Cécile est musulmane pratiquante depuis 2 ans. Elle s'est convertie à l'islam seule par le biais de ses lectures.
Elle a commencé à participer à des groupes de réflexion entre musulmanes dans une association réputée avoir un enseignement islamiste.
Les parents de Cécile exercent les profession de médecin spécialiste pour la mère et d'ingénieur pour le père.
Cécile pour sa part a commencé des études de médecine, qu'elle a interrompu aujourd'hui. C'est une élève brillante.
Je rencontre Cécile par l'intermédiaire de l'association où j'exerce des vacations, l'association "Parole et Ecoute". Elle vient accompagnée de sa maman.
Cécile porte un élégant niqab de couleur rougeâtre. Je n'aperçois que ses yeux d'un bleu profond. Son regard est fuyant. On lui a appris à ne pas regarder un homme dans les yeux.
Je reçois dans un premier temps, la mère et la fille. Puis je demande à la mère de me laisser seul avec sa fille et une collègue. Manifestement, Cécile est en colère après sa mère. Une mère qui paraît autoritaire mais complètement démunie face a cette situation. De la tristesse se lit sur son visage.
Je me fais accompagner d'une collègue animatrice et me présente comme "Muslim" devant Cécile. ( les jeunes aiment ce terme.).
Cécile accepte.
Je lui tends la main mais celle-ci refuse de me tendre la sienne qui est gantée. Cécile est à bonne école.
Nous entrons dans une pièce où il y a un bureau. J'approche alors trois chaises devant le bureau pour que notre rencontre soit plus conviviale. Notre entretien ne se fera pas devant un bureau comme il est de coutume chez les psychologues ou psychiatres.
Cécile sera devant moi à quelques mètres et l'animatrice à ma droite. Cécile est sur ses réserves.
Je demande alors à Cécile pourquoi elle est ici.
Un regard intelligent se lit dans ses yeux. Elle me répond que c'est sa maman qui lui à demandé de venir nous rencontrer.
Cécile ne se dévoile pas mais elle retire sa paire de gants. J'évite de regarder ses mains. Je suis "près d'elle" et "l'accompagne" sans l'observer réellement. Je lui parle de côté. J'obéis aux injonctions d'une pratique radicale islamique afin de me "rapprocher" de Cécile.
Je vais à ce moment, parler de l'islam radical.
Je sais que je dois commencer par ce rituel pour l'attirer ensuite dans une discussion plus large.
-Sœur, connais-tu les origines de "notre" Religion?
Je l'appelle par intermittence Cécile et/ou sœur. Le contact ne sera pas trop "occidentalisé" ou trop proche.
-Très bien, frère. J'ai lu le saint Coran ainsi que les Hadhits de notre Prophète Mohammad. Que la paix et le salut soient sur lui.
Elle me répond que "la paix soit sur lui" en français. Je saute sur l'occasion pour lui demander si elle connaissait la formule en arabe.
Elle me répond qu'elle ne connaît pas l'arabe mais qu'elle était en train de l'apprendre avec son groupe d'apprentissage en terminant par "Machallah", formule fortement utilisée par les jeunes aujourd'hui. (Ce mot "machaalah" veut dire "comme Dieu le veut", c'est une façon de glorifier la volonté d'Allah quand on voit une chose "valorisante" et qui doit être continuée.).
Je me rends compte alors à quel stade cette jeune femme se trouve. Ce qui m'importe c'est d'être en contact et de tout faire pour ne pas interrompre. Je fais très attention je pèse mes mots. Je dois l'extraire d'une pensée extrême...
Je demande alors à Cécile si elle a lu le coran en français. Elle me répond que oui.
-j'ai lu aussi les hadiths..
Je lui parle d'auteurs comme M.Arkoun et Hichem Djaïd...Des auteurs non islamistes, ayant été diplômé dans de grandes écoles françaises en Sciences sociales, Sciences Politiques, Histoire.
Cecile n'a jamais entendu parler de ces auteurs.
Elle commence à me citer des passages d'auteurs que je ne connais pas moi-même. Le net en pullule.
Cécile était une bonne élève en philosophie en terminale et appréciait cette matière. Un immense plus pour ces personnes radicalisées mais instruites.
Je lui demande quelle différence fait-elle entre un islam qu'elle connait et l'autre islam. Cécile ne me réponds pas, ne comprend pas ma question.
Je lui repose la question autrement: connait-elle d'autres auteurs que ceux qu'elle a trouvé sur le net et que ses autres sœurs lui ont indiqués?
-Non frère.
Nous interrompons notre rencontre. Je lui propose de revenir me voir pour parler de l'islam. Elle est d'accord.
Rendez-vous programmés dans 15 jours.
Je ne veux pas parler avec la mère au départ de Cécile car je ne veux pas que Cécile pense que je complote derrière elle.
En réfléchissant chez moi, je ne suis pas si sûr que Cécile reviendra à notre prochain rendez-vous. Mais cela n'est pas important, ce qui l'est c'est que nous avons eu une rencontre où Cecile a entendu parler d'un autre islam.
Cécile me recontactera plusieurs semaines après. Elle a commencé à lire quelques résumés des livres d'Hichem Djaït et de Mohammad Arkoun, de la "Falsafa Islamyia"( philosophie arabe) ainsi que ces auteurs: Farabi, Avicenne, Averroès....je lui ai conseillé de lire. Cécile est une "dévoreuse" de livres philosophiques).
Nous continuons à nous voir actuellement. Cela dure depuis maintenant un an. Cécile enlève son voile devant moi. Elle me serre la main et je n'ai plus besoin de ma collègue pour m'accompagner.
Nos rencontres sont faites d'études sur les écrits du courant "Falsafa" ainsi que de l'histoire de l'islam et de ses dynasties.
Cécile ne semble plus être dans un islam radical mais dans un islam de réflexion.
Nous continuerons à nous voir aujourd'hui encore. Cela dure depuis huit mois.
Mousli Hazies