens. Salauds de pauvres, disait Déproge.
Il est intéressant de signaler qu’une grande majorité de ceux qui ont permis à notre pays de continuer à tourner portait un gilet jaune et manifestait sur les ronds- points en 2019 pour réclamer une vie digne.
Depuis le 11 mai, on applaudit plus à vingt heures ! L’heure de gloire de cette classe laborieuse serait-elle passée ? Doivent-ils retourner dans l’anonymat, dans l’ignorance vers laquelle les renvoie notre organisation sociale, notre politique ?
Ce virus a servi de révélateur des inégalités (économiques, culturelles et sociales) dans nos sociétés dites développées. Elles sont généralement invisibles en temps normal, parce que reléguées dans des espaces abandonnés par les États, par la République dans le cas de la France, selon le principe de : « Cachez cette misère que je ne saurai voir ». Il a permis de se rendre compte que c’est bien le travail concret, souvent manuel de ceux et celles qui sont en bas de l’échelle qui fait qu’une nation tient debout. Ce sont ceux-là qui créent les vraies richesses qui empêchent un pays de mourir de faim ou de crouler sous les déchets. Le mot d’ordre « Restez chez vous » n’aurait pu être respecté sans ces « cols bleus » qui eux ne pouvaient pas se payer le luxe de rester chez eu. Le devoir de travailler les animait. Leur place était sur le front, la nation avait besoin d’eux, le président Macron ne disait-il pas que nous étions en guerre ? Et comme dans toutes les guerres, ce sont toujours les mêmes qui montent en première ligne, pendant que les autres s’exilent (un exile d’oré) sous des cieux plus cléments, ou collaborent avec l’ennemi.
Depuis le début du dèconfinement, on applaudit plus à vingt heures. L’oubli rampant se réinstalle. Les magasins rouvrent et les messages incitants à la consommation reviennent au galop. Consommer devient synonyme de civisme de la même manière que l’était l’injonction de rester chez soi. Les médias sont moins alarmants sur les dangers du virus comme si par miracle le 11 mai à minuit le Covid 19 a cessé d’exister. Il était là, il n’est plus là. Réveillez-vous, bonnes gens, allez consommer, remplissez les centres commerciaux, les magasins de vêtements, de maquillages, d’électroménagers et autres futilités caractéristiques d’une société de consommation, ils vous attendent.
Mais c’est pour soutenir l’économie en ces temps de crise, m’objectera-t-on. De quelle économie s’agit-il ? Celle qui nous a menés à cette crise ? Celle qui permet la concentration de 50 % des richesses entre les mains de 1 % de la population ? Celle qui détruit la nature et ses ressources ?
En quoi retourner dans des enseignes de prêt-à-porter qui vendent des vêtements fabriqués dans des pays pauvres par une main-d’œuvre mal payée, qui travaille dans des conditions déplorables pour la santé et pour l’environnement est-il un acte de civisme ?
Ceci est plus une incitation à la consommation qui raisonne comme une incitation au crime, pour protéger la production et le capital au détriment de la préservation de la vie humaine et de la planète.
Pendant les mouvements sociaux du personnel hospitalier en décembre 2019, une banderole portait la phrase suivante : « l’État compte les sous, on va compter les morts ». Le gouvernement avait fait la sourde oreille à ce moment-là et avait continué à démonter les services de santé au nom de la sacro-sainte réduction des dépenses publiques. Quelques mois plus tard, nous voilà en train de compter les morts (presque 30 000 victimes du virus en quelques semaines).
Ce même gouvernement, par le biais de ses communicants et ses porte-voix, nous demande d’applaudir ce même personnel de santé qu’il a méprisé auparavant. Une façon de nous impliquer émotionnellement. L’empathie collective anesthésie la réflexion et évite de prendre le recule nécessaire à la critique, c’est bien connu. Et nous, comme des moutons nous nous sommes mis à nos fenêtres et à nos balcons pour faire ce qu’on nous demande. Et comble du comble, notre président propose de donner une médaille à ces personnes qui étaient en première ligne !! Il ne leur manquait que ça, une médaille !! Je ne peux m’empêcher de penser à Marie Antoinette en 1789, face à la foule mécontente est affamé qui a marché sur Versailles, la souveraine de France avait eu cette réflexion : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. » Nous savons tous comment Marie-Antoinette avait terminé sa carrière de reine.
Nous ne nous contentons pas d’applaudir ces invisibles qui sauvent des vies, puis retourner dans les magasins des grandes enseignes pour calmer notre frénésie de consommateurs en manque. Sevrés pendant huit semaines, nous répondons ainsi à l’injonction que nous lance le capitalisme sauvage à soutenir l’économie.
Voici la définition que donne le portail de l’économie, des finances de l’action et des comptes publics de la consommation :
«La consommation est le fait de consommer des biens et des services, généralement dans le but de satisfaire des besoins ou des désirs ».
Il n’y aurait rien à redire de cette définition (quoique), si le citoyen/consommateur était maître de ses besoins et ses désirs. L’est-il vraiment ? J’en doute.
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