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Billet de blog 13 juin 2013

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La jeunesse kurde à Gezi Park: Un responsable jeune du BDP répond à nos questions

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Le mouvement kurde est parti prenante de la révolte de Gezi Park. Nous sommes allés à la rencontre de la jeunesse du BDP, le principal parti pro kurde de Turquie. Ridvan, 22 ans étudiant en informatique à accepté de répondre à nos questions. 

Comment en es tu arrivé à d’adhérer au BDP ?

L’adhésion au BDP m’a été naturelle. En effet, dans ma région natale (le Kurdistan au Sud Ouest de la Turquie), le BDP est la principale force politique active. J’y ai adhéré tôt, dès mes 17ans.

Comment expliques-tu le mouvement de contestation qui s’est développé à partir de Gezi Park ?

La défense du parc Gezy n’est pas la raison principale du mouvement initié dans ce même parc.

En réalité, cela faisait un certain temps  que les ordres donné par l’AKP (parti du premier ministre, Tayyip Erdogan) mettaient sous pression les Kurdes et les Turcs.

On pourrait dire que le seuil de tolérance de la population a éclaté et qu’il s’agit d’un mouvement résultant d’un long processus politique ayant semé la colère. Il s’agissait de pouvoir exprimer notre mécontentement vis-à-vis de la politique menée par l’AKP.

Que reproche t on exactement à l’AKP ?

Le gouvernement restreint les libertés individuelles (lois restreignant la consommation d’alcool, les démonstrations d’affections publics pour les couples) ou politiques (quasi criminalisation de la politique au sein de l’université).Boire de l’alcool, militer dans un parti politique ou un syndicat, parler une autre langue que le turc dans la rue, est passible de sanction. Fait grave, on compte à travers le pays environ 10.000 prisonniers politiques. Pour vous donner un ordre d’idée de l’atmosphère du pays, rendez vous compte qu’il a fallu attendre plusieurs après le début des évènements du Parc Gezy pour que les télévisions publiques en parlent.

Il faut également rappeler que les inégalités économiques s’accroissent, que les riches profitent énormément de la croissance économique alors que les personnes les plus modestes s’appauvrissent davantage.

Quelle est l’atmosphère au Parc Gézy ?

L’atmosphère est aujourd’hui encore extraordinaire.

De nombreux stands ont été installés où de la nourriture est distribué gratuitement.

La force du mouvement est justement d’avoir su s’élargir pour devenir plus festif et s’ouvrir à des personnes moins politisés qui se politisent petit à petit en venant au parc mais qui viennent initialement pour l’atmosphère festive. De plus en plus de monde, qui n’hésitera pas, le cas échéant à se dresser face à la force répressive envoyée par le gouvernement.

Quelles sont les revendications immédiates du BDP ?

En premier lieu, nous exigeons l’abandon du projet de destruction du Parc.

Ensuite, nous demandons la libération des trop nombreux camarades placés en garde à vue, parfois même mis en examens seulement pour avoir participé au mouvement.

Nous portons également la revendication d’une garantie légale de limitation de l’usage de gaz lacrymogène par la police

Enfin, des excuses publiques d’Erdogan pour les violences commises à notre égard et ses insultes (ndlr : le premier ministre Erdogan a notamment traité les manifestants de « vagabonds », de « casseurs ») sont attendues.

Et quelles  seraient vos revendications à plus long terme pour la Turquie?

Sur le plan économique, nous constatons que la croissance importante qu’a connue la Turquie n’a profité qu’à une poignée de privilégiée et que les inégalités se sont creusées. Nous souhaitons donc un grand changement de la politique économique menée, avec une augmentation des impôts et des salaires et la réalisation d’une politique du type de celle menée par le Vénézuela ou la Bolivie.

Nous mettons également en avant la question de la place des femmes dans la société. Elles ont en effet du mal à se réaliser le travail, bien que cela soit un peu moins difficile dans certaines régions du pays, comme au Kurdistan.

La société entière est en effet encore fondée sur le modèle patriarcal : de nombreux maris dissuadent ou tentent de dissuader leurs épouses de s’investir en politique.

C’est pourquoi nous estimons que la mise en place de quota hommes/femmes (en tant que mesure provisoire) pour les élections politiques peut être une bonne idée pour faire évoluer les pratiques de la société.

Enfin nous voulons une égalité de traitement entre les musulmans, les alévis, les chrétiens, les athées. Même si le pays est majoritairement musulman chacun doit être traité de la même manière. L’état doit prendre en charge les lieux de culte de chacun et cesser de mépriser les minorités

Quelles serait votre position vis-à-vis régions kurdes ?

Le droit de parler et de recevoir une éducation dans notre langue. 20 millions de turcs sont kurdophones, ce sont actuellement des citoyens de secondes zone.  Cela doit s’appliquer aussi pour les arméniens et les arabes de Turquie.

Les kurdes ont fait un pas dans le sens d’un accord en retirant  le PKK du pays. C’est accord ne doit pas être unilatéral. Nous demandons la libération d’Abdullah Ocalan ainsi que le remboursement des 2.000.000 de maisons kurdes brulés par l’armée dans cette guerre.

Nous souhaitons que les 21 régions de Turquie disposent d’une grande autonomie, du fait de leurs spécificités. Nous voulons, dans le cadre d’une Turquie fédérale, avoir nos propres lois, notre propre gouvernement et la possibilité de gérer nous même nos ressources.

Cependant nous ne réclamons un  nouveau pays car l’indépendance n’est pas la solution à l’exploitation capitaliste. L’échelon fédéral est le plus approprié pour gouverner démocratiquement dans le sens des aspirations du peuple.

Par ailleurs les turcs sont nos frères et les conflits n’existent qu’à cause de la politique fasciste d’un état qui cherche à nous diviser. Nous ne sommes pas des nationalistes. Je ne suis le pas le patriote d’un pays mais d’une idéologie.
Propos recueilli par Tristan Sadeghi, René Arrighi
Traduction: Ibrahim Savas Mumyakmaz 

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