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Billet de blog 7 juin 2019

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Le racisme structurel des "Blancos"

« On n’est pas couché » : la machine à inoculer le racisme

Haytam Andaloussy

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’ex-premier ministre, Manuel Valls, avait affirmé un jour, sur France 2, qu’il assumait ses propos tenus la veille, demandant que l’on rajoute « quelques blancs, quelques white, quelques blancos » dans une brocante de sa ville.

Assumer son miroir, c’est admettre consciemment un état psychique. En l’occurrence, ce racisme banal qui anime un homme politique.

Le fait de s’accepter comme tel, c’est adhérer à des préjugés plus ou moins refoulés, puis ratifier une situation dans laquelle la personne concernée recherchera une légitimation pour s’attaquer, en acte ou en parole, à autrui.

Banaliser le racisme c’est libérer les discours correspondants, c’est-à-dire adopter une ligne éditorialiste, où l’opinion préconçue n’apparaît plus en filigrane mais dans la grossière clarté d’un grand nombre de chroniqueurs qui, comme Zemmour, se croient libérés des tabous de l’agression verbale.

En 2019, les propos de Christine Angot, sur la traite des Noirs, ont beau être hyper-choquants, ils n’ont suscité aucune levée de boucliers, ni dans les médias, encore moins parmi les élites politiques, qu’elles soient de droite ou de gauche.

Heureusement qu’il reste les réseaux sociaux, dont Macron souhaite limiter leurs expressions sous prétexte de lutter contre les fake news.

Depuis des décennies, les grandes chaînes d’information banalisent le racisme. Cantonné jusqu’aux années 70 dans le discours de l’extrême droite, il est désormais présent dans celui de ces intellectuels, appelés faussaires ou nouveaux réactionnaires (au choix), à qui l’on déroule le tapis rouge.  

« On n’est pas couché » : la machine à inoculer le racisme

Grâce à Laurent Ruquier, pendant plusieurs saisons, nous avons eu droit à Zemmour et Nauleau, ces soi-disant débatteurs dont la bonhomie de l’un servait de pendant justificatif au racisme de l’autre.

Tout le monde connait la suite.

Zemmour a sorti son « livre » Le Suicide français, à l’occasion duquel, celui qui se présente comme le proscrit des médias fut reçu comme un lauréat sur la plupart des plateaux de télévision.

Devant les micros qu’on lui tendait, il dévoila avec une conviction hargneuse – et à visage découvert – son négationnisme de la Shoah en terre de France.

« Il [Pétain] a sauvé des Juifs français » affirme-t-il dans l’émission On n’est pas couché de France 2.

« Les Juifs français ont été sauvés à près de 100 % – à 95 % » précise-t-il avec l’indécence et l’arrogance agressive digne des lieutenants de Marine Le Pen.

En toute impunité, Zemmour récidive sur une autre chaîne :

« Cette situation, éructe-t-il dans un concentré de fiel, provient des années 30 où la France fut le pays qui a accueilli le plus d’étrangers et le plus d’étrangers juifs » (Ça se dispute, i-télé).

« Plus que les États-Unis » assène-t-il en fin de phrase, insinuant ostensiblement que les victimes juives de la rafle du Vel’ d’Hiv étaient un poids économique pour la France.

Par ailleurs, nous n’allons pas nous attarder sur son principal trouble obsessionnel : son islamophobie délirante.

Cette même islamophobie qui, sans doute, l’a sauvé – et le sauve encore – d’une réaction du CRIF et de la « doxa » dont il se prétend victime.

Ensuite, ce fut le tour de Caroline Fourest.

Sur cette même émission de On n’est pas couché, l’essayiste est opposée au journaliste Aymeric Caron. Au cours de ce débat très animé, elle n’hésita pas à mentir sur une décision de justice sanctionnant une diffamation avérée dont elle s’était rendue coupable.

Et que dire du fou-rire de la journaliste Vanessa Burggraf et de Laurent Ruquier au dépend du citoyen Philippe Poutou, candidat à l’élection présidentielle. Le militant ouvrier n’a pu placer une seule phrase pour répondre à la question des licenciements. Peut-être que pour l’élite hilare du plateau d’ONPC, les licenciements d’ouvriers/ères ne sont qu’un détail de l'histoire de France. Le fait est que cette hilarité indécente n’était pas nouvelle mais, en 2017, elle n’avait plus besoin de se cacher pour humilier un invité qui n’était pas de leur monde. Du ricanement voilé, on était passé au fou-rire brun et franc.

Plus récemment, nous venons d’avoir droit à une énième ignominie : la romancière Christine Angot, par ses propos scandaleux sur la traite négrière, vaut à l’émission de Ruquier plus de 900 signalements auprès du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel).

Non seulement les paroles négationnistes de la chroniqueuse d’ONPC furent approuvées par les hochements de tête ostentatoires d’un certain Franz-Olivier Giesbert, invité ce soir-là, mais personne, sur le plateau, n’osa la reprendre.

Pas même le patron de l’émission, Laurent Ruquier qui, bien au contraire, n’hésita pas à la soutenir face à la vague d’indignation que sa chroniqueuse avait provoquée sur les réseaux sociaux.

On n’est pas couché est une émission qui obéit aux lois de l’audimat. La télévision, réduite à un simple support publicitaire, incite les chaines, qu’elles soient publiques ou privées, à rechercher la meilleure audience afin de profiter au maximum de la manne publicitaire ; quitte, pour cela, à avoir recours aux pires démagogues, dans le seul but de faire monter leur audience. L’opportunisme n’a pas de limite et encore moins de morale.

Le racisme, quelle que soit sa forme, islamophobie, négrophobie, romophobie, antisémitisme-négationniste, constitue pour les médias, soumis à l’argent et à des groupes privés, un filon de choix.

Tous ces pseudo-intellectuels, à qui Ruquier donne la parole depuis tant d’années, ne sont que des escrocs qui vendent leur plume ou leur parole – comme d’autres vendent leurs dessins « humoristiques » – dans l’unique but d’alimenter leur inavouable fond de commerce : celui du racisme et de la haine.

« En vérité, écrit le philosophe, dramaturge et écrivain Alain Badiou, ce sont des intellectuels [de droite comme de gauche] qui ont inventé la violence antipopulaire, singulièrement dirigée contre les jeunes des grandes villes, qui est le vrai secret de l’islamophobie. Et ce sont les gouvernements, incapables de bâtir une société de paix civiles et de justice, qui ont livré les étrangers, et d’abord les ouvriers arabes et leurs familles, en pâture à des clientèles électorales désorientées et craintives[1] ».

Les émissions de Ruquier participent de cet état de choses.

Et les excuses de Christine Angot ne changeront rien au fait que ses paroles, sur la traite des Noirs visant à minimiser l’esclavage qui fut pratiqué à l’échelle industrielle, s’inscrivent dans le racisme banal et structurel de ces intellectuels officiels qu’incarnent les Zemmour, les Fourest, les Houellebecq, les Finkielkraut et autres BHL, pour ne citer que ceux-là, car la liste est longue malheureusement.

[1]. https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/05/05/le-racisme-des-intellectuels-par-alain-badiou_1696292_1471069.html

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