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Billet de blog 5 décembre 2025

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De l'utilité des lois

Il fut un temps où la loi n'existait pas, les forts imposant leur volonté. Alors pourquoi ces derniers ont-ils accepté l'émergence de la loi qui est la défense du faible contre le fort ? Pourquoi ont-ils accepté de perdre ainsi leur pouvoir absolu ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il fut un temps où la loi n'existait pas dans les sociétés humaines. J'entends ici la loi civile, régulant les interactions entre les êtres humains. En ces temps reculés seule la loi du plus fort existait. Le plus fort pouvait assassiner le plus faible et s'approprier ses biens, et toujours imposer ses volontés. Il pouvait régner par la terreur en promettant la mort à qui oserait défier sa force.

Pourtant la loi est apparue. J'entends ici la protection du faible, car la loi n'est rien d'autre que la protection du faible face au fort, ce dernier n'ayant besoin d'aucun secours.

Étrange non ? En effet comment le fort, qui avait tout pouvoir, même de vie et de mort, en est-il venu à accepter la mise en place de la loi qui a pour seul but de protéger le faible, et donc de lui ôter ses prérogatives naturelles, son pouvoir ? Il a forcément fallu que le fort admette que sans le faible sa survie était remise en cause.

L'explication est simple. Il pouvait bien assassiner son voisin, faible agriculteur, piller ses récoltes, violer sa femme et tuer ses enfants, mais l'année suivante il n'y avait plus personne pour produire les récoltes, ce qui le menait à la famine, tout fort qu'il était. Il s'est alors rendu compte, comme disait La Fontaine, qu'on a toujours besoin d'un plus petit que soi. Alors il lui a bien fallu admettre la nécessité de la loi.

On imagine néanmoins la frustration du fort qui n'a jamais prôné la loi et qui d'éternité l'a toujours critiquée : assistanat, pouvoir des juges, impôt confiscatoire, ... On comprend aussi sa volonté perpétuelle de la contourner, d'utiliser des artifices pour exprimer que la loi est injuste et le brime, de pousser à la création de lois qui le favorisent.

Le temps passant les humains ont oublié le pourquoi de la nécessité de la loi, et sont apparu les libéraux prônant la dérégulation, c'est à dire l'abandon des lois, forcément au profit du fort. Sous l'ancien régime la loi ne concernait que le bas peuple, l'aristocratie étant au dessus des lois, ayant droit de vie ou de mort sur leurs cerfs et vassaux. Cela s'est fini avec la tête des forts au bout d'une pique. Au XIXème siècle cela s'est conclu par plusieurs révolutions (en France 1830, 1848 et la Commune en 1871).

Ces révolutions étaient motivées par la dérégulation libérale dont Karl Marx rappelle dans Le Capital un épisode marquant, parmi d'autres : le scandale du pain en Grande Bretagne. Les libéraux au pouvoir ayant instauré le libéralisme total, les boulangers étaient libres de leurs recettes et de leurs prix. Vinrent quelques malins qui remplacèrent la farine par un peu de cendre et purent ainsi vendre leur pain moins cher que leurs concurrents. Ces derniers durent réagir et ce fut la compétition à qui remplaçait la farine par la sciure de bois, le plâtre, et autres ingrédients, toujours en plus grande quantité pour vendre leur pain moins cher que leur concurrent. Cercle vicieux qui aboutit au final à rendre les consommateurs malades ... qui ne pouvaient plus aller dans les usines travailler pour le patron libéral, qui voyait sa production et son chiffre d'affaire s'effondrer. C'est alors que les libéraux ont admis la création d'un service d'état de contrôle de la qualité du commerce. Une loi donc. Ces libéraux du XIXème siècle redécouvraient le constat des forts du néolithique : la loi protégeant les faibles ouvriers était nécessaire à leur propre survie.

Aujourd'hui nous vivons une nouvelle période d'oubli. Les forts remettent en cause la loi et sa nécessité, à grande échelle. Le nouveau libéralisme, ou néolibéralisme, a envahi la planète prônant toujours plus de dérégulation, voire même à la tronçonneuse. Les forts sont une caste qui s'extraient de la loi grâce à leur richesse, en optimisant fiscalement leurs ressources, en payant des avocats qui trouvent les interstices de la loi qui leur permettent de la contourner. La loi ne les concerne plus, elle ne concerne que le bas peuple, planétaire cette fois-ci. Trump en est l'archétype caricatural, niant toute loi, tant de son propre pays qu'internationale.

À n'en pas douter les mêmes causes provoquent les mêmes effets, et les politiques néolibérales aboutiront à une autre crise, encore une, mais planétaire cette fois, qui rappellera aux libéraux actuels ce que les forts du néolithique ont appris à leur dépend : on a toujours besoin d'un plus petit que soi.

Nous en voyons les prémices avec la monté des nationalismes, ceux là même qui ont provoqué la seconde guerre mondiale et ses 40 millions de morts en Europe. Nous sommes sur la bonne route pour battre ce record car les libéraux, les forts, n'ont pas compris que cela se finira comme d'habitude, avec leur défaite, mais une immense horreur pour y parvenir.

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